
Ils ne sont pas antisémites – du moins, ils s’en défendent farouchement. Parfois même, ils sont juifs et revendiquent avec fierté cette appartenance.
Pourtant, leur vision du monde est façonnée par un flot ininterrompu de propagande, une rhétorique insidieuse qui leur dicte ce qu’il convient de penser et de dire.
Ils ne doutent de rien, absorbant sans filtre les discours simplificateurs et les slogans humanitaires qui leur semblent incarner la morale la plus haute.
« Ce qu’Israël fait est monstrueux, un véritable génocide. Certes, le 7 octobre a été terrible, mais pourquoi infliger une punition collective à des Palestiniens innocents, qui n’ont rien fait de mal ? Regardez les chiffres : comparez le nombre de morts à Gaza et ceux en Israël ! »
Ces phrases, ils les répètent avec la conviction tranquille de ceux qui croient défendre la justice. Pourtant, ils ignorent presque tout du conflit dont ils se font les juges. Leur empathie sélective les pousse à se ranger spontanément du côté de ceux qui se revendiquent réfugiés, opprimés, colonisés, victimes d’apartheid – sans jamais interroger la complexité du réel.
Leur certitude est absolue : ils sont du côté du Bien.
S’ils entendent dire que le Hamas a construit plus de 700 kilomètres de tunnels souterrains sans jamais prévoir d’abris pour les civils de Gaza, ils marquent un temps d’arrêt. L’information les déstabilise. Puis, presque instantanément, ils se ressaisissent : « Ce qu’il faut, c’est la paix. Un cessez-le-feu. Les Palestiniens ont droit à leur État. »
Leurs mots sont ceux de la bienveillance, du pacifisme, du respect de l’Autre. Mais cette bienveillance est aveugle, ce pacifisme est sélectif, et leur posture morale les dispense de toute analyse critique. Car en vérité, ils ne savent rien de l’histoire de cette guerre, ni des origines du conflit, ni des réalités du terrain.
Ils ne cherchent pas à comprendre, ils récitent. À leurs yeux, les victimes sont désignées d’avance, tout comme les coupables. Ce prisme binaire leur évite le vertige de la complexité. Mais lorsqu’on ose leur opposer les faits, leur rappeler la réalité brute et têtue – la corruption des dirigeants palestiniens, l’instrumentalisation des civils, la culture de la haine inculquée dès l’enfance – ils ont un ultime refuge : « Mais qu’est-ce que le réel, après tout ? Chacun voit la réalité à sa façon. »
Le réel des Palestiniens, le réel des Israéliens, le réel de chacun. Tout se vaut. Telle est la leçon bien apprise dans les écoles de l’Occident postmoderne : le relativisme érigé en dogme, la diversité sanctifiée au point d’abolir toute hiérarchie des faits et des valeurs.
Dans cet univers où plus rien n’a de poids, où toutes les opinions se valent et où la morale n’est plus qu’un sentiment individuel, il ne reste qu’une chose : la posture. Celle qui confère aux bien-pensants leur sentiment de supériorité. Car en récitant les mantras du progressisme naïf, ils se positionnent du côté lumineux de l’histoire, loin du fardeau de la lucidité et de la responsabilité.
Pendant ce temps, la réalité suit son cours. Indifférente aux illusions des petits bourgeois occidentaux, elle forge un avenir sombre, où les enfants d’aujourd’hui, bercés par l’idéologie de l’irénisme, seront les désillusionnés de demain.
Une génération sacrifiée sur l’autel de ses propres chimères. Terrible époque, qui prépare de pires lendemains.
© Charles Rojzman
