Tribune Juive

Le Discours d’Eliane Klein, moment puissant de la Journée nationale à la mémoire des Victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes ». Orléans dimanche 20 juillet

La cérémonie, place de la République, à Orléans
Photo Alban Gourgousse

Le Discours attendu d’Eliane Klein

Dédié aux otages israéliens et aux otages français Boualem Sansal, Christophe Gleizes (en Algérie), Cécile Kohler, Jacques Paris et Lennart Monterlos  (en Iran), tous otages de « la plus atroce barbarie »( Marc Bloch), et  dédié aux Justes qui ont incarné l’honneur de notre pays, grâce auxquels je suis ici aujourd’hui.

Mes paroles font écho à la phrase de Simone Veil, dans son discours aux Nations Unies, 29 janvier 2007 : « Je souhaite solennellement vous redire que la Shoah est « notre  » mémoire et « votre » héritage », complétées par cette phrase du Talmud : « Seule  une mémoire vivante tient l’homme en état de parole ». ( in « Leçons de la Shoah », p 12, Gérard Rabinovitch).

Cela commence  comme un conte de fées: « Il était une fois »…, mais c’est l’extrême inverse: « l’enfer »!

Il y avait, il y a 84 ans, 3 camps dits « d’internement », Beaune la Rolande, Pithiviers et Jargeau où 1720 personnes tziganes furent détenues, de 1941 à 1945, dans des conditions très difficiles, évoquées par Mr  André Sauzer.

Camps  de Beaune La Rolande et Pithiviers gérés par la Préfecture d’Orléans, surveillés par les gendarmes et douaniers français, une « étape  » dans la tragédie  vécue par les Juifs pendant la 2ème guerre mondiale : 3 rafles : 14 mai 1941, dite du  « billet vert », rafle massive de Juifs étrangers, suivie de 2 autres rafles de Juifs français pour la plupart, en août et décembre 1941…

Puis ce fut la grande rafle dite du « Vel d’Hiv », les 16 et 17 juillet 1942, plus de 11.00 hommes, femmes et enfants juifs furent  brutalement arrêtés par la police française, aucun soldat allemand, aucun policier SS n’y prirent part.

Certains Juifs furent envoyés à Drancy. La majorité enfermés dans le Vel d’hiv dans un enfer de bruit, de chaleur, d’hallucinante angoisse … La plupart d’entre eux transportés  vers les camps du Loiret puis, après la dramatique séparation des mères d’avec leurs enfants- même des bébés, fin juillet et début août  1942 , tous envoyés à Auschwitz pour y être assassinés.

L’ arrière plan  administratif  de ces actes « irréparables »(Jacques Chirac)  émanait de la politique   du Régime de Vichy, soumis à Hitler et complice zélé du projet mortifère nazi, prenant sa revanche sur la démocratie : multiples lois, décrets, actes signant la persécution des Juifs étrangers et français : Exclusions sociales, expropriations, spoliations, dénaturalisations, marquages, rafles, internement et transport vers le camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau.

Sans oublier le rôle criminel des membres de la Haute Fonction Publique dans l’organisation des rafles et autres crimes, puis de la Milice(1943), auxiliaire de la Gestapo, « bras armé de la  collaboration française », dans la traque, les tortures, les exécutions sommaires.

Je voudrais revenir, en cet instant, sur l’horreur du génocide programmé (pléonasme) du peuple juif, inscrit dans « l’histoire du d’une culture européenne qui a fantasmé -puis légiféré- la destruction d’une partie de l’espèce humaine pendant des siècles »( Georges Bensoussan , in « LHistoire confisquée de la destruction des Juifs d’Europe »). « Une litanie de massacres qui  ponctuent l’histoire de l’Europe, de l’Antiquité… au 20ème siècle… » ( Michaël Prazan- in « La vérité sur le Hamas »).

 Un long chemin de persécutions – je cite Charles Péguy: « Je connais bien ce peuple. Il n’a pas sur la peau un seul point qui ne soit pas douloureux, où il n’ y ait un ancien bleu, une ancienne contusion, la mémoire d’ une douleur sourde,  une cicatrice, une blessure, une meurtrissure d’Orient ou d’Occident« .  Ce chemin aboutissant à la Shoah, la rupture de civilisation- césure anthropologique- « fusion de l’antijudaïsme ancestral avec la technique  moderne et la bureaucratie, transformés en instruments de meurtre » :  l’atteinte la plus violente à la notion de personne humaine, diabolisée et chosifiée, détruite comme le Mal absolu sur terre.

Les ombres  des Lumières qui avaient illuminé le 18 ème siècle européen et gagné peu à peu le 19ème siècle furent complètement éteintes par les totalitarismes stalinien, puis nazi.

En 1940, l’historien Marc Bloch écrivait: « [Nous sommes] dans un monde assailli par la plus atroce barbarie ».

Qu’en est-il aujourd’hui? Qu’en est-il  du « Plus jamais ça »?

Comme l’avait prévu Primo Lévi, lucide: « C’est arrivé, cela peut donc arriver de nouveau ».

« Dans un monde où murmure le potentiel barbare de nos sociétés » ( Georges Bensoussan), entamant l’avenir du peuple juif, la possibilité de destruction de l’Etat d’Israël, planifiée depuis de longues années, a été tentée le  7 octobre  2023 : Les hordes de terroristes du Hamas et d’habitants de Gaza ont perpétré un gigantesque massacre de nature génocidaire dans les Kibboutz d’Israël proches de la frontière. Ce massacre s’inscrit dans la très longue liste des très violents pogroms commis en Egypte,  Irak, Syrie, Aden, Tripoli,  en Palestine depuis 1834 jusqu’en avril 1948, bien avant la création de l’Etat d’Israël : le traumatisme de ces pogroms et l’extermination des Juifs d’Europe a refait surface, changeant notre être au monde : Nous  sommes entrés, de nouveau, dans le monde des « anti lumières ».

Le 7 octobre 2023, dans une rage de destruction totale -projet sadique d’anéantissement d’un peuple, conformément à la Charte du Hamas,  branche palestinienne de la Confrérie des « Frères musulmans »,- les terroristes ont massacré, torturé, brûlé vifs, égorgé, décapité, pris en otages et violé hommes, femmes, certaines enceintes, enfants, bébés. Les petits Ariel et Kfir Bibas furent assassinés à mains nues devant leur mère.

Différence avec les nazis qui tenaient au secret de leurs exactions, les terroristes du Hamas, dans l’hystérie, l’exaltation,  la jouissance indécente de  soumettre les victimes, riaient, se filmaient, se vantaient au téléphone, envoyaient les images des atrocités  à leurs parents qui les félicitaient, et aussi aux familles des victimes.

Les réactions en France face à cette tragédie:   Une explosion de l’antisémitisme qui « s’est installé dans l’air du temps »( Charles Péguy), cette passion dévastatrice qui s’affiche,  en particulier dans le vocabulaire, où les mots ont perdu leur sens, dans un monde  où la haine et le mensonge règnent en maîtres ,où « des schémas culturels anciens, enracinés dans des siècles de persécutions sont réactivés »( Georges BENSOUSSAN).

Ainsi le terme génocide martelé  dans les universités( mimétisme avec les universités américaines), dans les manifestations de LFI, à l’Assemblée nationale, dans des médias. L’utilisation perverse de ce terme nous inflige une blessure, la blessure fondamentale de la Shoah, une « offense absolue « ( Paul Bernard) pour le peuple juif.

Une  manière de nazifier l’Etat d’Israël, donc de légitimer sa disparition  en faisant du terme  sioniste  l’insulte suprême. »Dans les manifestations, on expulse des élus aux cris de : « Dehors les sionistes! »( Paul Bernard).

Cet antisionisme déchaîné  est comme la réactivation de l’alliance islamisme-nazisme, analysée par Boualem Sansal dans « Le village de l’Allemand », et qui traverse implicitement le film de Michaël Prazan : »La Confrérie ».

Face à ce terrible constat, je cite ce qu’écrivait l’écrivain roumain Mihaïl Sebastian, en 1941, évoquant sa solitude dans un pays que, jusque là, il croyait sien, décrivant « le regard fuyant de ceux qu’il croyait proches ou amis ».

Aujourd’hui, me revient en mémoire un dicton dans la langue Yiddish: « C’est pas facile d’être juif », répété depuis des siècles…

Aujourd’hui,  la solitude nous étreint, nous rappelant la précarité de notre existence, la sensation de « ne plus être chez nous dans le monde ».

Mais, comme en juin 1944, en juin 2025 « des petites étoiles ont scintillé au milieu de tant d’obscurité » ( Raphaël Jérusalmy)  en voyant Israël, ce petit pays « cloué au pilori » et tout son peuple combattre, seuls, pour la vie, la nôtre et celle du monde.

Ce modèle exceptionnel nous donne le courage , la volonté de continuer à ne jamais « baisser les bras », jamais nous soumettre à la pire tyrannie.

A l’instar des Rabbins agressés en France  et qui n’ont pas « courbé la tête ».

© Eliane Klein-CRIF Région Centre                  

Eliane Klein, professeur d’anglais, présida le CRIF Région Centre avant d’en devenir la déléguée régionale.

Un merci personnel à Eliane Klein: Vos discours seront retenus par l’Histoire

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