Tribune Juive

« À quand l’étoile jaune? » Par Richard Abitbol


« Les dictatures naissent de la lâcheté des démocraties ». –Raymond Aron

Alors que la France a reconnu unilatéralement un État palestinien le 24 juillet 2025, sans cadre ni garantie de paix, cette lettre ouverte dénonce l’abandon croissant des Juifs de France par les plus hautes autorités de l’État.

Monsieur le Président,
À quel moment réagirez-vous ? Quand un drapeau israélien brûlé dans une manifestation deviendra une kippa arrachée dans le métro ? Quand un juif sera de nouveau exclu d’un vol pour « ne pas déranger » la paix d’un avion devenu tribunal ? Ou attendrez-vous, comme d’autres avant vous, que les juifs fassent eux-mêmes leurs valises pour ne plus embarrasser la République ?
L’Histoire, vous la connaissez. Mais c’est le présent que vous ne voulez pas regarder. Et c’est notre avenir que vous êtes en train de compromettre.

Le retour du stigmate

Ce qui s’est passé en juillet 2025 sur deux vols Vueling n’est pas une coïncidence. C’est un révélateur brutal de l’époque que nous vivons.
Sur un vol Barcelone–Paris, un passager juif orthodoxe est sommé par des militants propalestiniens de quitter l’avion, simplement à cause de son apparence. La compagnie lui propose de changer de vol pour ne pas troubler la « paix sociale » du bord. Aucun communiqué officiel, aucun rappel à l’ordre.

Quelques jours plus tard, sur un vol Valence-Paris, c’est un groupe d’enfants juifs revenant d’une colonie (Kinnereth) qui devient cible. Ils chantent à l’unisson, comme le font des enfants heureux. Le personnel s’agace, puis appelle la police. Et là, scène inimaginable : une jeune fille, refusant de donner son téléphone, est plaquée au sol et menottée. Menottée. Une enfant. En Europe. Parce qu’elle est juive, joyeuse, et refuse de se soumettre.
Pas un mot des grandes consciences. Pas un mot des présidences. Pas un mot de ceux qui s’indignent pour chaque migrant, chaque drapeau, chaque statue. Quand les victimes sont juives, le silence est toujours plus facile.

Le drapeau de la honte : confirmation à Nice et reconnaissance du 24 juillet 2025

Et comme pour donner raison à ce que nous redoutions, votre décision du 24 juillet 2025 de reconnaître un État palestinien, sans frontières, sans légitimité démocratique, sans paix, a été un tournant. Un drapeau a été hissé. Un autre, invisible, a été ravivé : celui de la haine. Voici ce que nous écrivions, quelques jours plus tôt, comme un cri de lucidité prophétique :
À chaque jour son outrage, à chaque discours sa provocation. Monsieur le Président, sous couvert de pacification, vous soufflez méthodiquement sur les braises du ressentiment et de la haine. Après des années de compromissions, de silences sélectifs, et de fréquentations douteuses, vous donnez désormais des gages clairs à ceux qui, en France, trouvent dans la cause palestinienne le masque le plus commode de leur antisémitisme viscéral.

Dernier épisode en date : Nice. Une ville frappée dans sa chair par le terrorisme islamiste, mais où le chef de l’État s’est une fois de plus livré à son exercice favori : l’amalgame, la mollesse diplomatique, et le refus obstiné de nommer les choses. S’il fallait une image, un symbole, le voici : le drapeau palestinien brandi comme une bannière de ralliement par les antisémites du monde entier. Qu’on le veuille ou non, c’est la réalité d’aujourd’hui. Ce drapeau, qui aurait pu être celui d’un peuple aspirant à la paix, est devenu, dans les rues d’Europe comme sur les campus américains, le nouveau fanion de la haine des Juifs.
Comme hier le drapeau nazi, il flotte désormais dans les cortèges où l’on acclame le Hamas, où l’on brûle des étoiles de David, où l’on scande la fin d’Israël. Et voilà que dans un mélange indécent de cynisme diplomatique et de calcul électoral, vous avez choisi de vous ranger sous cette bannière-là. Non pas par ignorance, mais par choix. Car vous savez. Vous savez parfaitement ce que signifie, aujourd’hui, dans le climat français, faire du drapeau palestinien un symbole respectable.

Monsieur le Président vous ne défendez pas la paix. Vous pensez défendre votre image. Vous ne cherchez pas à résoudre un conflit, mais à redorer votre blason terni par tant de renoncements. Et dans cette entreprise, vous piétinez la mémoire des victimes, insultez les Juifs de France et renforcez chaque jour ceux qui rêvent d’un pays sans eux.

C’est cela, votre vrai bilan. Non pas une diplomatie équilibrée, mais une diplomatie alignée : alignée sur les mensonges de l’idéologie intersectionnelle, sur les mots d’ordre des islamo- gauchistes, sur les silences complices de ceux qui ont troqué la vérité contre des bulletins de vote.
En 2025, vous avez choisi votre camp. Et ce camp, c’est celui où l’on conspue les synagogues, où l’on frappe les enfants juifs dans les trains, où on appelle au boycott d’Israel, boycott mené par l’Etat, où l’on hurle « Mort à Israël » dans les manifestations tolérées par l’État.
Et pendant ce temps, ceux qui lèvent encore les yeux au ciel en criant à l’exagération verront, tôt ou tard, que l’histoire bégaie. À force de ne pas vouloir voir la réalité, on finit par la subir.

Alors disons-le sans détour : en se rangeant symboliquement sous le drapeau devenu le totem de l’antisémitisme contemporain, vous avez trahi la République que vous prétendez incarner.
Et si demain les étoiles jaunes réapparaissent, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas.
La haine réactivée par les puissants

Monsieur le Président, la honte ne vient pas seulement de ce que des fanatiques insultent des juifs dans les rues de Londres, Berlin ou Paris. Elle vient surtout du fait que des chefs d’État et de gouvernement contribuent eux-mêmes à légitimer cette haine.
Quand Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol, parle d’un « génocide à Gaza », quand vous alignez vos discours sur les mots d’ordre de ceux qui haïssent Israël bien plus qu’ils n’aiment les Palestiniens, quand les dirigeants européens abandonnent toute mesure, toute complexité, toute mémoire pour singer TikTok et Twitter, ils ne sont pas neutres. Ils désignent des coupables. Et dans l’inconscient collectif, ce coupable ne s’appelle pas seulement Tsahal. Il s’appelle « le Juif ».
Parce qu’à chaque fois que l’on rend Israël responsable de tous les malheurs du monde, c’est le juif du quartier d’à côté qu’on fait payer.

Le prix du silence : l’abandon

Et vous, Monsieur le Président ? Vous savez. Vous avez vu. Vous avez reçu. Vous avez entendu. Mais vous temporisez. Vous équilibrez. Vous parlez de « retenue », d’ »humanité », de « proportion ».
Proportion… entre quoi et quoi ? Entre un pogrom et une réponse militaire ? Entre une démocratie et une organisation génocidaire ?
La République ne « tempère » pas quand ses enfants sont menacés. Elle protège. Elle se lève. Elle dit non. Elle n’équilibre pas les douleurs. Elle nomme les coupables.

Or aujourd’hui, Monsieur le Président, vous ne dites plus rien. Et quand vous parlez, vous n’êtes plus entendu — ou pire : vous êtes entendu comme un signal d’abandon.
L’étoile revient, invisible mais réelle
Nous n’avons pas besoin d’une étoile jaune pour savoir que nous sommes de nouveau stigmatisés. Il suffit d’ouvrir les yeux. D’entendre ce que des enfants juifs subissent à l’école. De voir ce que des étudiants juifs vivent à l’université. De compter les actes antisémites, qui explosent pendant que vos services les minimisent.
Vous dites que vous êtes le Président de tous les Français. Très bien. Mais alors, soyez aussi celui des Français juifs. Pas seulement dans les discours du CRIF. Dans les actes. Dans la rue. Dans les décisions.
Nous ne vous demandons pas de favoritisme. Nous vous demandons ce que tout citoyen est en droit d’attendre de l’État : la sécurité, la justice, la vérité.
Ne nous sacrifiez pas pour redorer votre blason
Il fut un temps où, en France, le sacrifice des juifs a servi de monnaie d’échange. Un temps où le pouvoir cherchait à sauver sa face en livrant les siens.
Aujourd’hui, nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que l’Europe est lâche, que l’ONU est hostile, que les universités sont gangrenées, que les minorités bien-pensantes n’ont plus de mémoire.
Mais ce que nous n’acceptons pas, c’est que la France officielle en vienne à sacrifier ses juifs pour tenter de racheter son image dans le monde arabe ou dans les ONG du wokisme mondialisé.
Nous n’avons pas besoin d’un Pétain en costume de progressiste. Nous avons besoin d’un Président.
Monsieur le Président, nous sommes peut-être la vigie d’un monde qui s’effondre. Mais si la France abandonne ses juifs, elle abandonne ce qu’il lui reste de dignité.
Il est encore temps de ne pas devenir complice de l’inacceptable. Mais pour cela, il faut regarder en face la haine. Et dire son nom. Sans ça… l’étoile reviendra.
Pas celle de nos vestes. Celle de votre honte.

© Richard Abitbol

Quitter la version mobile