Tribune Juive

David Duquesne. Dénonciation d’un juif à Spa : quand le pétainisme se refait une beauté sous le nom de palestinisme

Quand l’artiste juif devient la proie symbolique d’un progressisme qui rejoue, à bas bruit, le scénario de la collaboration avec la barbarie et l’antisémitisme

Valery Hache/ AFP

La polémique autour d’Amir aux Francofolies de Spa révèle une vérité dérangeante : le monde culturel, dominé par un progressisme conformiste, rejette aujourd’hui l’artiste juif attaché à Israël. Derrière les mots feutrés et les postures vertueuses, c’est une mécanique de désignation, de soumission, et de collaboration qui se met en place. Comme dans les années qu’on croyait révolues.

Dix artistes « mal à l’aise ». Une chanteuse qui annule. Des communiqués officiels embarrassés. La presse qui relaie. Et Amir, chanteur populaire, propulsé malgré lui au cœur d’un procès idéologique. Son crime ? Avoir, en 2014, chanté devant des soldats israéliens. Avoir pleuré les siens le 7 octobre. Avoir continué de croire qu’on pouvait être artiste juif, aimer Israël, et chanter en paix.

Erreur. Car aujourd’hui, cela ne passe plus.

Le climat n’est plus au pluralisme, mais à la rééducation morale. Dans les milieux culturels européens, le Palestinien est devenu une figure sacrée, intouchable, totémique. Il n’est pas une cause : il est une religion. Et comme toute religion, elle exige ses sacrifices.

Le juif pro-israélien est devenu la figure à éliminer symboliquement. Non pas parce qu’il est haineux, ni même militant, mais parce qu’il est debout. Parce qu’il refuse de se repentir. Parce qu’il dit encore “je suis ce que je suis” — et que cela suffit à heurter un ordre culturel fondé sur la repentance, la dilution identitaire, et la victimisation à sens unique.

Amir n’a insulté personne. Il n’a appelé à aucune haine. Il a juste refusé de hurler avec les loups. Et pour cela, il est devenu une proie.

Car ce que les dix artistes signataires ont fait, à Spa, ce n’est pas de l’indignation : c’est une désignation.

Ce n’est pas du courage : c’est un signal.

Ce n’est pas une opinion : c’est une abdication.

Ils ne combattent pas Amir parce qu’il les aurait attaqués. Ils le désignent pour prouver leur loyauté à la tribu. Celle qui domine aujourd’hui les scènes, les festivals, les maisons de production, les rédactions : la gauche culturelle, dévoyée en religion séculière, pour qui l’islamisme reste une réaction, et Israël une faute de l’histoire.

Ce réflexe, ce besoin de montrer patte blanche, ressemble à s’y méprendre à un vieux réflexe français.

En 1942, Laval proposa de livrer les enfants juifs. Bousquet organisa les rafles avec méthode. Ce n’était pas par fanatisme racial, mais par sens de l’ordre, par docilité, par zèle administratif. Et qui les a couverts pendant quarante ans ? François Mitterrand, cet autre radical-socialiste converti à la raison d’État.

Aujourd’hui, les formes ont changé. Mais l’esprit de collaboration, lui, rôde. On ne livre plus des enfants, mais des réputations. On ne parle plus de rafles, mais de “malaises”. On ne monte plus dans les wagons, mais on descend des scènes. Et on fait tout cela avec la même gravité moralisatrice, la même hypocrisie feutrée.

À Spa, en juillet 2025, ce qu’on observe est une répétition générale de prémices terrifiants.

Si demain un pouvoir islamiste prenait pied en France — comme le Hamas à Gaza — ces mêmes artistes, ces mêmes médias, ces mêmes festivaliers bien-pensants pourraient mettre en danger physiquement Amir. Non pas par cruauté. Par instinct de survie sociale.

Le palestinisme est devenu le pétainisme de notre temps, la forme la plus perverse de l’islamo-collaborationnisme.

Une idéologie qui, sous couvert de compassion, réactive une vieille haine contre la souveraineté juive. Qui sacralise l’ennemi de la liberté et frappe ceux qui osent s’en défendre. Qui fait taire l’histoire réelle sous un récit fabriqué, où la victime est désignée à l’avance.

Aujourd’hui Amir. Demain un écrivain. Puis un cinéaste. Puis un professeur. Car la chasse à l’homme, une fois lancée, ne connaît jamais de limites.

Il est temps de dire stop.

Il est temps de regarder en face ceux qui, au nom du Bien, rejouent les mêmes gestes que ceux d’hier.

Avec des visages lisses, des t-shirts écolos, et des tweets militants, ils préparent les abdications futures.

Et si nous les laissons faire, ce n’est pas seulement Amir qu’on sacrifiera. C’est ce qui reste de la dignité française.

Et si on appliquait la même règle à tout le monde ?

Deux poids, deux silences : d’Amir à ceux qui justifient le Hamas

À écouter les artistes qui ont dénoncé Amir à Spa, il suffirait d’avoir chanté devant des soldats israéliens, dix ans plus tôt, ou d’avoir publié un mot de soutien à ses compatriotes massacrés, pour devenir infréquentable.

Très bien. Soit. Prenons-les au mot. Et allons au bout de leur logique.

Dans ce cas, il faudrait aussi ostraciser tous les artistes, militants, personnalités musulmanes — ou d’autres confessions — ayant exprimé une quelconque compréhension, relativisation, voire approbation, des massacres du 7 octobre. Il faudrait les déprogrammer, leur interdire de se produire, leur faire des procès publics, les renvoyer chez eux comme on le fait avec Amir.

Or, non seulement cela n’arrive pas — mais c’est exactement l’inverse.

Des influenceurs ont justifié les actes du Hamas comme une “riposte légitime”. Des rappeurs ont diffusé des messages haineux. Des intellectuels ont expliqué que ce n’était “pas un pogrom”, mais “le cri d’un peuple”. Des dizaines de milliers de jeunes — souvent issus des quartiers, souvent musulmans, et parfois très éduqués — ont manifesté leur joie ou leur soutien aux attaques du 7 octobre.

Des drapeaux du Hamas ont été brandis dans des cortèges. Des minutes de silence ont été refusées dans des lycées. Des appels au boycott d’Israël ont été lancés dans des facultés…

Et que s’est-il passé ?

Rien.

Silence gêné. Compréhension. Pédagogie.

Aucune chasse à l’homme. Aucune tribune pour les faire taire.

Pas de collectif de chanteurs « mal à l’aise » à l’idée de se produire à côté de tel ou tel rappeur ou youtubeur islamo-compatible.

Pourquoi ce deux poids deux mesures ?

Parce qu’en France, le juif favorable à Israël est un problème moral. Il est considéré comme “de trop” dans la structure victimaire. Tandis que le musulman favorable au Hamas reste, malgré tout, un membre du camp des opprimés. Et dans cette géopolitique de la vertu, l’opprimé a toujours raison. Même quand il massacre.

Voilà où nous en sommes.

Un juif modéré, pacifique, qui soutient un État démocratique, devient infréquentable.

Un musulman radicalisé, qui soutient un mouvement djihadiste, reste toléré.

Car le second est considéré comme une variable culturelle à ménager — le premier comme une anomalie à corriger.

Ce n’est pas un débat : c’est une perversion morale.

Et cette perversion porte un nom : la hiérarchisation des victimes.

Elle repose sur un postulat délirant : les “dominants” n’ont pas droit à la douleur, même lorsqu’ils enterrent leurs enfants.

Les “dominés”, eux, peuvent tout se permettre — y compris l’impardonnable.

Et dans cette inversion totale du bien et du mal, Amir est puni non pour ce qu’il a fait, mais pour ce qu’il représente.

Israël. La souveraineté. L’Occident qui se défend. Le juif qui ne s’excuse pas.

Si vraiment nous étions cohérents, nous appliquerions les mêmes règles à tous.

Mais nous ne le faisons pas. Et ce refus d’appliquer l’universel, c’est le symptôme d’une civilisation qui renonce à elle-même.

Une société qui laisse ses artistes juifs se faire livrer à la meute — mais qui caresse ceux qui flirtent avec l’islamisme — n’est pas une société tolérante. C’est une société soumise.

Le slogan qui dit tout : “De la mer au Jourdain”… ou l’aveu du projet génocidaire

Et pendant ce temps, c’est Israël qu’on accuse de “génocide”

Il faut en finir avec le retournement total de sens, avec cette mise en accusation absurde où ceux qui prônent l’anéantissement d’un peuple juif s’indignent ensuite d’être mal reçus dans les festivals.

Le slogan central des cortèges pro-palestiniens depuis octobre 2023 est clair :

“From the river to the sea, Palestine will be free.”

De la mer Méditerranée au fleuve Jourdain.

Autrement dit : pas d’État d’Israël. Pas de souveraineté juive. Pas de compromis.

Ce slogan, utilisé dans les chartes du Hamas et du Jihad islamique, implique explicitement la disparition d’Israël et, par voie de conséquence, l’expulsion ou la mort de ses habitants.

C’est un appel à un nettoyage ethnique, donc à un génocide.

Et ce sont ceux-là mêmes qui brandissent ce cri qui osent accuser Israël de “génocide”.

Mais jamais un génocide ne peut être défini comme la mort de civils dans le cadre d’un conflit armé, aussi terrible soit-il. À ce compte-là, les Alliés auraient commis un génocide à Dresde, à Hambourg, à Berlin, à Hiroshima.

Était-ce un génocide que de réduire en ruines le Reich pour le faire tomber ? Non.

C’était la guerre contre une puissance totalitaire qui avait déclenché l’enfer.

Israël ne mène pas une guerre contre un peuple, mais contre une armée djihadiste, terroriste, qui utilise sa population comme bouclier.

Et il est l’un des seuls États au monde à prévenir les populations civiles avant de frapper.

Pendant ce temps, le Hamas viole, décapite, brûle vifs des enfants, et n’a jamais demandé pardon.

Et dans les cortèges parisiens ou bruxellois, on lui trouve des circonstances atténuantes.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que le mot “génocide”, dans la bouche des manifestants pro-palestiniens, ne décrit pas un fait. Il sert à inverser la culpabilité.

Il permet d’effacer le 7 octobre. De passer sous silence les 1200 morts israéliens. De justifier la haine.

Il remplace l’histoire par une narration sacralisée.

Dans ce récit-là, les juifs n’ont pas le droit d’exister en tant que peuple souverain.

Ils peuvent être victimes (et encore, à condition de rester silencieux).

Mais s’ils osent riposter, s’ils osent parler, alors ils deviennent coupables.

C’est le même schéma mental que celui des années 30 :

– Les juifs sont “trop visibles”

– Ils se défendent “trop bien”

– Ils tiennent “trop de place”

– Et lorsqu’ils veulent vivre libres et en sécurité, on les accuse de “génocide”.

Voilà pourquoi Amir est chassé. Non pas pour ses actes. Mais pour ce qu’il dément par sa seule existence.

Il rappelle que le juif n’est pas voué à l’abattage rituel. Qu’il peut être artiste, souverain, joyeux et vivant.

Et cela, dans l’esprit de ceux qui veulent Israël rayé de la carte, est insupportable.

Et puisqu’on parle de “création occidentale”…

Un dernier mot, pour ceux qui justifient leur haine d’Israël en affirmant que cet État serait une “invention” de l’Occident, une “colonie” imposée au Moyen-Orient, une “entité artificielle née de la culpabilité européenne”.

Admettons un instant cette logique. Alors, il faut aller jusqu’au bout.

Dans ce cas, il faut contester l’existence de l’Algérie (créée en 1962 par référendum), du Liban (détaché par la France de la Syrie en 1920), de la Jordanie (créée officiellement en 1946, mais séparée arbitrairement de la Palestine mandataire dès 1921 par les Britanniques), de l’Irak, du Pakistan, de l’Indonésie, du Tchad, du Maroc moderne, du Mali, du Niger, de la Tunisie… et des 57 États membres de l’Organisation de la coopération islamique.

Tous, sans exception, sont nés des accords Sykes-Picot, du démantèlement de l’Empire ottoman, des mandats britanniques et français, des frontières coloniales, des indépendances organisées par les puissances occidentales.

Pas un seul n’est “naturel”, “préexistant” ou “authentique” au sens qu’on exige d’Israël.

Et pourtant, personne ne demande aujourd’hui la disparition du Pakistan au nom des Sikhs massacrés.

Personne ne conteste le Liban pour les chrétiens libanais.

Personne ne remet en cause la Jordanie, qui fut pourtant créée sur 77% du territoire du mandat palestinien.

Seul Israël, minuscule enclave juive née dans la douleur, attaquée dès sa naissance, diabolisée à chaque guerre, doit être effacée.

Voilà ce que révèle l’antisionisme contemporain : un traitement d’exception.

Un acharnement qu’on ne réserve à aucun autre État post-colonial.

Et qui dit traitement d’exception d’un peuple, dit logique de persécution.

© David Duquesne

Infirmier, David Duquesne est l’auteur de « Ne fais pas ton Français! Itinéraire d’un bâtard de la République », paru chez Grasset en 2024, récit de sa douloureuse assimilation en tant que fils d’une musulmane d’origine algérienne et d’un français.

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