
Est-ce qu’on se rend vraiment compte ?
Du désastre ?
J’entends des phrases lancées comme ça, presque mécaniquement :
« Ma cousine a perdu son fils. »
« La maîtresse de mon fils a perdu le sien. »
« Mon meilleur ami a perdu son frère. »
Mais perdre, ça veut dire quoi ?
Ils ne les ont pas perdus. Ils les ont enterrés.
Ils sont morts. Morts pendant leur service militaire.
Des héros, dit-on. Oui, peut-être.
Mais après ? Qui reste avec le cœur en miettes ?
Qui se lèvera chaque jour avec ce vide béant ?
Qui regardera encore et encore les photos d’une enfance envolée,
d’un sourire figé pour toujours ?
C’est là, la vraie douleur.
Quand la nuit tombe, que le silence s’installe,
et que les pensées reviennent, puissantes,
anéantissant le peu de souffle qu’il reste.
Perdre un enfant, ça veut dire quoi, bon sang ?
C’est la pire souffrance qui soit.
888 enfants tombés.
Morts.
Assassinés.
Je n’ai pas envie de faire de belles phrases.
Ni de corriger mes fautes.
Je suis en colère.
Et je me demande : est-ce que tout cela vaut encore le coup ?
Ceux qui font de grands discours sur la nécessité de continuer
n’ont ni enfants à Gaza,
ni otages,
ni soldats au front.
Et moi non plus, d’ailleurs.
Mais je n’en peux plus.
Alors, merde.
Il faut que ça s’arrête.
Laissez le peuple respirer.
Qu’on reprenne des forces.
Laissez les enfants retrouver un peu d’innocence.
Qu’ils puissent, juste un instant, oublier
ce que veulent dire : morts, tombés, perdus,
et tous ces mots trop lourds pour des cœurs si jeunes.
Israël est épuisé.
Psychologiquement. Économiquement. Socialement.
Des gens n’ont plus de maison.
Certains ont perdu leur travail.
Des femmes ont perdu leur mari… et la parnassa avec.
Dans les hôpitaux, il y a des blessés graves.
Des jeunes mutilés. Amputés. Aveuglés.
D’autres sont devenus des corps sans réponse,
et leurs familles vivent en apnée.
Est-ce qu’on se rend vraiment compte ?
Vraiment ?
Je me suis levée à l’aube. Je n’arrive plus à dormir.
Je me suis dit : c’est le stress, le rythme, l’âge…
Mais non.
La vérité,
c’est qu’on ne dort plus vraiment
quand l’esprit est rongé de l’intérieur,
par trop d’images, trop d’histoires,
trop de chagrin.
On a assez pleuré.
Assez enterré.
Assez serré les dents.
Ce peuple a besoin de respirer
De se relever
Pas pour oublier
non.
Mais pour vivre
Juste vivre
Et redonner un peu d’air
à nos enfants qui étouffent.
© Isabelle Didi Oliel