Tribune Juive

Daniel Sarfati. Partageons la même maison, ouverte sur le monde et les autres

Shmuel Yosef Agnon

La veille de Yom Kippour, à Tel Aviv, des fidèles ont été pris à parti par des extrémistes religieux qui ont voulu leur imposer la séparation entre hommes et femmes pendant la prière. 

Ça n’est pas ma conception du judaïsme et ce genre d’incident ne fait qu’ajouter à l’atmosphère délétère qui règne en Israël depuis ce nouveau gouvernement Netanyahu. 

Même un ultra-orthodoxe, le Rav Gotlib ( rien à voir avec L’Echo des Savanes ), s’est ému de cet incident en le qualifiant de « haine gratuite ».

J’aimerais rappeler à ces pieux zélotes, dont la large kippa tricotée cache mal leur étroitesse d’esprit et le vide de leur pensée, cette anecdote lors de l’enterrement de S.J Agnon. 

Agnon, écrivain majeur de la renaissance hébraïque, Prix Nobel de Littérature, croyant sincère et érudit. 

Le 18 février 1970, David Ben Gourion est présent lors des funérailles nationales de S.Y Agnon, Prix Nobel de littérature 1966. 

Ben Gourion est le seul homme à ne pas porter de kippa. 

Le Grand Rabbin d’Israël Menahem Porush s’approche discrètement de lui, et chuchote :

« Monsieur le Premier Ministre, si vous avez oublié votre kippa, je peux vous en prêter une… »

Ben Gourion répond : 

« Merci, j’en ai une, mais je ne compte pas la mettre… »

Porush est outré.

« Mais Monsieur le Premier Ministre, c’est un manque de respect pour notre grand écrivain national Shmuel Yossef Agnon, qui était lui-même religieux ! »

Ben Gourion prend le temps de choisir ses mots.

« Monsieur le Grand Rabbin, je respectais infiniment Agnon, à qui je rendais visite régulièrement. Lui même respectait mon agnosticisme. Nos conversations étaient très enrichissantes. Tous deux, nous étions d’accord sur l’influence négative qu’ont les partis religieux sur les décisions de l’Etat.

Je suis un homme politique et j’ai tout fait pour que cet État voit le jour. Ce qui me guide, c’est le destin de mon peuple et non pas les exigences de tel ou tel parti. 

J’espère que Dieu existe, et qu’il accueillera chaleureusement Agnon, qui le mérite bien. 

Lorsque viendra mon tour, j’exprime le même souhait. 

Si Dieu existe, je suis sûr qu’il me pardonnera, comme le faisait Agnon, de ne pas porter de kippa ».

En cette veille de Soukot, Fêtes des Cabanes, il serait temps que nous partagions tous la même maison. Laïcs et religieux, femmes et hommes. 

Une cabane faite d’une seule pièce, sans séparations, avec juste trois murs comme le veut la tradition, ouverte sur le monde et les autres.

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