Tribune Juive

Bernard Zanzouri : « Quitte à prendre un missile dans la tronche, je veux partir avec vous mes frères »

Alors que je reviens de Marseille par le premier TGV, je regarde le paysage qui défile à 300 km/h. Plein d’arbres. Ici, une rivière, que tu peux contempler mais juste une demie seconde. Dans mon wagon, les gens dorment pour la plupart. Encore deux heures jusqu’à Paris.

Je consulte mes e-mails pour voir si El Al a trouvé comment me rapatrier. Sans succès. Encore deux heures de voyage. J’aimerais bien m’assoupir moi aussi alors je mets mes oreillettes, et, pour la première fois depuis le début de mon séjour, je me passe de la musique israélienne.

Pourtant, dès les premières notes de la chanson de Goshen, je me mets à pleurer. Je ne sais pas pourquoi. Peut être parce que tout a soudain changé. Parce que soudain tout est enchanté, tout est intime, tout est à moi et tout est moi. Et pourtant, ma voisine de siège est très polie, elle m’a même dit bonjour en s’asseyant.

Mais elle ne m’a pas dit מה שלומך אחי. Elle ne m’a pas proposé un sandwich comme si on avait gardé les moutons ensemble. Elle ne m’a même pas écrasé les pieds en portant sa petite valise et sa canette de coca n’a même pas fini sur mon tee shirt. Et puis il n’y a aucun enfant dans cette voiture 7, pas un seul enfant pour mettre de la couleur, pas de cri, pas de bordel, pas de vie. Doudou Tassa demande à Lola de l’écouter. Il est temps de rentrer.

« Vous êtes mon sang, mon histoire et mon avenir »

Quitte à prendre un missile dans la tronche, je veux partir avec vous mes frères, en sachant pourquoi je pars, et en ayant en tête, comme dernière image, votre regard. Je veux des hayalim beaux gosses dans mon quartier. Des femmes de milouïnikim qui se plaignent dans mon fil d’actualité. Mais je veux surtout vous voir enfin un peu heureux. Un peu détente. Un peu respirer normalement. Parce que vous êtes mon sang, mon histoire et mon avenir. Et si quelqu’un n’est pas d’accord avec ça, si quelqu’un veut contester notre droit, alors on sera là.

Ensemble. Mais pas tout de suite. Demain.

© Bernard Zanzouri
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