
Le vent mauvais.
Pas celui qui caresse la peau. Celui qui frappe, et fait tourner; puis tomber, tout sur son passage tragique. Il secoue l’Occident jusque ses fondations. De Madrid à Melbourne en passant par Istanbul, de l’Assemblée nationale, au sommet de l’ONU en passant par les coulisses des grands spectacles, il sème dans l’air une odeur de faux-semblants, une puanteur de compromission qui s’installe lentement, mais sûrement. Les mots s’égarent, les gestes perdent leur sens, et le silence s’érige en une vérité que personne n’ose plus défier.
Où sont les voix de l’humanité, celles qui dénoncent l’injustice, qui s’élèvent contre le mensonge ? Noyées sous des torrents de bruit. Les César, Les Molière, l’Eurovision, Avignon, les slogans TikTok s’immiscent dans tous les show.
Et maintenant, le sport. Toulouse, ce mercredi. Etape du prestigieux Tour de France, l’épreuve de force où l’on mesure les corps et les esprits. Un homme, tout de noir vêtu, s’avance, portant un message qui fait trembler les rangs. « Israël hors du Tour ». Un slogan qui fait résonner un écho plus fort que celui des roues qui tournent. Ainsi surgit l’instant qui voit une ligne d’arrivée devenir une frontière politique. Un militant ? Un provocateur ? Peut-être simplement un homme en quête de sa vérité, perdu dans un monde qui se rêve en paix tout en marchant sur les ruines de la liberté ? On le fait arrêter, bien sûr. Cette procédure suffira t-elle à enrayer la course? L’événement reprend son cours. Mais est-ce la fin du débat ?
Non, car le vent ne fait que commencer de souffler.
Extinction Rébellion, ce nom, ce groupe, se prétend défenseur de la paix, mais préfère la scène à la vérité. Quel est leur véritable combat ? Un cri dans le vent, qui dans les stades, se perd dans les arènes de l’absurdité. Ils accusent une équipe sportive nationale de soutenir son gouvernement. Ils s’estiment suffisamment avisés pour définir ce qui est juste, ce qui est moral. Les mêmes qui, sans craindre le paradoxe, se taisent quand il s’agit des vrais oppresseurs. Le bruit de ce vent qui les anime, fait disparaître tout sens de l’histoire.
Le bruit n’épargne pas la musique, soumise aussi à la tyrannie des idéologies. Amir dérange: un chanteur ose rêver d’une paix réelle, d’une unité entre les peuples. Ostracisé. Pourquoi ? Parce qu’il est israélien. Parce qu’il chante sans haine, sans revendication. Parce que sa voix dérange, cette voix pure qui devrait faire pont entre les cœurs, mais s’écrase contre le mur des préjugés. On étouffe la musique, on brise les rêves. Le monde tout entier de la culture devient un champ de bataille, où il faut obéir au diktat idéologique pour trouver sa place. Mais où passée est la liberté dans tout cela ?
Surtout ne pas voir que les slogans portent leurs fruits vénéneux:
Un rabbin attaqué en pleine rue. Troisième agression de la semaine. Escalade des « sale Juif ».
Et pendant ce temps, les dirigeants d’Occident continuent à jouer leur rôle, à se pavaner sous les projecteurs, à assumer leur passivité. Notre bien aimé Président s’ennuie. Il cherche une commémoration. Pourquoi pas la mort de Dreyfus. Cela contribuera peut-être à apaiser les consciences d’un pays qui a honte de son passé.
Sauf que.
Pas un mot sur sa réhabilitation, silence total sur la dignité retrouvée. Non, on préfère célébrer la défaite, l’humiliation, et oublier que Dreyfus a fini par trouver sa place ailleurs. À Tel Aviv. Là où l’honneur se garde et où la vérité ne se cache pas.
Monde en déclin.
La même question tourmente : pourquoi, en Occident, sommes-nous prêts à sacrifier nos valeurs pour une tranquillité à l’évidence provisoire ? Pourquoi la vérité devient-elle une denrée rare, une vertu oubliée ?
Le vent mauvais s’apprête à tout emporter tout sur son passage, mais il n’est pas trop tard pour faire un choix. Choisir la vérité. Choisir la paix. Une paix fondée sur la justice, qui résiste à la peur, à l’idéologie et à la haine.
Ce vent souffle aussi sur Israël aujourd’hui. Un vent de guerre. Ce n’est pas un conflit de frontières, ce n’est pas une guerre classique. Non, cette guerre s’immisce dans chaque rue, chaque recoin, chaque cœur. Les incendies, la démission des hommes politiques, les affrontements militaires, tout est métaphore de ce pays en guerre, pas seulement contre ses ennemis, mais surtout contre lui-même. La guerre fait rage, mais au fond, c’est une nation qui cherche à survivre, qui se relève chaque jour, même quand la poussière et les cendres tombent sur ses terres.
Les sirènes hurlent à Jérusalem. La politique s’effondre. Le pays se déchire. Un député démissionne, mais ce n’est pas pour défendre des principes, c’est parce qu’il est accablé par la défaite.
La nation perd peu à peu ses repères.
Dans le Golan, des Druses armés, des fantômes venus de nulle part, traversent la frontière pour se battre pour une terre qui ne leur appartient pas. La guerre les engloutit, tout comme les civils pris au piège entre deux feux.
Tsahal frappe, frappe fort. Et pourtant, rien ne change. Les rapports tombent, les chiffres s’entassent. Des vies broyées, des blessures invisibles. Mais dans ce chaos, Israël reste. Il est là. Il ne cède pas. Il lutte. À quel prix ? Peut-être que la vérité que le pays ne veut pas voir est que, malgré sa résistance, tout se fissure sous la pression. La nation ne s’effondre pas. Elle se réinvente.
Tel un diamant brisé, elle reste indomptable.
Mais le tourment demeure : jusqu’où ira-t-elle ?
© David Castel