Tribune Juive

Palestine : un État… et des réfugiés éternels ? Par Paul Germon

Réfugié palestinien : un métier d’avenir


On nous promet qu’un État palestinien réglerait enfin le conflit. Mais derrière les grandes formules, il y a une question que diplomates et chancelleries évitent comme la peste : que deviendra le statut de réfugié palestinien, unique au monde par sa nature… et sa transmission héréditaire ?

Un statut à vie… et au-delà

Dans le droit international, un réfugié cesse de l’être dès qu’il obtient la nationalité d’un pays sûr. C’est vrai pour tous… sauf pour les Palestiniens.

Depuis 1949, avec la création de l’UNRWA, le statut se transmet de génération en génération. Ainsi, l’arrière-petit-fils d’un déplacé de 1948, né à Beyrouth ou à Amman, est toujours considéré comme réfugié, même s’il n’a jamais vu la Palestine historique.

Ce système entretient à la fois la mémoire de l’exil et le droit au retour comme revendication politique centrale.

Une inflation démographique bien commode

En 1948, on comptait environ 700 000 réfugiés. Aujourd’hui, ils sont près de 6 millions enregistrés par l’UNRWA.

La quasi-totalité sont des descendants. Plus il y a de réfugiés inscrits, plus l’UNRWA reçoit de fonds. Résultat : un exil devenu aussi un outil diplomatique et financier.

En cas d’État palestinien : la logique voudrait…

La création d’un État palestinien devrait, en théorie, mettre fin à ce statut.

Les réfugiés pourraient obtenir la nationalité palestinienne, un passeport, un territoire reconnu. L’UNRWA céderait la place à un ministère palestinien du développement. Les milliards aujourd’hui injectés dans le maintien du statut serviraient enfin à bâtir l’État.

… mais la politique a d’autres plans

En réalité, rien n’est moins sûr.

• Droit au retour : conserver le statut permet de continuer à revendiquer l’accès aux villes et villages de 1948, aujourd’hui en Israël.

• Rente internationale : l’UNRWA, financée par les États-Unis, l’Union européenne et quelques pays arabes, distribue une aide vitale à plus de 5 millions de personnes (éducation, santé, aides alimentaires).

• Levier diplomatique : maintenir un peuple entier sous statut de réfugié, c’est maintenir un conflit vivant.

Et il faut ajouter un tabou rarement évoqué : côté arabe, cette manne financière a beaucoup enrichi les dirigeants palestiniens eux-mêmes. Des fonds ont discrètement alimenté des comptes privés, nourrissant un système de clientélisme et de corruption. N’était-ce pas là un obstacle majeur – et pourtant presque jamais évoqué – à la conclusion d’une paix avec Israël ?

Elle a aussi alimenté divisions, rivalités et même haine interne au sein du monde palestinien, chaque faction cherchant à capter sa part du gâteau. Curieusement, la plupart des analystes et géostratèges occidentaux ont préféré occulter cette réalité gênante, ou en tout cas ne pas la mettre en exergue pour le grand public.

Les pays hôtes, entre calcul et contrainte

Au Liban ou en Syrie, on refuse de naturaliser les réfugiés palestiniens pour éviter de « tourner la page ». En Jordanie, la question est plus nuancée, mais reste hautement politique.

En cas d’État palestinien, certains pays pourraient encourager l’intégration et la fin du statut, d’autres préféreraient le maintenir pour conserver un outil de pression sur Israël.

Une transition explosive

Un arrêt brutal de la transmission héréditaire plongerait des millions de Palestiniens dans l’incertitude.

Le nouvel État palestinien n’aurait pas, à court terme, les moyens d’assumer seul la charge éducative, sanitaire et sociale que l’UNRWA prend en charge depuis 75 ans.

Les financements internationaux, aujourd’hui vitaux via l’UNRWA, devraient être redéployés ou réinventés pour éviter une rupture humanitaire majeure.

Le dossier oublié : 850 000 réfugiés juifs des pays arabes

Toute discussion honnête sur le « droit au retour » devrait aussi inclure les 850 000 Juifs expulsés ou contraints de fuir les pays arabes entre 1948 et les années 1970.

Ces familles ont tout perdu : maisons, commerces, biens culturels, comptes bancaires.

Ils n’ont jamais été indemnisés, jamais reconnus comme réfugiés par la communauté internationale, et encore moins bénéficié d’un statut héréditaire.

Aucune agence onusienne n’a été créée pour eux, aucun budget international ne leur a été consacré, et leur histoire a été largement effacée des récits officiels.

La plupart ont été absorbés par Israël ou par d’autres pays, sans compensation réelle.

Si l’on parle de justice et de réparation pour les Palestiniens, il est politiquement et moralement indispensable de mettre en balance le sort de ces réfugiés juifs et d’exiger pour eux aussi une reconnaissance et une indemnisation.

Conclusion : la vérité que l’on n’ose pas dire

La question des réfugiés palestiniens n’est pas un simple dossier humanitaire : c’est un instrument politique et financier soigneusement entretenu depuis 75 ans.

Tant que cette rente internationale existera et que son maintien rapportera plus qu’un accord de paix, aucun dirigeant palestinien n’aura intérêt à y mettre fin.

Et tant que le drame des réfugiés juifs des pays arabes restera occulté, le discours sur la justice et le droit au retour restera biaisé et partiel.

La création d’un État palestinien, sans règlement clair de ces deux questions, ne fera qu’officialiser un paradoxe : un peuple avec un passeport… mais toujours déclaré réfugié, génération après génération.

Et tant que le monde fermera les yeux sur ce système, la paix restera un slogan, et le conflit une rente.

📌 © Paul Germon

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