Tribune Juive

OPINION: « Gaza : comment Israël s’est-il rendu responsable des morts, des destructions et de l’impasse ». Par David Horovitz

Des hommes transportent le corps enveloppé dans un linceul du jeune Palestinien Abdul Jawad al-Ghalban, 14 ans, apparemment mort de faim, avant son enterrement à l’hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 juillet 2025. (Crédit : AFP)

L’offensive contre le Hamas visait à libérer les otages. Elle a abouti à un contrôle militaire de Gaza, sous l’égide d’un gouvernement soutenu par des partisans de l’annexion

Plusieurs agences de presse ont diffusé mardi des photos du corps sans vie d’un adolescent de Gaza, identifié comme Abdul Jawad al-Ghalban, 14 ans. Selon l’AFP, qui a publié des images montrant sa famille en deuil ainsi qu’un secouriste nettoyant sa dépouille émaciée à la morgue de l’hôpital Nasser de Khan Younès, il serait mort de faim. Munir al-Barash, directeur du ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le groupe terroriste palestinien du Hamas, a affirmé qu’il figurait parmi les 20 Gazaouis morts de faim au cours des dernières 48 heures, un nombre qualifié « d’inédit ». Selon lui, 88 personnes seraient mortes de faim depuis le début de la guerre, il y a 21 mois.

Lors d’un point presse destiné aux journalistes israéliens mardi soir, un responsable a affirmé qu’Israël ne pouvait être tenu pour responsable d’une quelconque pénurie alimentaire, assurant que l’aide fournie permettrait largement de nourrir la population de Gaza et « qu’aucun cas de famine » n’avait été constaté à ce jour. D’après lui, les cargaisons de 950 camions humanitaires encore non distribuées côté gazaoui suffiraient à couvrir les besoins alimentaires de l’ensemble du territoire pendant deux semaines et demie. Il a cependant reconnu que cette aide n’était pas effectivement collectée ni distribuée, qu’il était nécessaire de « stabiliser la situation humanitaire », et qu’un accès insuffisant à la nourriture pouvait exister dans certaines zones de Gaza.

Au-delà des déclarations officielles, il semble qu’Israël, par l’intermédiaire de son Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), fournisse effectivement une aide humanitaire plus que suffisante à la population de Gaza. Mais l’ONU et d’autres agences internationales peinent à l’acheminer à grande échelle. Tous les acteurs – supposément bien intentionnés – se rejettent la responsabilité de cet échec à la fois logistique et politique.

Profitant du chaos, le Hamas et d’autres groupes armés gazaouis menacent les personnels humanitaires et s’emparent d’une part importante des cargaisons. Et si les bilans de mortalité sont probablement exagérés ou manipulés à des fins politiques, le fait est que certains Gazaouis meurent bel et bien de faim.Kibboutz Beeri au coeur des ruinesKeep Watchinghttps://inventory.vidazoo.com/61952351cf1b8d00045fd9af/06326050183a078712960a56b453f8af18e90541/06326050183a078712960a56b453f8af18e90541_480p.mp4?browser=Safari&os=Mac+OS&publisherId=619523517186a10004abdb7f

Selon ses propres estimations, l’armée israélienne contrôle aujourd’hui environ 75 % de la bande de Gaza. Autrement dit, Israël assume désormais la responsabilité de la majeure partie du territoire, alors même qu’il poursuit une guerre entamée après le pogrom du 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, il y a plus de 21 mois, pour démanteler l’appareil militaire du Hamas – un groupe dont les capacités ont été largement réduites, mais qui reste meurtrier.

Au printemps dernier, Israël avait suspendu l’acheminement de l’aide pendant près de onze semaines, afin de pousser le Hamas à accepter la libération des otages selon ses conditions. Par la suite, Jérusalem a soutenu – et semble-t-il en partie financé – un nouveau dispositif de distribution humanitaire, la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF), qui annonce chaque jour la livraison de millions de repas via des centres dans le sud et le centre du territoire, mais où, presque quotidiennement, de nombreux Gazaouis sont tués en essayant d’obtenir ces précieux colis.

Au total, selon des chiffres non vérifiables des Nations unies (ONU), plus d’un millier de Gazaouis auraient été tués en tentant de se procurer de l’aide, auprès de la GHF et sur d’autres sites, depuis que celle-ci a lancé ses activités il y a deux mois. Tsahal a reconnu que ses troupes avaient ouvert le feu à de nombreuses reprises, tout en contestant le nombre de morts, qu’elle juge exagéré. Elle n’a cependant fourni aucun chiffre alternatif, se contentant d’affirmer avoir « tiré les leçons » de ses erreurs.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Israel Katz continuent de défendre une idée irréaliste et immorale – avancée en février par le président américain Donald Trump – de transférer l’ensemble des Gazaouis vers des destinations étrangères encore inconnues. Pendant ce temps, le ministre des Finances Bezalel Smotrich, également ministre délégué à la Défense et chef d’un parti indispensable à la survie de la coalition de Netanyahu, a réaffirmé mardi son souhait que Gaza soit annexée par Israël et devienne « une partie inséparable » de l’État.

Par ces propos comme par ses actes, Israël s’est ainsi positionné, aux yeux de ses alliés comme de ses détracteurs, comme l’unique autorité responsable de Gaza – et en particulier du sort de sa population civile.

De l’aide attend d’être distribuée du côté palestinien du point de passage de Kerem Shalom avec la bande de Gaza, sur une photo diffusée le 21 juillet 2025. (Crédit : COGAT)

Sur le plan tactique, l’armée israélienne a refusé de prendre part à la distribution de l’aide humanitaire. Elle aurait rejeté cette option à plusieurs reprises, même lorsqu’elle a été évoquée par Netanyahu et d’autres ministres au fil de la guerre.

Pourtant, c’est désormais à elle qu’il revient d’assurer l’accès aux centres de la GHF et de superviser d’autres dispositifs d’aide, alors qu’elle n’est ni formée ni équipée pour cela. Les réservistes déployés près des sites de distribution ne reçoivent pratiquement aucune formation spécifique sur la gestion des foules dans un contexte où des dizaines de milliers de Gazaouis affluent, à des horaires non coordonnés, en s’écartant des trajets prévus et en s’approchant parfois dangereusement des positions militaires – le tout alors que des terroristes potentiels du Hamas peuvent se mêler à la foule. Pour couronner le tout, ces soldats ne disposent pas de moyens adéquats de dispersion non létale.

Il est tout simplement inacceptable que des soldats israéliens, se sentant en réel danger, mais privés d’alternatives, tuent presque quotidiennement des civils à Gaza. Cette situation nuit à l’effort de guerre. Elle est immorale et injustifiable. Et pourtant, elle se poursuit.

Des Palestiniens attendent de recevoir un repas chaud dans une cuisine communautaire dans le quartier de Mawasi, à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 juillet 2025. (Crédit : AFP)

Sur le plan stratégique, le gouvernement israélien a pris la décision en mars de ne pas prolonger l’accord de cessez-le-feu conclu en janvier, car il refusait de s’engager à mettre un terme à la guerre. Smotrich et son collègue d’extrême droite Itamar Ben Gvir, candidat déclaré à la gestion d’une occupation permanente de Gaza, avaient clairement exprimé à l’époque, tout comme aujourd’hui, leur opposition à une telle issue. Netanyahu, de son côté, affirmait que la communauté internationale ne permettrait pas à Israël de relancer sa campagne contre le Hamas si, ou plutôt quand, ce dernier violerait un cessez-le-feu supposé permanent.

Mais plus largement, Israël s’est montré incapable ou peu désireux de favoriser la mise en place d’une alternative au Hamas pour gouverner Gaza, que ce soit par le biais des clans locaux, de l’Autorité palestinienne (AP) ou d’un mécanisme régional ou américain.

Ainsi, le scénario que redouterait le plus le Hamas, celui d’une gouvernance post-guerre par une ou plusieurs entités de remplacement, n’a tout simplement pas avancé.

Le gel de l’aide israélienne entre mars et mai n’a pas permis de faire plier le Hamas, qui avait préalablement stocké d’importantes quantités de ressources. Et les efforts israéliens déployés depuis pour permettre la distribution d’aide tout en l’empêchant de tomber entre les mains du Hamas n’ont pas davantage porté leurs fruits : le Hamas continue de s’emparer des fournitures presque à sa guise, les civils gazaouis subissent ce qu’un responsable israélien a prudemment qualifié mardi de « situation humanitaire instable », un grand nombre de personnes trouvent la mort dans des circonstances chaotiques en tentant d’accéder à des produits de première nécessité, et certaines, incontestablement, meurent de malnutrition. Et Israël, à cause du cynisme du Hamas, mais aussi de ses propres décisions et échecs stratégiques et tactiques, s’est désigné lui-même comme l’unique responsable lorsque des images de tirs près des centres d’aide et des photos de corps émaciés, comme celui d’Abdul Jawad al-Ghalban, font le tour du monde.

Le ministre des Finances Bezalel Smotrich assiste à une conférence sur l’établissement d’implantations juives dans la bande de Gaza à la Knesset à Jérusalem, le 22 juillet 2025. (Chaim Goldberg/Flash90)

Une guerre qui avait commencé avec l’impératif absolu de détruire l’appareil militaire du Hamas et de ramener les otages s’est muée en une prise de contrôle militaire israélienne de la majeure partie de Gaza, dirigée par un gouvernement qui dépend du soutien de ceux qui souhaitent une occupation permanente. Quelque 45 soldats israéliens ont été tués depuis l’effondrement du dernier cessez-le-feu, tandis que des centaines de Gazaouis meurent en quête de nourriture.

Des Gazaouis assistent au spectacle sordide organisé par des terroristes du Hamas, qui encadrent les otages israéliens (de gauche à droite) Ohad Ben Ami, Eli Sharabi et Or Levy sur une estrade, juste avant de les remettre à une équipe de la Croix-Rouge, à Deir el-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 8 février 2025. (Crédit : Bashar Taleb/AFP)

L’État terroriste de Gaza, érigé par le Hamas dans le but affiché de détruire Israël, est aujourd’hui en ruines et est devenu inhabitable. Et les Gazaouis que le Hamas a sciemment placés en danger subissent bel et bien des souffrances terribles – mais c’est Israël, et non le Hamas, qui a désormais choisi d’en porter la responsabilité.

Israël s’aliène rapidement la plupart de ses alliés les plus proches, tandis qu’à l’intérieur du pays, la grande majorité de la population israélienne, fragmentée, souhaite désespérément mettre fin à la guerre en échange de la libération de tous les otages.

© David Horovitz

Source: Times of Israel

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