Tribune Juive

Rémi Ferrand. Pour que personne ne dise : « Mais Kfir, vous êtes juif ? »

Par cette vieille femme, achevée sous les crosses

Par celui qui chancelle, et cette figure de gosse

Qui tend très haut les mains, un soir à Varsovie,

Expulsé d’un ghetto, à 10 ans et demi.

Par celui qui gémit sur sa couche de sang

Torturé dans les caves de Bagneux ou Cachan.

Par celui qui s’enfuit serrant fort sa kippa

Devant la meute qui court et qui déjà aboie.

Par celui qui supplie, au grand soir du pogrom

Et dont on se demande seulement « Si c’est un homme »

Par celui qui implore le ciel dessus sa croix

Et qui appelle son père au jour du Golgotha.

Par ceux-là qui périrent, et qui déjà s’abattent 

Par les rares qui vainquirent, comme David sur Goliath

Par la si jeune Anne, si loin de son journal,

Qui titube et qui boîte d’Auschwitz à Buchenwald. 

Par le peuple qu’on désigne toujours comme l’ennemi,

Et pour le nom duquel on t’a ôté la vie

Par les chants qui montaient, chaque soir au Kibboutz

Par ta mère qui t’aimait, et qui veillait ta couche.

Pour tout ça et le reste, pour la honte et l’opprobre, 

Par les tueurs en liesse, au jour du 7 octobre,

Par tous ceux qui ici parlent de résistance,

Et qui déjà t’oublient et imposent le silence.

Par delà tes souffrances, la nuit et le brouillard,

Je voudrais te tenir et te bercer ce soir,

Te regarder dormir, te veiller attentif

Pour que personne ne dise : « Mais Kfir, vous êtes juif ? »

© Rémi Ferrand

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