Tribune Juive

Débat. David Chemla, Secrétaire général de JCall, répond à Georges Benayoun à propos de La Tribune dite Sinclair-Barnavi-JCall

Mon cher Georges, contrairement à ce que tu écris le 28 mars dans « Tribune juive », en réaction à la publication de l’Appel de JCall paru le 18 mars dans « Le Monde » – et que l’on peut retrouver sur notre site –, aucun de ses signataires n’est « très soucieux de son image, paniquant à l’idée de pouvoir être assimilé, dans ses cercles, à la politique “d’apartheid” d’Israël. » Si nous sommes tous très soucieux, c’est surtout de l’avenir d’Israël auquel nous sommes, tout autant que toi, indéfectiblement attachés.


Si les signataires de cet Appel n’ont pas tous fait comme moi la démarche dans leur jeunesse d’y avoir vécu, d’y avoir effectué son service militaire et d’y avoir participé aux guerres d’alors, ils ont tous prouvé par leurs actes et leurs écrits tout au long de leur carrière leur attachement à Israël.
Nous avons tous été, comme tous les Israéliens et les Juifs qui se sentent liés à ce pays, bouleversés par les massacres du 7 octobre. Dès le lendemain, en tant que Secrétaire général de JCall, j’ai rédigé un communiqué de solidarité avec le peuple israélien, exprimant « notre soutien total et inconditionnel à Israël » et lui reconnaissant le droit à se défendre. Dans les newsletters suivantes, nous avons partagé la douleur des familles endeuillées et, à chaque fois qu’il m’en a été donné l’occasion sur les plateaux ou dans les médias, j’ai condamné l’attaque du Hamas responsable de ce massacre qui a dévoyé et sali la cause palestinienne.

Si nous avons décidé aujourd’hui de rédiger à nouveau cet Appel à la raison que nous avions lancé il y a 14 ans, c’est parce que nous sommes convaincus que ce qui ne changera pas au Moyen-Orient, c’est d’abord la géographie physique et humaine de cette région. Aucun des 7 millions de Juifs vivant en Israël et des 7 millions de Palestiniens, qu’ils soient Palestiniens citoyens d’Israël ou vivant en Cisjordanie ou Gaza, ne partira. Nous sommes toujours convaincus (en paraphrasant Churchill, qui parlait ainsi de la démocratie) que la solution à deux États est la pire des solutions – à l’exception de toutes les autres. Et nous savons qu’il faut dès maintenant penser au jour d’après, parce qu’il y aura un jour d’après cette guerre qui finira, comme toutes les précédentes, par un cessez-le-feu. Et que, si on veut éviter la guerre suivante, il est peut-être temps de penser autrement.

Nous le devons d’abord aux victimes du 7 octobre, dont beaucoup étaient des militants pour la paix. Comme Vivian Silver, membre du kibboutz Be’eri, qui convoyait des enfants de Gaza dans les hôpitaux israéliens pour qu’ils y reçoivent des soins. Comme Carmela Dan du kibboutz Nir Oz, membre de « La Paix Maintenant », qui a été brûlée avec sa petite fille Noya. Comme tant d’autres parmi ces jeunes, assassinés alors qu’ils étaient venus participer à un festival de danses et rêvaient à la paix.
Nous le devons aussi aux deux populations civiles, auxquelles il faut donner un espoir pour un autre avenir. Non, nous ne sommes pas naïfs ni « sentencieux, préoccupés à diaboliser Netanyahou ». Les dizaines de milliers d’Israéliens qui recommencent à manifester, appellent à des élections, et aspirent à une solution politique parce qu’après six mois de guerre ils ont compris que c’est le seul moyen de voir revenir les otages encore vivants. Et l’on ne peut pas qualifier de « bonnes âmes » tous ces anciens généraux ou membres des services de sécurité qui, au sein d’organisations comme les « Commandants pour la sécurité d’Israël », soutiennent la même position.

Oui, mon cher Georges, il faut avoir la lucidité de combattre ici la désinformation et l’antisémitisme de certains masqué d’antisionisme, auxquels nous sommes confrontés. Et il faut, avec le même engagement, soutenir tous ceux qui, en Israël, sont conscients que la véritable sécurité ne pourra advenir que le jour où les deux parties arriveront, avec le soutien d’une forte implication internationale, à un accord politique où chacun des deux peuples aura son État.

© David Chemla

David Chemla est responsable en France du mouvement « La Paix Maintenant » et secrétaire général de l’association française « JCall ».


Pour rappel

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/0 18 mars 2024

https://www.tribunejuive.info/2024/03/28/ge 29 mars 2024


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