
Je suis comme vous tous, entre la joie et la peine : la joie de voir l’Amérique prêter main forte, et la peine de voir les victimes. Cette joie, qui est celle de tout Israël, c’est la joie de n’être pas seuls ; à deux, c’est déjà une fraternité et c’est bon face à l’obscurantisme, à l’obscurité médiévale dont notre chère Petite Europe ne questionne même pas le projet d’anéantissement. On comprend qu’elle préfère à l’action la négociation : la méthode a fait ses preuves depuis 20 ans, pourquoi ne pas la prolonger jusqu’à ce que l’Iran ait sa bombe ?
Ma joie intense, malgré les coulures de sang, m’a ramené à l’audace d’Israël, d’avoir défié l’Iran, à sa gloire de planer souverainement dans le ciel de ce pays. Cela m’a rappelé un beau verset de la Torah, Deutéronome 33:29 : « Heureux es-tu, Israël, qui est comme toi, un peuple sauvé par Dieu ». Et ce Dieu, il faut l’entendre ici comme la transmission même qui porte ce peuple et qui lui enjoint d’exister encore, donc de casser tout projet d’extermination. Et le verset se termine par : « Tes ennemis ramperont devant toi et toi, tu marcheras sur leurs hauteurs ». Je ne sais pas à quelle hauteur évoluent les F-35, mais il est clair qu’ils ont foulé les hauteurs de l’Iran et qu’ils ont plus qu’entamé sa hauteur arrogante.
L’Iran, étant inspiré par une haine qui ne peut pas être entamée, risque de vouloir persister dans sa haine qui est ancrée dans les racines mêmes de l’Islam, vu que le Coran appelle à tuer juifs et chrétiens s’ils ne se soumettent pas. Certes. Il comporte aussi des appels bien plus rares à la tolérance et ce n’est pas contradictoire ; cela veut dire que certains, dont l’Iran et tous les jihadistes qu’il paie, dont le Hamas, voudront appliquer cet appel au meurtre d’un peuple, pendant que d’autres se réclameront de l’appel à la tolérance mais ne feront rien pour combattre le jihad. Il y a là une simple question de logique qui échappe à beaucoup, puisqu’ils disent : « S’il y a des appels à la guerre sainte et un appel à la tolérance, c’est qu’il y a tout et son contraire, donc il n’y a pas de problème ». C’est bien sûr faux, je le répète : quand il y a d’un côté des appels violents et de l’autre des appels paisibles, cela ne veut pas dire que les deux appels se neutralisent. Cela veut dire que certains mettront en acte les appels violents, d’autres les appels paisibles, mais ces derniers ne combattront pas les premiers pour autant.
C’est donc Israël, soutenu par l’Amérique, qui a mené ce combat.
Le président français avait pourtant dit : « Nous ne pouvons pas vivre avec un Iran qui a la bombe nucléaire ». Il a dit, mais il n’en a rien fait. C’est Israël et les États-Unis qui ont fait ce qu’il y a à faire. À la place des dirigeants européens, je serais très gêné, mais bon, la gêne, ils connaissent. Simple exemple : pourquoi le ministre français de l’Intérieur ne cesse-t-il de dire qu’il faut renvoyer les grands délinquants chez eux et n’en fait-il rien ? Pourquoi est-il incapable de dire en face aux Algériens : « On ne vous doit rien et sûrement pas d’éduquer vos criminels, reprenez-les ». C’est qu’il est très gêné par la culpabilité narcissique dans laquelle baigne l’establishment européen. Cette culpabilité consiste à paraître fautif pour avoir le dessus et infantiliser les autres. Mais le pouvoir que cela donne est celui de l’impuissance. Cette culpabilité sert aussi à cacher une grande peur de l’islam, et l’on comprend qu’il la projette à la ronde, en accusant d’islamophobie ceux qui contestent son silence.
Ce qu’a fait Israël, c’est déchirer le voile de la peur
Eh bien, ce qu’a fait Israël, c’est déchirer le voile de la peur. L’Iran paraissait inaccessible et voilà les soldats juifs qui, du ciel, ont piétiné un à un ses foyers explosifs.
Le secrétaire général de l’ONU s’était dit très préoccupé. C’est la façon polie de dire sa haine d’Israël et sa gêne de la ressentir. Bien des commentateurs, gênés devant cet événement de portée historique, distillent leur antisémitisme tranquille par cette gêne même. Ils ne sont pas du tout gênés de ce que l’islam les appelle les infidèles ; après tout, c’est curieux d’appeler des peuples entiers infidèles sans leur demander leur avis et sans qu’ils sachent pourquoi. Je peux au moins le leur dire : juifs et chrétiens sont infidèles parce qu’ils ont reçu le message avant le Coran et qu’ils ont trahi ce message en ne devenant pas musulmans, comme leurs ancêtres Abraham, Jacob, Moïse, David, Jésus, qui sont tous musulmans dans le Coran. En ce sens, le terme « infidèle » est une insulte, un acte ordinaire d’antisémitisme.
Aujourd’hui, l’antisémitisme se dit vulgairement, mais il peut se dire avec raffinement. Notamment par certains, qui s’indignent : « La loi internationale a été violée ». Mais le droit international comporte peut-être une lacune : il lui manque un article qui dirait que si un peuple est menacé d’extermination par un autre, et si cet autre prépare l’arme adéquate pour atteindre son but, et si cette arme est sur le point d’être produite, et si le peuple menacé a déjà connu une tentative d’extermination qui l’a amputé de plus du tiers de ses membres, et si ce peuple vient de subir des attaques de la part de proxys de la puissance menaçante, alors il a le droit de prendre les devants pour rétablir une existence décente et sécurisée. On voit que cet article de loi est un peu long pour dire : Israël a le droit de désarmer l’Iran. Mais je suis sûr que la loi internationale telle qu’elle est comporte déjà des possibilités pour qu’un État réellement menacé, comme Israël le fut par l’Iran via le Hamas le 7 octobre, puisse attaquer la source même des agressions. C’est ce qu’Israël a fait, et c’est pourquoi l’Amérique l’a secondé.
Bien sûr, il y a des légalistes très stricts grâce auxquels on peut avoir des personnes fichées S+ qui paraissent suspectes et qu’on ne peut pas arrêter tant qu’elles n’ont pas commis le meurtre. Mais un État, surtout un État juif, ne peut pas se le permettre ; il ne pouvait pas attendre que l’Iran ait sa bombe et la lui jette pour ensuite réagir.
Aujourd’hui, les lignes historiques semblent converger vers un profond remaniement nous rapprochant de l’époque où l’islam radical sera révolu, ce qui libérera beaucoup de monde, y compris des masses musulmanes qui aspirent à vivre en paix, et aussi des occidentaux pétrifiés de peur et devenus couards.
Et cela veut dire quoi ? Que les juifs osent faire contre le mal ce que les autres n’osent pas faire ? Est-ce à dire qu’ils sont plus courageux ? Pas forcément, et c’est mieux que ça : cela veut dire que les circonstances et leur statut dans le monde les amènent plus près des territoires du mal, plus près de cette frontière indécise, alors que les autres peuvent rester à distance, le plus loin possible. Et quand on est tout près de l’espace du mal, on est forcé d’avoir l’immense courage de se lancer ; et c’est ce qu’ils ont fait. Ce sont donc les circonstances, le contexte et peut-être même le Texte qui mettent les juifs dans cette posture tellement exposée qu’ils doivent y aller, que le courage leur devient une nécessité vitale.
Il y a là une grande leçon éthique qui s’adresse aux Européens face à l’islam radical : ne fuyez pas l’approche du mal au point de n’avoir jamais besoin de courage, car votre fuite permanente vous fait oublier le courage et la beauté irréductible de l’acte libérateur.
© Daniel Sibony
Daniel Sibony, dernier ouvrage paru : « Les non-dits d’un conflit, le Proche-Orient après le 7 octobre ». Editions Intervalles