
Il y a plus de vingt ans, Pascal Boniface publiait dans « Le Monde » une tribune intitulée « Lettre à un ami israélien ». Derrière ce titre trompeur, le directeur de l’IRIS n’écrivait pas à un Israélien, mais aux juifs de France. Et son message, bien loin de l’amitié, sonnait comme un avertissement : si vous ne prenez pas vos distances avec la politique israélienne, vous serez tenus pour responsables de la montée des tensions dans notre pays.
C’était en 2001. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts, les pogroms de rue aussi : Ilan Halimi, l’Hyper Cacher, Mireille Knoll, Sarah Halimi, et tant d’autres. L’antisémitisme islamiste s’est enraciné dans certaines franges de la jeunesse française, galvanisé par une propagande antisioniste permanente. Et que fait Boniface ? Il continue d’expliquer, calmement, pédagogiquement, que tout cela serait, in fine, la faute d’Israël. Toujours Israël.
Le deux poids deux mesures, comme grille de lecture du monde
Pascal Boniface ne manque jamais une occasion de dénoncer l’ »aveuglement occidental » ou la « dérive sécuritaire israélienne ». Il dissèque la diplomatie israélienne avec une minutie de procureur, appelle au boycott de ses compétitions sportives, commente chaque riposte militaire comme une offense à la morale. Il a publié des livres entiers pour dénoncer la prétendue confusion entre antisionisme et antisémitisme – tout en s’abstenant de condamner les véritables expressions de haine qui, elles, ne confondent rien du tout.
Pendant qu’il scrute Tel Aviv à la loupe, il détourne le regard de Téhéran, du Hamas, de l’AP corrompue, des dictatures du Golfe ou du Maghreb, dont les systèmes éducatifs, les médias et parfois les constitutions mêmes véhiculent une haine obsessionnelle des juifs et d’Israël. Sur ces régimes, Boniface n’a rien à dire. Pas un mot. Pas un livre. Pas une phrase.
Les juifs de France, seuls sommés de se justifier
Dans son discours, les seuls « communautarismes » problématiques sont ceux qui défendent Israël. Les juifs de France, lorsqu’ils expriment leur attachement affectif, culturel ou politique à l’État hébreu, sont accusés de double allégeance, de cécité morale. Mais les soutiens bruyants et souvent violents à la cause palestinienne, qu’ils viennent de groupes islamistes, de l’extrême gauche ou de la rue arabe, ne sont jamais interrogés. Ils sont même justifiés par une « colère compréhensible ».
À aucun moment Pascal Boniface n’a appelé les jeunes musulmans de France à la retenue, à la nuance, à ne pas transposer le conflit au Proche-Orient dans les rues françaises. Il n’a pas dénoncé les intimidations, les agressions, les slogans de haine lancés dans les cortèges prétendument pro-palestiniens. Il n’a jamais pris position contre les associations communautaires islamisées qui injectent le conflit dans les écoles, les syndicats, les universités.
Silence sur LFI et l’antisémitisme de salon
La France insoumise est devenue le principal relais de l’antisionisme haineux au Parlement. Quand Jean-Luc Mélenchon s’en prend au « parti étranger » ou accuse une députée juive de célébrer les massacres de civils à Gaza, Boniface détourne le regard. Lui qui, jadis, dénonçait le clientélisme communautaire des partis, semble trouver aujourd’hui parfaitement légitime que LFI caresse dans le sens du poil les mouvances islamistes et indigénistes.
Pascal Boniface, faux prophète de l’équilibre
Non, Pascal Boniface n’est pas « l’homme du Qatar » par contrat – encore que ses silences sur certains bailleurs mériteraient davantage de transparence. Mais il est assurément l’homme d’un tropisme idéologique, celui qui considère que la violence arabo-musulmane est une réaction, la violence israélienne une faute, et que la paix ne viendra qu’à condition que les juifs fassent taire leurs griefs, leur mémoire, et leur attachement à l’État d’Israël.
Ce double standard, cette critique prétendument universaliste mais aveuglément sélective, n’est pas de la géopolitique : c’est de l’alignement moral, pavé de contradictions, qui laisse les juifs de France toujours plus seuls, toujours plus désignés.
© Paul Germon