
Pourquoi la Belgique a-t-elle donné douze points à Israël malgré la guerre à Gaza? Telle est la question posée par les journalistes de 7sur7 Marc Coppens et Kevin Dupont (https://7sur7.be/musique/pourquoi-la-belgique-a-t-elle-donne-douze-points-a-israel-malgre-la-guerre-a-gaza~a3b68aed/) — 7sur7 est un média en ligne appartenant au groupe de presse flamand DPG Media, le même qui détient l’hebdomadaire Humo dont le chroniqueur Herman Brusselmans a récemment défrayé la chronique judiciaire pour son brûlot antisémite (https://x.com/joelrubinfeld/status/1899465282906640432).
Pour répondre à cette question, Coppens et Dupont mettent le poncif antisémite du « lobby juif » sur la table — les termes « lobbying » et « lobby juif » apparaissent à cinq reprises dans l’article — et donnent la parole à cinq intervenants, repris ci-dessous chronologiquement.
1- Raf Van Bedts, expert du concours Eurovision de la chanson, assène d’emblée: « Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de la communauté juive ». Eh oui, pareille insanité que l’on était habitué à lire dans la presse collaborationniste trouve place, en 2025, dans un média mainstream belge!
2- Jonathan Moskovic, présenté comme « un juif belge qui trouve la situation à Gaza inacceptable et appelle donc à des sanctions contre Israël », dit quant à lui: « Quand on parle de ‘lobby juif’, on donne l’impression qu’il existe une sorte de complot. Honnêtement, je ne sais pas si c’est vrai ». — le doute existe donc dans l’esprit de Moskovic. Il poursuit en expliquant que le racisme n’est pas étranger au plébiscite de la candidate israélienne: “Si vous regardez les pays qui ont donné 12 points, ces scores peuvent s’expliquer en partie par l’islamophobie” — on laissera à Moskovic le soin d’expliquer aux citoyens des deux pays musulmans que sont l’Azerbaïdjan — 24 points pour Israël (12 du jury et 12 du vote populaire) — et l’Albanie — 7 points pour Israël (vote populaire) — qu’ils sont pour partie de fieffés racistes anti-eux-mêmes. À titre d’information complémentaire, Moskovic est l’un des signataires de l’infâme tribune “Pas en notre nom!” publiée la semaine dernière dans esoir — un pamphlet suggérant qu’Israël commet un “génocide” à Gaza, demandant la poursuite de ses dirigeants par les instances judiciaires internationales et appelant au boycott de l’État juif que Moskovic et ses cosignataires qualifient d’“État criminel (…) gouverné par l’extrême droite et choyé par tout ce que le monde compte aujourd’hui de fascistes” (https://lesoir.be/674868/article/2025-05-13/juives-et-juifs-de-belgique-nous-disons-pas-en-notre-nom).
3- Michael Freilich, présenté comme « député juif », réfute, lui, le fait que « le ‘lobby juif’ ait joué un rôle » dans les votes de samedi dernier et souligne que « la chanson de Yuval rayonne d’espoir en un avenir meilleur ».
4- Jonathan Hendrickx, co-auteur de 65 ans de la Belgique au Concours Eurovision de la chanson, affirme que le succès remporté par Yuval Raphael est dû à une « campagne médiatique à grande échelle menée par la chaîne de télévision israélienne et le gouvernement de Netanyahu ». Il s’émeut du fait qu’ »ils ont réussi à influencer l’opinion publique grâce à la publicité sur YouTube et Facebook » et met en cause « l’implication du gouvernement et de plusieurs ambassades à l’étranger dans cette campagne ».
5- Walter Weyns, sociologue culturel, rappelle salutairement « la qualité de la chanson » de Yuval Raphael — constat auquel se ralliera paradoxalement Van Bedts — et poursuit ainsi: « Soyons réalistes: sans la guerre dévastatrice d’Israël à Gaza, Yuval Raphael aurait été accueillie au Concours Eurovision de la chanson comme une femme incroyablement courageuse qui, malgré les horreurs, a trouvé du réconfort dans la poésie et la musique ». Il ajoute: « Il n’est donc pas inconcevable qu’une partie de l’opinion publique trouve les critiques d’Israël un peu trop partiales. De plus, des otages sont toujours détenus par le Hamas, ce qui suscite de la sympathie pour Israël ». C’est sur cette bouffée d’air frais que s’achèvera l’article malodorant de Marc Coppens et Kevin Dupont. Dans l’esprit d’Albert Londres, on pourrait leur suggérer de porter la plume dans la plaie en s’attelant à la rédaction d’un article traitant d’une question autrement pertinente: “Pourquoi la Belgique a-t-elle donné zéro point à Israël malgré la qualité artistique de la prestation de Yuval Raphael?”. Indice: le jury belge était composé de journalistes de la VRT — la même VRT qui voulait débattre de l’exclusion d’Israël de l’Eurovision (https://lesoir.be/674315/article/2025-05-09/debat-autour-de-la-participation-disrael-leurovision-la-vrt-soutient-la-demande).
Dans l’expectative, essayons d’apporter une réponse à la question qu’ils ont préféré poser: « Pourquoi la Belgique a-t-elle donné douze points à Israël malgré la guerre à Gaza? »
Probablement parce que la magnifique prestation de Yuval Raphael a séduit un large public en Belgique et au-delà — Israël a obtenu les douze points du vote populaire dans 13 des 36 pays votants (voir photo). Probablement aussi parce que samedi soir, nombre de Belges lucides et libres de toutes considérations d’ordre électoraliste ont voulu manifester leur soutien au petit État juif assiégé sur 7 fronts — sans parler des fronts politique, judiciaire et médiatique — en pianotant 04 sur leur téléphone.
© Joël Rubinfeld
Joël Rubinfeld est Président de la Ligue belge contre l’antisémitisme