Tribune Juive

Faraj Alexandre Rifai. Toute une enfance salie

Des étudiants pro Joulani attaquent des Druzes à l’université d’Alep

Cela m’évoque cette haine plus enracinée contre les minorités

Quand j’étais enfant, en Syrie, une histoire circulait dans notre quartier. Les anciens racontaient l’histoire d’une famille druze qui habitait là. Ils auraient tué un jeune homme sunnite. « Égorgé », disait-on. Sans raison. « Parce qu’ils sont comme ça, les Druzes, des égorgeurs », ajoutait-on à voix basse, avec cette gravité complice qui n’invite pas au doute.

Cette histoire , ou plutôt cette rumeur, m’a hanté pendant toute mon enfance. Les Druzes étaient les monstres de nos récits. Buveurs de sang, tueurs d’innocents. L’ennemi intérieur par excellence. Comme les Juifs dans les prêches des mosquées. Même vocabulaire. Même fièvre. Même haine.

Et puis, bien des années plus tard, j’apprends que ce jeune homme n’a jamais été égorgé. Il est mort dans une rixe. Un drame, oui, mais rien de rituel. Rien de sacrificiel. Juste deux hommes, un soir, une dispute qui tourne mal. Mais c’était trop tard.

Dans l’imaginaire de toute une génération, les Druzes étaient déjà devenus des monstres.

En Syrie, « Druze » est une insulte. Comme « Juif ». Comme « Alaouite ». On ne leur reproche pas des actes, on leur reproche d’exister. D’être des kouffars. De ne pas être des musulmans comme les autres ou des sunnites.

Alors quand j’entends aujourd’hui les appels au jihad contre les Druzes depuis les mosquées de Deraa… quand je vois les vidéos de miliciens hurlant « Allah Akbar » en marchant sur les villages druzes… je sais exactement d’où vient cette haine. Je l’ai côtoyé, enfant.

C’est la même haine qu’on crie contre les Juifs à Gaza. Le même « Allah Akbar » dévoyé, prostitué, crié non pas pour Dieu, mais pour tuer en son nom.

Pauvre Allah. En ton nom, on égorge, on brûle, on viole, on massacre.

Et nous, nous restons là, à compter les morts et les slogans.

© Faraj Alexandre Rifai

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