Tribune Juive

David Castel. Mattot-Masseï. L’Élysée et les ruines

Mattot-Masseï. L’Élysée et les ruines

Chaque semaine, on croit lire un fragment du passé. Et chaque semaine, c’est du présent qu’il s’agit.

On aimerait tant séparer les choses : le sacré et le politique, les versets et les décrets, les serments murmurés à Dieu et les promesses crachées dans les micros.

Mais il suffit d’ouvrir Mattot-Masseï pour comprendre que tout s’emmêle. Toujours.

Deux parachiot. Deux faces d’une même solitude.

Le vœu, d’abord. Une parole offerte sans témoin. Plus qu’un contrat : un lien, un serment qui attache l’âme à ce qu’elle vient de dire.

Et puis la guerre. Celle que Moché mène contre Midiane, sachant qu’elle annonce sa fin. Il aurait pu attendre. Prendre son temps. Mais il agit.

Il ne triche pas avec l’échéance.

Il ne se ment pas pour durer.

Un homme. Un vrai.

Il ne parle pas pour signaler. Il agit pour rester digne.

Et soudain, l’écran s’éclaire. 

Macron apparaît.

Un président européen, de juillet. Costume d’été, ton feutré, conviction simulée.

Et cette phrase.

La reconnaissance de l’État palestinien.

Pas pour la paix.

Pas pour les otages.

Pas pour les enfants qu’on n’a toujours pas retrouvés dans les tunnels.

Non. Pour la posture. Pour le signal. Pour un théâtre international qui n’attend plus de décisions, mais des annonces.

« Lo y’hal devaro. »

Il ne profanera pas sa parole.

Ce que l’on dit engage. Ce n’est pas un slogan. C’est un principe.

Mais le président français, lui, parle.

Il parle pour exister. Il parle pour les éditorialistes. Il parle pour ceux qui confondent la diplomatie et le bavardage.

Et pendant ce temps, le sang du 7 octobre colle encore aux murs. Les cris des enfants résonnent toujours dans les tunnels. Les familles attendent.

658 jours.

Silence.

Pas un mot pour eux.

Mais des discours pour ceux qui haïssent.

Pas une exigence de retour des femmes, des vieillards, des enfants.

Mais une reconnaissance pleine et entière d’un État qui héberge leurs geôliers.

Dans la paracha, Moché refuse d’aller lui-même livrer bataille. Pas par peur. Par gratitude.

Midiane l’avait accueilli.

Même dans la vengeance, il garde mémoire du bien.

Il sait. Il n’oublie pas.

Voilà ce que c’est, un homme.

Et voilà ce que c’est, un peuple.

Mais Macron ?

Il parle.

Et ses mots récompensent le Hamas.

Ils valident la haine.

Ils saluent la stratégie du rapt.

Et pendant ce temps-là, dans le réel, Israël ne tweete pas.

Elle parachute.

Non pas des bombes.

Du riz.

Du lait.

Des antibiotiques.

Une guerre du récit.

Où ceux qui mentent tuent plus sûrement que ceux qui tirent.

L’ONU évoque la « malnutrition ».

Et déjà les images circulent. Des enfants aux ventres creux.

La famine devient une arme.

Mais sur le terrain ?

Des camions entrent.

Des caisses tombent.

Des soldats israéliens s’avancent, dos courbé sous les sacs.

Ils savent que le Hamas guette.

Qu’il confisque.

Qu’il triche.

Mais ils parachutent quand même.

Et pendant que les éditoriaux s’enflamment à Paris, une soldate, dans l’obscurité d’un hangar, vérifie une caisse de perfusions.

Elle sait que la vérité ne se dit pas. Elle se fait.

Masseï parle des quarante-deux étapes dans le désert.

Chacune compte. Chacune pèse.

Et même dans Gaza, même dans la ruine, une armée juive trace ses propres chemins.

Chaque largage, une frontière morale.

Chaque retenue, une victoire sur la barbarie.

Il ne s’agit pas de grandeur.

Il s’agit d’humanité.

De ce vieux réflexe juif :

On ne laisse pas mourir, même en guerre.

Et au milieu du désert contemporain, la France cherche sa colonne de nuée.

Elle parle de paix sans demander justice.

Elle tend les bras… mais à qui ?

Pas aux familles d’otages.

Pas aux enfants disparus.

Pas aux survivants du kibboutz.

Mais à ceux qui se servent des morts pour conquérir les vivants.

Alors non. La Torah ne parle pas de Macron.

Ni de la République.

Ni du Conseil de sécurité.

Mais elle parle de fidélité.

De mémoire.

D’exigence.

Et de cette obstination étrange à marcher droit, même quand tout autour s’effondre.

Elle parle de nous.

Encore cette semaine.

Encore.‌‌

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