
Moi aussi, j’aurais pu tomber amoureux, à n’importe quel âge, de Fanny Ardant.
Après tout, je ne suis pas moins bien que Melvil Poupaud dans « Les vieux amants ».
Une femme brune de plus de 70 ans, au regard charbonneux, au sourire à la fois tendre et ironique.
A la bouche large et généreuse.
Il aurait suffit que l’on se rencontre.
Il aurait fallu qu’elle dise oui, de son curieux phrasé, qui donne à sa diction comme un petit accent étranger.
J’aurais vaguement bredouillé et rougi.
Elle aurait ri.
…
Je l’aurais invité au restaurant.
Pas un resto chichiteux ou branché.
Non. Au Baca’v Paris chez Gilles Choukroun, du côté de la rue des Fossés St Marcel.
Manger un parmentier de boudin noir ou une poitrine de cochon confite.
Je suis sûr qu’elle a de l’appétit et que cela ne lui aurait pas fait peur.
Elle m’aurait juste dit :
« Tiens, avec ton nom, j’aurais cru que le porc…Eh bien… »
J’aurais répondu : je partage la même religion que Gilles Choukroun, j’aime me faire plaisir.
Elle aurait encore ri et m’aurait demandé de lui resservir un peu de Saumur Champigy.
Nous aurions partagé pour le dessert la tarte au chocolat et à la crème de marrons au piment d’Espelette.
…
Nous aurions discuté cinéma.
J’aurais demandé : nous allons voir quel film, après le resto ?
Pour faire intello, j’aurais proposé « Deuxième Acte » de Quentin Dupieux.
« Oh non ! Je n’aime pas les films bavards. Du cinéma sur le cinéma ! »
On ne va quand même pas voir le dernier Tuche ?
« Oh non ! Emmène moi rue Christine voir un vieux Hitchcock. »
…
Dans le noir de la salle de cinéma, j’aurais essayé de prendre sa main gantée.
Elle m’aurait repoussé en murmurant :
« Plus tard… »
…
Après le film, je l’aurais raccompagnée chez elle.
Et après, je ne sais pas.
Cette femme est un mystère et je n’imagine pas la suite.