Pour la première fois devant une caméra, Raphaël brise le silence sur son calvaire antisémite dans son établissement belge.

Screenshot/ i24NEWS
Octobre 2023. Raphaël, alors âgé de 14 ans, publie un message de soutien à Israël sur ses réseaux sociaux. En quelques heures, sa vie bascule. « Tu as eu des gens qui rigolaient, qui disaient ‘c’est bien fait pour vous’. J’ai eu plein de messages haineux », raconte l’adolescent. Le lundi suivant, l’impensable se produit : « Je vais à l’école et ils m’ont retrouvé. Ils m’ont d’abord insulté et j’ai essayé un peu de m’enfuir. Mais après, ils ont commencé à être plus violents. »
La première agression est filmée par des amis de Raphaël, mais les agresseurs les forcent à effacer les vidéos. Seules quelques images furtives témoignent encore de cette violence gratuite contre un enfant coupable d’un seul crime : être juif.
L’école complice par son silence
Face à cette agression caractérisée, la réaction de l’établissement glace le sang. Le directeur ose déclarer que « les Juifs sont une communauté hypersensible ». « Des bagarres, il y en a tous les jours à l’école, c’est quelque chose de commun. »
La manipulation administrative atteint son paroxysme quand la direction tente de dissuader les parents de porter plainte : « Si vous le faites, nous en tant qu’école, on ne pourra pas agir et punir les enfants. » La mère de Raphaël se souvient : « On s’est regardé avec mon mari une seconde et demie et on s’est dit qu’il rigole de nous. »
Trois agressions, zéro conséquence
L’impunité encourage la récidive. Deuxième agression : Raphaël doit se cacher avec ses amis dans un appartement pour échapper à ses poursuivants. « On a vu qu’ils sont rentrés, qu’ils nous ont cherchés », témoigne-t-il. Nouvelle plainte, même indifférence de l’école.
La troisième agression survient sous forme de menaces digitales d’une violence inouïe : « Profite de ce qui te reste de vacances. Tu dormiras les yeux ouverts quand j’en aurai fini avec toi. » Les messages vocaux sont d’une brutalité glaçante, proférés par des jeunes de 18 ans contre un adolescent de 14 ans.
La normalisation de l’inacceptable
Le plus dramatique dans ce témoignage reste cette confidence de Raphaël : « À un moment, je me disais que c’était normal. » Ses parents ont dû lutter pour lui faire comprendre que « ce n’est pas normal de se faire agresser parce qu’on est juif ».
Malgré trois agressions documentées, aucun agresseur n’a été sanctionné. Raphaël a dû retourner en cours face à ceux qui l’avaient menacé, dans un climat d’impunité totale cautionné par l’institution scolaire.
Auschwitz, cible de nouveaux sarcasmes
L’acharnement ne connaît pas de limites. Quand Raphaël publie une photo de lui à Auschwitz avec un drapeau israélien, les réactions haineuses fusent immédiatement. « Directement à la minute où je poste ça, je reçois un « free Palestine » de quelqu’un de l’école », rapporte-t-il avec amertume. Même la mémoire de la Shoah devient prétexte à persécution pour ces nouveaux bourreaux en culottes courtes.
« Je ne voulais pas qu’ils gagnent »
Pourtant, Raphaël refuse de céder. Quand ses parents évoquent un changement d’école, sa réponse claque comme une gifle aux lâches : « Si je changeais d’école, c’était eux qui avaient gagné. Je devais montrer que j’étais fort et que ce n’était pas eux qui avaient gagné. » Cette détermination force l’admiration, mais révèle l’ampleur du drame : un enfant de 16 ans ne devrait jamais avoir à « montrer qu’il est fort » face à l’antisémitisme institutionnalisé.
L’école, nouveau terrain de chasse
Le cas de Raphaël illustre une réalité que beaucoup refusent de voir : l’école publique devient un terrain de chasse pour les antisémites. Contrairement à d’autres élèves juifs « qui n’ont eu d’autre choix que de s’inscrire dans une école juive pour se sentir en sécurité », Raphaël a choisi de résister.
Son témoignage résonne comme un cri d’alarme : quand l’institution scolaire abandonne ses élèves juifs face à la haine, c’est toute la Belgique qui vacille. Le silence complice des directions d’établissement face à l’antisémitisme n’est rien d’autre qu’une capitulation devant la barbarie.
Raphaël a 16 ans. Il a déjà compris ce que beaucoup d’adultes refusent d’admettre : « Je sais que la justice l’emportera toujours. » Espérons qu’il ait raison.
© Miri Maman