
Immédiatement après le renversement du dictateur Assad, nombreux sont ceux qui se sont précipités à Damas, pour adouber le nouveau maître des lieux, auto proclamé président par intérim. Dans un cas, bénéficiant d’une autorisation spéciale du secrétaire général de l’Onu, il sera reçu comme chef d’état à l’Elysée, avec poignée de main pour les photographes. Dans un autre, reçu à Ryad par le président des États-Unis et reparti à Damas avec la promesse de levée des sanctions. Enfin en recevant la ministre allemande des Affaires étrangères qui, elle, a fait le chemin de Damas, refuser sa main tendue.
L’U.E. a levé largement les sanctions en mai
Quand on connaît la carrière et les références du chef djihadiste en action à Idlib, en s’en référant aux faits et rien qu’aux faits, on tient ici là démonstration que la méthode suivie par le secrétaire général de l’ONU et son entourage est. celle des deux poids et leur démesure. Égalité entre un premier ministre du seul état démocratique de la région, Israël et un chef terroriste djihadiste reconvertit en honorable chef d’état. On argumente pour démontrer en creux, qu’il s’agit d’éliminer la présence russe encore effective, avec sa base navale à Tartous et la base aérienne de Hmelmin.
Le chaudronnier de Damas vient de soulever le couvercle de ce qui couvait sous les braises encore chaudes du passé
Dans un récent article, [1], nous avions pris la peine de souligner la persécution et les meurtres commis contre la minorité alaouite (seulement 1500 victimes, Reuters 30/06 2025).
Rappelons quelques fondamentaux :
Un gouvernement de 24 membres dont un tiers nommé par Al Sharaa, deux tiers nommés par une commission, dont les membres sont nommés par lui même. Une seule femme, chrétienne, au sein du gouvernement. On voit instantanément l’importance donnée aux droits des femmes. Dans le corpus provisoire mis en place on lit que la loi islamique est qualifiée de « Source législative centrale » pendant qu’un code vestimentaire, destiné aux femmes, est déjà publié.
Le meurtre comme moyen, soueida ville martyre
Les persécutions contre les minorités enclenchés depuis la prise de pouvoir de cette nouvelle équipe se sont intensifiées. Il s’agit manifestement de les terroriser pour supprimer toutes tentatives de s’opposer au nouveau régime. Depuis fin avril et début mai, pendant plusieurs jours, des gangs sunnites ont systématiquement attaques des civils Druzes près de la capitale, faisant plus d’une centaine de victimes. La suite a éclaté dans les jours qui ont suivi. Soueida est devenu un nom désormais connu du monde entier. Le mot de pogrom est le seul qui convienne aux homicides programmés qui ont suivis et fait près de 350 victimes qui s’ajoutent aux massacres déjà perpétués.
Des troupes gouvernementales, conjointement aux bandes islamistes, ont fait cause commune, pour essayer d’investir la ville. Depuis on comprend que des groupes bédouins armés et téléguidés par le sultan ottoman sont aussi impliqués dans les combats pour essayer de faire place nette à Soueida, en massacrant tous ses habitants.
L’ami Turc à la manœuvre
La Turquie qui se posait depuis la chute du dictateur en soutien du nouveau régime se voyait bien devenir, de fait, le son parrain. Ce qui se passe est très contrariant pour Ankara, dès l’instant où c’est Jerusalem qui intervient, à la demande de sa population israélienne de confession Druze – une des minorités existantes en Israël.
Le rôle et les objectifs d’Israël
Les frappes aériennes ont d’abord permis de stopper l’offensive notamment de troupes syriennes en route pour nettoyer Soueida. C’est aussi la démonstration que Tsahal est capable de frapper n’importe quel point du territoire syrien.
L’état des lieux
Les grands experts occidentaux et nos dirigeants ont pensé que la chute du dictateur Assad, permettrait une remise à plat, sinon totalement démocratique (version occidentale) du moins une réunification pacifique. Ils ont même fini par y croire. En Anglais ça s’appelle a wishfull thinking, chez nous un vœu pieux ( ?). Il a vite fallu déchanter. Que voit on, des crimes perpétrés quotidiennement, des groupes armés sunnites, djihadistes, des milices Kurdes, d’autres pilotées de l’extérieur, qui commettent des attentats, des pogroms, des massacres. Ce qui nous rappelle ce qui s’est passé en ex-Yougoslavie, après la disparition de son président J. Tito. Toutes les lignes de fractures ethniques, religieuses qui constituent le tissu social du pays ont ressurgit et le chaudron a explosé. L’équipe au pouvoir est constituée des anciens membres de Al Qaeda devenue Hayat Tahrir Al Sham ( HTS) Elle n’a pas subi un lavage de cerveau ou une quelconque cure de démocratie qui les aurait magiquement convertis à la démocratie. Hassen le naturel, il revient au galop des chars en route pour raser soueida.
Les mauvais calculs d’Ankara
Souvenons-nous, que le présent puise ses racines dans le passé, le président turque T. Erdogan déclarait déjà en 2011, vouloir renverser Assad et aller prier à la mosquée des Omeyyades. C’est en décembre 2024 que le président turc lançait à l’offensive les troupes de HTS qu’il avait financé et armé – il conservait son vieux rêve auquel il n’avait pas renoncé. Ce faisant, il a pris ses rêves pour des réalités. Il a surestimé la capacité du djihadiste Al Jolan (son nom comme terroriste, à Idlib) à conquérir et à conserver la maîtrise de la situation. Il a n’a pas analysé et anticipe les manœuvres et les décisions d’intervenir d’Israël. Il est bloqué. Ni ne peut-il, ni ne veut-il entrer en conflitdirect avec Tsahal. Le gouvernement de Jérusalem, fort de ses années d’expérience avec la présence du Hezbollah sur sa frontière nord et les derniers développements, ne veut en aucun cas une répétition de la même situation avec la Syrie. Jérusalem a clairement décidé de contrôler en totalité le sud et d’éviter que le Golan ne devienne ou ne redevienne un problème pour sa population. On observe non sans surprise, voir certains pays, dont la France, l’Onu par ailleurs, s’élever contre l’intervention d’Israel pour protéger la population Druze. On en « appelle au dialogue pour établir un cesser le feu ». De qui se moque t on ? Un dialogue entre ceux qui veulent les détruire et leurs victimes, sans doute.
Ce n’est pas le moindre paradoxe de voir la Russie condamner la Syrie pour les exactions commises contre les minorités. On n’en est plus à une contradiction près.
La communauté internationale, sourde et aveugle
Personne, dans les nombreuses interventions connues, n’est venu se plaindre de l’assassinat de 20 Chrétiens dans leur église. Ce qui se passe est aussi une mise en échec des ambitions régionales de l’Iran au Liban et en Syrie. Israël a su saisir les opportunités que les circonstances lui ont offertes pour « restructurer » son environnement pour de bonnes raisons stratégiques. Il semble qu’il y ait une pause actuellement, mais sans qu’on puisse tabler sur un rétablissement prochain de la situation. Washington souhaite que ce début de guerre civile, qui ne veut pas dire son nom, cesse rapidement. Il ressort de ce qui se passe que la Syrie aurait le plus grand intérêt à conclure un accord avec Israël, nonobstant les événements en cours. Ce qui lui assurerait – sous réserve de certaines conditions – un environnement pacifié car tel serait le prix à payer. A contrario, vouloir se dresser contre Tsahal dans le contexte actuel, serait de précipiter le pays dans une nouvelle guerre civile et susceptible de faire perdre le pouvoir à l’équipe actuelle.
Ainsi va le monde,
© Francis Moritz
[1] https://www.tribunejuive.info/2025/06/14/sy
Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme « Bazak », en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion. Ancien cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine. Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps