
Depuis quelques mois, les aiguilles s’affolent sur les plateaux.
Pas celles du temps, non. Celles du vestiaire moral, dans lequel nos intellectuels cousent et décousent l’étoile de leur identité.
Ils ont enfilé des costumes bien taillés, brodés d’un humanisme cosmétique, et sous l’étoffe : le doute, la distance, parfois même, la trahison élégante.
Après Sfar, Horvilleur et d’autres, voilà que Finkielkraut monte à son tour sur scène.
Ce dimanche 25 mai, sur Europe 1, il a décidé — avec ce ton docte et dramatique qu’il affectionne — de remettre à sa façon une pièce dans la machine.
Israël ? Un pays divisé.
L’unité ? Un leurre.
Le vrai combat ? Non contre le Hamas — mais contre Netanyahou.
Ah. On y est.
Alors posons les choses clairement :
Qui a-t-il rencontré, pour affirmer cela ?
Des généraux ? Des familles endeuillées ? Des agriculteurs du Néguev ?
Non. Des intellectuels de gauche, bien choisis, bien traduits, souvent francophones, généralement hors-sol.
L’entre-soi qui rassure.
La sociologie de salon.
L’analyse sans terrain.
Et puis surtout, il ne parle pas hébreu.
Cela n’a jamais été son outil. Il connaît les racines grecques, les méandres allemands, mais pas les cris des mères israéliennes.
Alors il écoute ceux qui parlent sa langue. Ceux qui pensent comme lui.
Il cite, compile, théorise — mais sans jamais s’immerger dans ce que vit un peuple entier : un peuple soudé par la douleur, mais uni dans le combat.
Tu vois, Finkielkraut, tu me fais penser — en tellement moins bien — à ces Juifs français installés à Neve Tzedek.
Eux non plus ne parlent pas toujours un mot d’hébreu.
Mais eux, ils ont envoyé leurs enfants sous les drapeaux, avec leurs larmes, leurs peurs et leur fierté.
Eux, ils vivent en Israël depuis des années, sous les roquettes, sous les alertes, sous les attaques venues du Yémen.
Eux, ils n’ont pas les mots justes pour France Culture, mais ils ont les gestes vrais.
Tu parles d’un pays divisé ? Va leur parler, si tu trouves le courage de traverser la rue comme disait Macron. Vas voir les juifs de sderot qui ont 15 secondes pour se cacher depuis des années entre le début le de l alerte et l explosion.
La vérité ? Elle est simple.
Non, Israël n’est pas divisé sur l’essentiel.
Oui, tous les Israéliens sont unis contre le Hamas.
Oui, 100 % des familles ont un proche, un fils, un cousin au front.
Et non, les manifestations du samedi soir à Tel Aviv ne sont pas une preuve de désunion, mais un marqueur de la démocratie vivante qu’est Israël.
Mais Finkielkraut, comme d’autres, a choisi une autre posture :
il ne vient plus chercher la vérité, il vient chercher matière à briller.
Il ne veut plus comprendre Israël. Il veut le recadrer depuis Paris.
Et comme tant d’autres, la lumière médiatique l’emporte sur la fidélité morale.
Mais au fond, peut-être faut-il simplement se souvenir de ce que Finkielkraut lui-même a un jour crié.
C’était sur un plateau télé, il y a onze ans, face à Abdel Raouf Dafri.
Il se sentait agressé — et à raison — par des islamistes, des antisémites, des idéologues.
Pris d’une colère sincère, il s’était redressé, le verbe haut, le ton tragique, et avait lancé, avec toutes ses tripes :
« TAISEZ-VOUS ! »
Eh bien, M. Finkielkraut, taisez-vous.
Pas pour ce que vous êtes. Pas pour ce que vous avez été.
Mais pour ce que vous devenez.
Taisez-vous — non pas pour vous effacer,
mais pour cesser de trahir ceux que vous prétendez défendre.
Taisez-vous — non pas pour renoncer à penser,
mais pour éviter de parler sans savoir.
Car aujourd’hui, votre voix ne protège plus. Elle expose.
Et l’étoile, sur vos revers de costume, commence à se découdre.
Et à force, vous risquez d’en découdre avec votre propre âme.
Et pour clore cet échange à sens unique, je me permets de rédiger — avec la plus grande bienveillance administrative — une autorisation de sortie scolaire à destination de M. Alain Finkielkraut.
Motif : Découverte du monde réel.
Objet : Autorisation exceptionnelle de quitter l’Université de Tel Aviv — rayon département de sociologie francophone.
Durée : illimitée, ou du moins jusqu’à acquisition de quelques vérités non filtrées.
Modalité : immersion obligatoire en dehors des cafés feutrés de la gauche éclairée.
En supplément, je lui offre un bon pour un “Oulpan ” de six mois :
comprenant conversations illimitées avec des Israéliens du Sud, des mères de soldats, des jeunes du front, des survivants du 7 octobre et — cerise sur le houmous — un guide bénévole pour l’aider à décoder ce que veut dire “soutien à Israël” hors des plateaux télé.
Qu’il en profite : c’est sans date de péremption, mais la patience du peuple, elle, en a une.
Am Israël haï
© L’étoile de David