Tribune Juive

David Castel. Famine en scène

Dans une ruelle étroite d’un Occident trop large, un écran grésille. Un enfant au ventre creux y mâchouille un grain de sable. La caméra tremble. Les pixels supplient. On commente : « Famine à Gaza ». On pleure. On partage. On accuse.

Mais dans l’ombre portée de cette compassion numérique, un détail cloche. Toujours le même enfant. Toujours le même angle. Une maigreur de carte postale, répétée jusqu’à l’indigestion. Où sont les autres ? Où sont les mères, les pères, les vieillards aux joues creusées ? Nulle part. Le garçonnet semble unique en son genre. Mascotte officielle de la misère calibrée.

Et la mère, à côté de lui ? Les bras ronds, le teint vif. Pas un soupçon de détresse alimentaire. Seulement un silence épais. Une absence de famine tonitruante.

La ruse est ancienne comme l’humanité : faire pleurer pour faire plier. Mais à force d’en faire un spectacle, on dévoile la mise en scène. Gaza exhibe des enfants malades nés de mariages consanguins, victimes non pas du blocus israélien, mais de codes génétiques croisés trop souvent. 40 %. C’est la proportion. Quarante sur cent. Quand l’ADN devient un piège, la guerre est un prétexte.

Les vrais affamés, on ne les filme pas en train de croquer du sable pour TikTok. On ne leur insère pas de hashtags. Ils crèvent en silence. Au Soudan. Au Yémen. Là-bas, l’enfant ne sert à personne. Il meurt sans convaincre, il ne dérange pas l’ONU, il ne provoque aucune marche en France.

Pourquoi Gaza, alors ? Parce que Gaza vend. Gaza indigne. Gaza permet de pointer un doigt accusateur vers les Juifs, encore. Toujours. Les enfants soudanais ne font pas recette. Ils n’ont pas d’ennemi suffisamment haïssable. Pas de Tsahal. Pas de kippa. Pas d’Étoile à noircir.

Même les photos mentent. Certaines viennent de Sanaa, pas de Rafah. D’autres datent de 2016. Ce n’est pas de la douleur, c’est du plagiat. Vol de souffrance. Piraterie humanitaire.

Et maintenant, le dernier acte. Tragique, mais pas surprenant : l’aide humanitaire — celle que l’Égypte tente d’acheminer courageusement à travers les points de passage — ne parvient plus à destination. Des camions pleins de farine, de savon, de lait en poudre. Arrêtés net à Morag. Détournés. Pillés. Puis, dans la foulée, on retrouve les mêmes produits sur les marchés de Gaza. À des prix que seuls les corrompus peuvent se permettre.

Les pauvres n’ont même plus leur misère à eux. Elle leur est volée, elle aussi. Gaza ne meurt pas de faim — elle meurt de ses prédateurs internes. Elle crève sous la rapacité de ceux qui, en treillis ou en costard, siphonnent l’aide pour la revendre, la redistribuer à la carte, ou la troquer contre des loyautés.

Des convois entiers stagnent, parfois plusieurs jours, aux portes des villes, inspectés, validés, approuvés. Des tonnes de farine, d’huile, de riz. L’équivalent de 1,2 kg de nourriture par jour et par personne depuis janvier. Et pourtant, sur le terrain, la faim se propage. Comment expliquer ce miracle inversé de la physique humanitaire ? La réponse est talmudique, et brutale.

Diviser Gaza en trois : au centre, les cafés, les restaurants, les zones grises du commandement. Là où les otages disparaissent, là où la guerre se camoufle dans les vapeurs de narguilé. Au sud, la distribution efficace par GHF, soutenue par les Américains — deux millions de repas distribués par jour. Et puis le reste. Le chaos. Le territoire des mensonges. Là où les camions sont stoppés, les chauffeurs attaqués, les convois rackettés. Là où l’ONU, malgré les propositions d’escorte israélienne, préfère sous-traiter sa logistique à des policiers… du Hamas.

« Rejoins les rangs, Mange. Reste civil, Crève »

Oui, des policiers du Hamas chargés d’escorter les vivres. Oui, des radios offertes par l’ONU à ceux-là-mêmes qui les confisquent. Et dans les tunnels ? Les terroristes s’y réveillent avec du pain chaud, du houmous, des fruits frais. Le choix est simple : « Rejoins les rangs, Mange. Reste civil, Crève ».

La réalité est nue : même les aides gratuites sont revendues au marché noir. 500 dollars pour un sac de farine. Des vidéos montrent des habitants escortés par des hommes armés, leur cargaison arrachée, redistribuée aux proches du régime ou monnayée dans les souks de la misère. Ceux qui dénoncent, eux, sont battus. Parfois tués. Gaza vit sous embargo, non pas israélien, mais islamiste.

Alors oui, l’image fait mal. Mais la réalité, elle, blesse plus encore : ce conflit pourrait s’arrêter demain. Littéralement. Juste relâcher les otages. Juste cesser de creuser des tunnels au lieu de puits. Juste arrêter de vouloir effacer Israël.

« Gaza préfère se filmer que faire la paix »

Mais non. Gaza préfère se filmer. Préfère faire pleurer que faire la paix.

Golda Meir n’a pas changé de ton depuis cinquante ans : si les Arabes déposent les armes, la guerre cesse. Si les Juifs les déposent, Israël cesse. Cette équation-là, personne n’ose la lire à voix haute, sauf dans les marges.

Et pendant que les bien-pensants brandissent des pancartes avec des enfants décharnés… un autre enfant, dans une autre guerre, meurt vraiment. Mais sans public. Sans cause. Sans cortège.

© David Castel

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