
Je suis tombée dans la militance, très jeune.
Dans mon ouvrage Le sens de nos vies, je raconte comment chaque épreuve subie — violences ou discriminations liées au handicap — m’a poussée à transformer la douleur en engagement, en actes concrets. Créer chaque association a été pour moi un geste de résistance, une affirmation de dignité.
Depuis plus de trente ans, j’ai milité sur de multiples terrains :
J’ai défendu les droits des femmes et combattu la précarité des mères isolées, les violences et les féminicides.
J’ai dénoncé l’invisibilité et le manque de prise en charge des personnes autistes, réclamant leur inclusion dans la société.
J’ai défendu les droits des personnes LGBT à une époque où cela était loin d’être consensuel. J’ai écrit des articles pour interroger la vision du judaïsme sur l’homosexualité et relayé les voix de transgenres israéliens pour mettre en lumière leurs parcours.
J’ai participé à des conférences pour la paix au Proche-Orient, aux côtés de femmes engagées, convaincue que la parole des femmes pouvait ouvrir de nouvelles voies de dialogue.
Cet engagement n’a jamais été abstrait. Il s’est incarné dans des actions concrètes à travers les associations que j’ai fondées —Paroles de femmes, SOS Autisme France — mes articles, mes livres, mon film Des femmes qui dansent, où des femmes israéliennes de toutes origines, éthiopiennes, palestiniennes, caucasiennes, marocaines, espagnoles, dansent ensemble et délivrent un message universel de lutte et de solidarité.
Ce que j’ai appris au fil de ces combats, c’est que la militance doit être un espace pacifique de rassemblement, d’ouverture, de débat, de construction.
J’ai vu — grâce à Coluche que j’ai eu la chance de connaître adolescente — comment une militance sincère, enracinée dans la réalité, pouvait changer le monde et mener les hommes à œuvrer ensemble avec dévouement et humilité. C’est cette éthique et cette vision de l’humain que j’ai portées tout au long de mon parcours.
Or aujourd’hui, je vois la militance s’éloigner dangereusement de cet esprit et dériver vers des formes radicales, sectaires et inquiétantes.
Je vois certaines causes justes, trop souvent instrumentalisées par des partis politiques ou des courants idéologiques extrêmes. Je vois le débat public se dissoudre dans une époque où la pensée se raccourcit, se réduit pour s’exprimer à travers X ou TikTok, où l’espace public et médiatique se ferme peu à peu aux voix nuancées.
L’engagement associatif n’est plus là pour agir au nom de tous et rassembler, mais pour diviser, nourrir la haine de l’autre, se radicaliser, et parfois même se ridiculiser.
Il est révoltant de voir Rima Hassan et Greta Thunberg mettre en scène leur prétendu voyage humanitaire sur TikTok, se filmant en train de sourire, bronzer, cuisiner.
Alors qu’elles se dirigeaient vers une zone de guerre, elles ont adopté une posture d’influenceuses, totalement déconnectées de la gravité de la situation. Quel cynisme faut-il pour se servir de la souffrance humaine et en faire le décor de leur promotion personnelle ? Leur attitude ne relève aucunement de la militance, mais du divertissement digne de la télé-réalité, au mépris total des drames qu’elles instrumentalisent.
Prenons aussi l’exemple de la pétition de Paroles de Femmes sur les femmes israéliennes violées, assassinées, ou prises en otage le 7 octobre. Comment admettre que certaines féministes aient refusé de signer une telle pétition — comme si la nationalité ou la religion de ces victimes pouvaient rendre ces violences tolérables ?
Comment comprendre que certains militants LGBTQ+ soutiennent sans réserve la cause palestinienne, tout en occultant que, selon Human Rights Watch, l’homosexualité reste criminalisée à Gaza et passible de dix ans d’emprisonnement ?
Je n’ai pas consacré toute ma vie à ces combats pour laisser les partis politiques détourner et salir les causes, les transformant en outils de propagande et de haine.
La défense des droits humains doit transcender les appartenances partisanes, les idéologies sectaires. Elle doit rester fidèle à son exigence universelle.
Elle doit redevenir un espace nuancé de réflexion et d’action collective, de rassemblement et surtout d’humanité partagée.
C’est à chacun de nous de s’engager véritablement pour préserver les principes qui nous lient, face aux forces qui cherchent à les détruire. Car sans cet engagement, nous renonçons à ce qui fonde toute société humaine : le respect, la justice, la non-violence, la solidarité.
© Olivia Cattan
Olivia Cattan, Présidente de « SOS autisme France », fondatrice de « Paroles de femmes », est l’autrice du livre « Le sens de nos vies ».