Tribune Juive

Michel Gad WoƂkowicz. La lettre ouverte de Harold Weil, Grand Rabbin de Strasbourg

𝐌𝐄𝐑𝐂𝐈 𝐃𝐄 𝐏𝐀𝐑𝐓𝐀𝐆𝐄𝐑 cette lettre ouverte de Harold Weil, Grand Rabbin de Strasbourg remarquable, qui met d’autant plus en Ă©vidence, d’une part la silentiation frileuse des reprĂ©sentants institutionnels de la « communautĂ©  juive » face aux discours accusateurs abjects et mimĂ©tiques Ă  ceux du HamaSS, et dans la surenchĂšre Ă  ceux de LFI Ă  l’encontre d’IsraĂ«l par le pouvoir au plus haut niveau de l’Etat français, et Ă  ses menaces profĂ©rĂ©es correspondant davantage Ă  celles provenant d’un ennemi dĂ©clarĂ© qu’à celle de l’alliĂ© ambivalent qu’il Ă©tait au paravant : une position dĂ©niant par omission les visĂ©es exterminatrices mises en acte par le Hamas Ă  l’origine de la guerre, et toujours actuelles, les lĂ©gitimant du mĂȘme coup, et alors encourageant cette armĂ©e terroriste, la pression n’étant mise que sur IsraĂ«l, Ă  ne cĂ©der sur rien ; et d’autre part les postures perverses d’identification Ă  l’agresseur et d’absolution narcissique purificatrice de celles et ceux en quĂȘte de starisation, au prix de livrer le peuple d’IsraĂ«l et la masse des juifs, prĂ©sentĂ©s jouissant de vengeance et de sang, d’affamer et de tuer les enfants, de violer les mĂšres, conformĂ©ment aux stĂ©rĂ©otypes les plus Ă©culĂ©s, alimentant ainsi la vindicte des antisĂ©mites, qui jubilent, et validant leurs manifestations rĂ©visionnistes et criminelles. Deux versions au fond d’une mĂȘme tendance Ă  la dhimitude, Ă  la soumission, transformĂ©es en auto-distinction, y compris par la victimisation («lynche» par les siens) grandiosement mise en scĂšne.  Michel Gad Wolkowicz

Lettre du Grand Rabbin de Strasbourg Harold Weill, adressée à notre ministre des affaires étrangÚres Jean -Noël Barrot.

Lettre ouverte à Monsieur Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangÚres.

Objet : De la parole comme arme – ou quand la rhĂ©torique ministĂ©rielle recharge les fusils.

Monsieur le Ministre,

Il est des phrases que l’on prononce comme l’on jette un pavĂ© dans la mare, espĂ©rant quelques remous et quelques titres de presse ; mais certaines, par leur ignominie intrinsĂšque, se transforment en projectiles. Vos rĂ©cents propos : « Qui sĂšme la violence, rĂ©colte la violence », prononcĂ©s Ă  propos d’IsraĂ«l, ne relĂšvent pas d’un banal dĂ©rapage diplomatique : ils constituent une faute morale, historique et politique d’une gravitĂ© abyssale.

Permettez que je me prĂ©sente : je m’appelle Harold Avraham Weill, je suis l’ancien Rabbin de Toulouse.

Le 19 mars 2012, je n’ai pas « lu » l’horreur dans un rapport ministĂ©riel ou dans la presse Ă  scandale.

Je l’ai entendue dans les cris Ă©touffĂ©s, sentie dans les silences des vivants, vue dans les yeux ouverts des enfants assassinĂ©s.

Ce jour-lĂ , Mohamed Merah, terroriste islamiste nourri Ă  la haine des juifs, abattit de sang-froid Jonathan Sandler et ses deux fils, Gabriel et Arieh, ainsi que Myriam Monsonego, ĂągĂ©e de sept ans, tous les quatre de mĂ©moire bĂ©nie. Devant l’école Ozar Hatorah. Devant des tĂ©moins.

Devant le monde.

Et pour justifier son geste, il invoqua, avec une effrayante familiaritĂ©, le mĂȘme sophisme glaçant que celui que vous venez de profĂ©rer, la mĂȘme rĂ©thorique nausĂ©abonde : « IsraĂ«l tue des enfants, je tue des enfants » 

Qu’une telle infamie ressurgisse sous la plume ou dans la bouche d’un ministre de la RĂ©publique française en 2025 ne relĂšve pas de la maladresse, mais du renoncement, au sens tragique du terme. Renoncement Ă  la clartĂ© morale, renoncement Ă  la rigueur intellectuelle, renoncement au devoir de protection de tous les citoyens français, dont les Juifs, depuis l’affaire Dreyfus jusqu’à nos jours, savent trop bien combien le sol peut devenir instable sous leurs pieds. 

Monsieur le Ministre, en parant de causalitĂ© morale ce qui relĂšve de la haine pure, vous ne vous contentez pas de blesser la mĂ©moire : vous tendez l’arme Ă  ceux qui guettent une caution pour appuyer sur la dĂ©tente.

Et croyez-moi, ils sont bien plus nombreux que vous ne l’imaginez.

Vous ne placez pas une cible sur le dos des Juifs de France, vous ouvrez la mitraille.

Votre phrase est une rafale, votre langage une complicité.

Qu’un État comme IsraĂ«l, assiĂ©gĂ©, lacĂ©rĂ© par les roquettes, endeuillĂ© par le pogrom du 7 octobre, puisse encore susciter des critiques, cela relĂšve du dĂ©bat lĂ©gitime. Mais que l’on Ă©tablisse une symĂ©trie morale entre ceux qui massacrent des enfants et ceux qui les pleurent, entre des tueurs fanatisĂ©s et un peuple retranchĂ© dans la survie, cela n’est plus de l’aveuglement : c’est de l’indignitĂ©.

À ceux qui veulent la guerre, vous offrez la grammaire. À ceux qui veulent la mort, vous offrez le lexique.

Ils n’en demandaient pas tant. 

Je vous conjure de retirer ces paroles, non par tact politique, mais par décence humaine.

Et si vous ne le faites pas, alors sachez qu’il restera toujours des voix, rabbiniques, laĂŻques, citoyennes, pour rappeler que la parole, en dĂ©mocratie, peut tuer.

Et que face à l’histoire, nul ministre ne saurait plaider l’ignorance.

Recevez, Monsieur le Ministre, l’expression de ma profonde indignation et de mon impĂ©rieux devoir de mĂ©moire.

© Harold Avraham Weill

Grand-Rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin.

Ancien Rabbin de Toulouse.
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