Colloque du BNVCA
Le nouvel habit de l’Antisémitisme : l’Antijudaïsme
Jeudi 30 avril, Mairie du IXème
Lettre ouverte à Sammy Ghozlan
Ils sont venus, ils étaient tous là, cher Sammy, comme aux temps difficiles de l’Intifada 2000.
Un colloque d’une grande intelligence. L’équipe a fait des miracles. Merci aux organisateurs pour le subtil agencement des tables rondes, le choix des intervenants – les meilleurs-, pour chacun des thèmes abordés.
Neuf prestations denses ne nous permettront pas d’aborder chacune d’elles dans le détail. Cela rendrait illisible cette tentative d’évocation d’un temps privilégié. Nous tenterons de transmettre une grande part des messages reçus.
La première table ronde traitait de l’antisémitisme d’hier et d’aujourd’hui.
- Pour Daniel Sibony, l’antisémitisme est une forme de perception jalouse et envieuse de ce que le Juif possède : « comme un avoir … dans le rapport à l’être, c’est-à-dire au divin ».
Après bien des identités imposées, le Juif fait face au combat du moment : La volonté de son effacement exprimée par le Coran. Reprenant de longs passages de récits de la Bible, le Coran les met au compte de l’Islam, en affirmant la falsification par les Juifs du récit originel. L’habituelle condamnation au futur est ici un désir de total effacement des mémoires et du passé : « Le texte coranique, lui, veut qu’il n’ait pas existé ».
Merci Daniel Sibony, pour cette conclusion sur un drame existentiel qui n’en finit pas « d’exister », on en veut aux juifs pour un « avoir », qui n’est qu’un simple « rapport à l’être » :
« La réponse est simple : tout le monde est en manque de l’objet de désir ».
- La prestation d’Éric Mechoulan est impressionnante par la simplicité de son argumentaire et ses implications profondes.
Il nous faut éviter de théoriser, dit-il, au sujet de l’antisémitisme, qui est une notion « caméléon ». C’est une erreur de penser que l’antisémitisme d’aujourd’hui est nouveau. De l’empire romain au moyen âge chrétien, tour à tour déicide, capitaliste ou métèque, l’antisémitisme nommait et désignait le « Juif » en tant que tel !
Pour non-identifier le Juif aujourd’hui, on lui substitue le terme de Sioniste ! Ce glissement de terme annonce que l’antisémitisme nouveau est arrivé. Gommer le mot pour gommer la chose. C’est aujourd’hui la disparition du Juif en tant que tel, pour l’antisémite. En conséquence, l’antisémitisme est une vue de l’esprit et disparait aujourd’hui, puisque le Juif n’existe plus. C’est un antisémitisme d’effacement.
Hezbollah et Hamas n’ont pas un juif parmi eux. Comment l’antisionisme a-t-il remplacé l’antisémitisme ? Pourquoi ce refus du droit à la possession de la terre d’Israël ?
- Parce que le Juif illégitime n’a pas le droit de posséder une terre.
- Il a envahi la Palestine après la guerre mondiale.
- Ce n’est pas un peuple. Il colonise donc une terre qu’il occupe illégitimement.
Effacé du passé par le Coran, le juif se trouve effacé du présent, avec tous ses droits à … par les théories Wokistes « opprimés/opprimants ». En tant qu’opprimant il n’est qu’un colonialiste à détruire.
Nommer c’est faire exister, pourrait-on dire en écoutant Éric Méchoulan, et le Juif n’existe plus.
La deuxième table ronde traitait de l’Islam politique et ses alliés
- Renée Fregosi analyse avec une grande précision l’autorisation d’être « démocratiquement antisémite »
Le propalestinisme est une passion, il est caractérisé par sa dimension révolutionnaire. Au nom de la « cause » palestinienne, son seul but est en réalité la destruction d’Israël (donc du sioniste et du juif). Pour atteindre ce but, une tactique : délégitimer l’État juif. Le moyen : une victimisation permanente et excessive des populations palestiniennes. Cette idéologie a peu à peu gagné les esprits, au point de devenir majoritaire. Dans les pays musulmans certes, mais aussi en Occident (France et pays anglosaxons en priorité), par une adhésion massive des intellectuels, des politiques et des médias de gauche. Après le 7 octobre, une victimologie exacerbée enlève aux « sionistes » tous droits à la défense au nom des « postures d’équilibre ».
Aujourd’hui on assiste à une totale convergence entre wokisme et islamisme. La propagande propalestinienne a envahi les campus. Dans les visions partagées en une même haine, le juif demeure l’opprimant capitaliste, financier, colonisateur. L’aspect financier supposé ouvre la voie à l’antisémitisme traditionnel de gauche. Autrefois cosmopolite, le juif devient le super-blanc, mondialiste.
Ces remises en question sont ce que Renée Fregosi appelle le « Justicialisme ». C’est-à-dire la justice systématique, exigée et réalisée par les « petits, dominés, discriminés, injustement persécutés. » Le privilège juif est avancé comme justification de cet antisémitisme contemporain.
Affirmation largement répandue et acceptée d’un génocide du peuple palestinien par les Juifs colonisateurs, qui, en se faisant passer pour des victimes, agissent comme des nazis. Antisionisme et antisémitisme mis à la portée de tous !
- Pierre Valentin : Intervention pédagogique sur le Wokisme
Le wokisme est un mouvement idéologique venu des campus américains. La traduction « Stay woke » signifie en anglais « Restez éveillés ». Cette expression née dans la communauté afro-américaine devient un slogan politique d’envergure mondialisée lorsque le groupe Black Lives Matter s’en revendique. Pour le Wokisme il n’y a pas de possibilité de connaissance objective. C’est un scepticisme radical. C’est un système qui brouille les frontières, le langage, la culture, y compris la notion d’individu ou d’universel.
Au départ de ce mouvement, une pensée positive pour aider l’émergence de minorités fragiles ou méprisées. On remarque aujourd’hui que ce mouvement qui se développe essentiellement dans des universités fort couteuses concernerait plutôt une jeunesse favorisée. On ne connait pas de prolétariat Woke. Cette demande d’égalité au départ est aujourd’hui une hiérarchie à l’envers où le « dominé » domine ledit « dominant ». Problème majeur : ces jeunes sortants des universités ont remodelé le monde du travail et de l’entreprise, et cela s’est fait dans la mesure où ils sortaient tous de Harvard, Yale, Princeton etc. Cette évolution grandissante est à prendre en compte pour des risques de bouleversements électoraux en France si le wokisme n’est pas maitrisé.
- Bernard Hadjaj et Ferghane Azihari (Le Point)
Ces deux écrivains nous ont offert par le détail de leurs deux livres largement documentés un florilège consternant d’une croissance exponentielle, active et destructrice de l’islamisme dans nos sociétés et sur les campus. Cela augure des temps difficiles certes pour les juifs en France mais surtout pour la future gestion politique du pays
La troisième table ronde traitait du Wokisme
- Yana Grinshpun : les déviances du langage
Revenant à son expérience personnelle d’écolière en Russie, Yana Grinshpun nous a offert une magnifique contextualisation des problèmes de perception de la réalité géopolitique du Proche Orient, dans sa vérité authentique. Les manipulations du système bolchevique ont atteint, à notre insu, tous les possibles de la communication.
La prise en main entre propagande et idéologie, la formation poussée en Russie soviétique de la future nomenclatura palestinienne, expliquent bien des difficultés à envisager objectivement le problème du Proche Orient. L’OLP a été forgée par le KGB, qui avait un penchant cynique pour les mouvements de « libération ». Sur un antisémitisme musulman bien ancré, il a suffi d’introduire les mots clés répétés à l’infini pour devenir vérités : Israël-État-Unis ; pays fascistes, sionistes, impérialistes.
Cette immense et riche expérience humaine de Yana Grinshpun resurgit dans chacun de ses propos. Chacune de ses interventions pédagogiques s’enrichit d’une remise en contexte éliminant les faux semblants et manipulations en tous genre.
Spécialiste de lexicologie, son site « Perditions Idéologiques » reste aujourd’hui une source incontournable de maitrise de l’information. Pour Yana Grinshpun « Israël est et demeure une démocratie où la presse est libre, où les enjeux identitaires et sécuritaires sont une question de survie et pas juste de mode ou d’humeur ». Une prestation humaine, vivifiante, qui emporte l’adhésion.
- Samuel Fitoussi : Wokisme et antisémitisme
Le wokisme repose sur la même logique que l’antisémitisme :si des groupes réussissent mieux que d’autres, c’est qu’ils jouissent d’un privilège infligeant un tort aux autres. S’il existe un privilège blanc, il existe pire que le privilège blanc : le privilège juif !
Israël est plus prospère que ses voisins, plus libre et démocratique. La logique Woke ne croit pas au mérite mais au seul privilège, les juifs sont de redoutables oppresseurs. L’antisémitisme Woke est un antisémitisme Blanc au carré ! Samuel Fitoussi s’appuie pour conforter son analyse sur de nombreux sondages américains totalement probants !
- Jean François Braunstein :
Jean François Braunstein nous a introduits de façon plus pragmatique dans le quotidien Woke. Nous avons ainsi appris à lire l’alphabet par le milieu avec les LGBTQIA++
Nous avons eu un aperçu documenté sur l’élaboration de la pensée Woke, son impossibilité à envisager le passé, l’histoire. Le wokisme se veut un éveil a la théorie du genre. Les mathématiques seraient racistes car élitistes. Il faut remplacer la science par les sentiments. Aujourd’hui, c’est moi qui décide ce qu’est le Juif ! Un antisémitisme subjectivisé à son maximum.
Le wokisme est une religion qui a ses rites et ses dogmes. Jean François Braustein, quant à lui, par ses enseignements traditionnels et rationnels, paye un lourd tribu à la doxa environnante. Il est pour les critiques gauchistes-Woke un assassin de la pensée, il serait même l’assassin de Diderot qui serait selon ses critiques le plus grand Woke de l’époque des Lumières !
EN CONCLUSION :
Aujourd’hui, pour l’islamo-gauchiste, c’est « Moi » qui décide ce qu’est le Juif.
En retirant le terme « Juif », l’islamisme universalise son antisémitisme d’effacement au nom d’une cause mondialisée.
On peut dire -comme Theodore Herzl qu’il s’agit d’une forme « ALTNEU » de l’antisémitisme, qui se justifie encore par l’idéologie dominante !
On ne pouvait clôturer cette grande journée sans la remise du Prix Sammy Ghozlan
Il l’a été à FADILA MAAROUFI, lumineuse militante de la liberté de parole, de pensée, et d’action. L’exemple même de la lutte pour l’humain, l’accès à la laïcité pour tous, les Droits de l’Homme pour tous, la possibilité de culture pour tous. En bref, la meilleure d’entre nous !!
Sammy mon ami ! Tu peux être fier, le BNVCVA est toujours là !
© Josiane Sberro
Josiane Sberro, philosophe, enseignante, responsable de la formation des chefs d’établissement, chevalier de l’Ordre du mérite pour son combat incessant pour la laïcité, Chevalier des Palmes Académiques, prix « Golden Golda », vice Présidente de « l’Alliance France-Israël-Général Koenig », est l’auteur de « L’école de l’exil », « Un livre qui fait réfléchir, témoin d’une vie admirable », en avait écrit Richard Prasquier.