
Ce matin, j’ai allumé ma radio. Puis la télévision. Puis, par curiosité presque masochiste, j’ai ouvert les pages « Débats » d’un grand quotidien.
Partout, la même rengaine. Les mêmes visages. Les mêmes avis. Les mêmes indignations calibrées. Et surtout : la même absence. Celle d’une voix dissonante, celle d’un invité qui penserait autrement, qui oserait, folie suprême, défendre Israël autrement qu’en chuchotant et en s’excusant.
Aujourd’hui, pour parler d Israël, plus aucune chaîne, ou presque, n’invite une pensée vraiment différente. On ne débat plus : on organise des entre-soi à huis clos. Des petites messes entre convertis idéologiques. Des clubs de la pensée unique, version salon chic, où chacun sait déjà ce que l’autre va dire — et s’en félicite.
C’est ainsi qu’on glisse doucement vers une forme d’autisme médiatique. Un monde où l’on ne pense plus, parce qu’on se pense entre soi. Où l’on ne dit plus rien de nouveau, parce que tout est déjà validé, aimé, partagé dans le bon cercle.
Et moi, dans mon métier — la créativité — je dis toujours à mes clients : « Écoutez ce qui vous dérange. Lisez ce qui vous déplaît. Allez là où vous n’iriez jamais ». Parce qu’on ne pense bien que lorsqu’on accepte de se frotter à ce qui nous déstabilise.
C’est pareil avec les idées. À force d’écouter toujours les mêmes personnes, de lire les mêmes opinions, de suivre les mêmes comptes, on se met sous cloche. On n’est plus curieux, on devient confortablement conditionné.
Regarder un film qu’on n’aurait jamais choisi. Manger dans un resto qu’on aurait évité. Lire un livre qui ne nous ressemble pas. C’est parfois là, dans l’inconfort, que naissent les idées neuves. Pas dans l’écho de son propre reflet.
Et ce qui me frappe, c’est le cercle de plus en plus étroit dans lequel tournent ces grands médias généralistes. On ne débat plus : on s’écoute. On se répète. On se congratule d’être d’accord. On organise des duels consensuels. Le monde se réchauffe, Israël est systématiquement désigné comme le fauteur de trouble, l’Occident doit faire profil bas. Voilà. Bonne soirée.
Et les quelques Juifs qui, croyant qu’un soupçon de critique les rendrait fréquentables, se sont mis à attaquer Israël avec la ferveur des repentis ? Même eux ne sont plus les bienvenus. Parce qu’ils restent, malgré tout, « trop identifiés « . Trop typés. Trop « visibles ».
Alors quoi ? On abandonne ? On laisse la parole unique s’imposer à coups de tribunes interchangeables ?
Non.
Il faut recommencer autrement. Créer des lieux. Des canaux. Des formats. Où la pensée clive, dérange, débat. Où les Israéliens, les Juifs, les défenseurs de la liberté, les penseurs authentiques ne sont pas des exceptions mais des voix à part entière.
Pourquoi ne pas lancer des débats indépendants ? Des podcasts, des chaînes YouTube, des cafés-débats, des émissions auto-produites où l’on confronte vraiment les points de vue — sans filtre idéologique, sans tribunal de validation préalable.
Parce que ce qu’on a perdu, ce n’est pas seulement la pluralité. C’est l’élan. L’audace. L’envie d’être surpris, secoué, dérangé. Ce feu sacré qui faisait qu’un plateau télé pouvait faire naître une idée. Ou un doute. Ou un vrai conflit fertile.
Aujourd’hui, plus rien ne pousse dans les plateaux aseptisés du prêt-à-penser. Et ça, c’est peut-être le plus grand danger : que la pensée meure sans qu’on s’en rende compte. Faute de contradiction. Faute de risque. Faute de vraie liberté.
Alors reprenons-la. Débarrassons-nous de la peur de déplaire. Créons des bulles d’oxygène dans ce monde de dioxyde intellectuel. Et rappelons à tous que penser autrement, ce n’est pas un crime. C’est une nécessité.
Et qu’un débat sans désaccord, c’est une dictature molle.
Alors RTL, tu m’invites ?
Ou tu préfères rester bien au chaud entre experts d’accord sur tout ?
Moi, je ne t’en veux pas. Je comprends. Penser différemment, c’est fatigant. Ça froisse les rédactions, ça donne des sueurs froides à la direction de la com’, et parfois, ça fait baisser les applaudissements en plateau.
Mais je te préviens : si tu ne m’invites pas, je créerai ma propre chaîne quand je serai grand.
Elle s’appellera Hors-Cadre.
Et moi, je t’inviterai, car je rêve de débattre avec celui qui pense à l opposé de moi … où les cerveaux s’affrontent comme des fleurets, avec élégance, précision, et ce frisson délicieux de ne pas savoir qui touchera juste. À force de débattre avec ceux qui pensent exactement la même chose,
les mots se recroquevillent,
se serrent les uns contre les autres,
n’osent plus lever la voix.
Et puis, un jour, ils chuchotent.
Puis murmurent.
Puis…
ils deviennent si petits qu’on ne les voit plus.
Ils s’effacent doucement.
Et meurent dans le silence complice des certitudes partagées.
© L’Étoile de David