
Ce que disent et font certains responsables politiques — notamment à La France Insoumise mais pas seulement — à propos des « sionistes », ce mot écran qui désigne en creux les Juifs, participe d’un glissement sémantique aussi ancien que dangereux. Sous couvert d’antisionisme, on essentialise, on stigmatise, on déshumanise.
Dans ce climat trouble, les silences du Président de la République, les absences volontaires de certains ministres, et les déclarations saisissantes de personnalités comme Madame Nathalie Loiseau, traduisent moins une lucidité qu’une posture morale sélective.
Le 22 juin 2025, sur Radio J, Mme Loiseau a affirmé que ce qui se passe à Gaza « ressemble à une épuration ethnique ». Un mot d’une gravité extrême, lâché avec une légèreté confondante, au mépris de la réalité du terrain, des complexités du conflit, des otages toujours retenus, des roquettes sur les villes israéliennes, et du refus du Hamas de reconnaître la moindre existence juive.
Et pourtant, Mme Loiseau n’emploie jamais ce mot pour qualifier des faits incontestables ailleurs dans le monde arabe et musulman :
- Le génocide des Yézidis par Daesh : femmes enlevées, enfants réduits en esclavage.
- Les persécutions des homosexuels, exécutés par des milices ou pendus en place publique.
- La répression féroce des femmes en Iran, battues, enfermées, tuées parfois pour une simple mèche de cheveux.
(Il faut toutefois lui rendre grâce de son inquiétude quant au sort des Chrétiens d’Orient )
Où étaient ses mots ? Où est cette même indignation ? Pourquoi ce courage si sélectif, si commode ?
Nous, Juifs venus des pays arabes, n’avons pas besoin qu’on nous explique ce qu’est une épuration. Nous en avons été les victimes. Voici les chiffres, vers 1945, avant la création d’Israël :
- Irak : 135 000 Juifs
- Égypte : 80 000
- Maroc : 250 000
- Algérie : 140 000
- Tunisie : 105 000
- Libye : 38 000
- Syrie : 30 000
- Liban : 20 000
- Yémen et Aden : 55 000
Environ 850 000 Juifs vivaient dans le monde arabe.
Et aujourd’hui ? Presque aucun.
Où sont-ils passés ? Expulsés. Spoliés. Intimidés. Assassinés parfois et au mieux poussés discrètement à l’exil.
Et surtout : oubliés.
Par les gouvernements arabes. Par les institutions internationales. Par les indignés à géométrie variable.
À l’époque, pas de déclarations vibrantes, pas de résolutions solennelles, pas de larmes médiatiques.
Le silence a duré. Il dure encore.
Alors oui, il est facile de condamner les Juifs aujourd’hui. Cela ne coûte rien. Cela flatte certains électorats. Cela donne l’illusion du courage.
Mais le courage sans risque est-il du courage ? Un bon sujet à méditer, peut-être, par Madame Loiseau.
Par ses déclarations audacieuses, Madame Loiseau a-t-elle conscience qu’elle participe peut-être aujourd’hui, par ses propos inconsidérés et irresponsables, à une possible nouvelle épuration ethnique — totale ou partielle — celle des Français juifs ?
Les mots ont un sens. Madame Loiseau devrait y penser.
© Paul Germon