
On sait bien désormais que qualifier un mouvement politique d’extrême, c’est le disqualifier aux yeux du public et l’exclure de facto du champ républicain. En ce qui concerne l’extrême-droite, il y a pire : il s’agit de l’assimiler au nazisme, au fascisme, au pétainisme de la collaboration. Ainsi les opinions émises, quelles qu’elles soient, seront condamnées avant d’en éprouver la véracité ou la solidité. Il en est ainsi du « grand remplacement », de l’immigration massive, de l’islamisation, des avatars du progressisme.
Si nous risquions une hypothèse : cette extra-droite ne représenterait-elle pas plutôt le dernier rempart aux nouvelles formes de nazisme ou de fascisme ?
Qu’est-ce qui caractérisait ces mouvements au cours du siècle dernier ? La haine de la démocratie, du débat démocratique, de la libre expression… et aussi le mensonge, la diabolisation de toute idéologie différente.
L’islam dans sa forme actuelle majoritaire est-il aujourd’hui impérialiste et totalitaire ? L’antiracisme est-il devenu un racisme anti-blanc et un antisémitisme sous couvert d’antisionisme ? Le transhumanisme est-il un humanisme ?
Le wokisme a-t-il pour intention de libérer toute l’humanité de ses chaines ?
Qualifier d’extrême-droite des conservateurs, des populistes et des souverainistes qui résistent à la mondialisation marchande et à l’islamisation, ces deux totalitarismes aujourd’hui alliés et demain ennemis commle furent en leur temps le nazisme et le communisme, hostiles tous deux à la démocratie libérale, c’est justement les assimiler au nazisme et au fascisme afin de les rejeter du côté de l’obscur et en faire des parangons de l’intolérance et de l’inhumanité.
Il s’agit en fait d’annihiler toute forme de résistance aux véritables totalitarismes actuels et d’éloigner d’eux des hommes et des femmes de bonne volonté, répugnés par tout ce qui ressemble depuis la dernière guerre mondiale à cette image infamante d’intolérance et de haine.
L’extrême-droite d’aujourd’hui « n’aimerait pas » les étrangers, les immigrés, les arabes, les noirs, les clandestins, les délinquants, les trafiquants de drogue… Un tel fourre-tout accusatoire est la marque d’une diabolisation. Le nazisme, lui, « n’aimait pas » les juifs, les tziganes, les homosexuels, les handicapés, tous ceux qui n’étaient pas des aryens de bonne et pure souche. Ainsi se fabrique une comparaison qui vise à dénaturer et détruire un combat légitime pour la sauvegarde d’une civilisation, inspirée par le christianisme, les grecs et ces grands hébreux dont parlait Jean Jaurès.
On a pu mettre en avant la défense de l’Occident quand il était puissant, la nation quand elle existait encore, le blanc quand il colonisait le monde, le mâle quand il opprimait la femme et ses enfants… Aujourd’hui, c’est l’occident qui est attaqué et en position de vulnérabilité. L’antiracisme défend des minorités puissantes contre une majorité en perdition, quasiment au bord du suicide. L’antifascisme s’en prend à des institutions établies comme la police ou l’état, alors que ces institutions au niveau national sont en décrépitude.
Mais comment en suis-je arrivé là ? Comment suis-je passé de mon travail en thérapie sociale, censé développer la paix et la tolérance, à une vision du monde proche de cette extrême-droite représentée en paroles du moins par Marion Maréchal, Geoffroy Lejeune, Charlotte d’Ornellas, Elizabeth Lévy, Richard Millet et quelques autres ?
J’ai vu les dégâts sur les esprits de la bienveillance et de la tolérance telles qu’elles étaient prônées, alors que ces deux vertus avaient été vidées de leur sens profond au profit d’une conception erronée du vivre ensemble, devenue une idéologie, que j’ai autrefois appelée le vivre ensemblisme, qui vénère toutes les diversités, sans voir la folie contenue dans les unes ou la volonté de conquête dans les autres.
Peu à peu, j’ai compris qu’il ne fallait pas réconcilier à tout prix, par angélisme et pseudo-humanisme, mais reconnaître -ensemble si possible- la réalité afin que cette connaissance du réel permette l’action et la sortie de l’impuissance.
Observer le réel, partager les informations librement et sincèrement les plus diverses sur le réel, oser le débat et le conflit même virulent, propres à la vie démocratique réelle, combattre les tentations totalitaires qui empêchent la pensée et l’esprit de liberté.
La fausse tolérance qui est devenue le panache d’une grande partie des élites occidentales, et en particulier celles qui sont au pouvoir en Europe occidentale, affaiblit la résistance à toutes les menaces totalitaires, qu’elles soient internes à la civilisation quand elles veulent déconstruire des valeurs universelles ou des identités historiques, ou externes, quand elles cherchent à conquérir et à imposer une idéologie qui refuse le débat, les croyances multiples ou l’athéisme, l’égalité acquise de haute lutte entre l’homme et la femme et l’ éducation à l’esprit critique qui fit l’honneur de l’Occident même s’il ne fut pas dénué de tâches, à l’instar des autres civilisations.
© Charles Rojzman
Essayiste, Charles Rojzman est fondateur d’une approche et d’une école de psychologie politique clinique, » la Thérapie sociale », exercée en France et dans de nombreux pays en prévention ou en réconciliation de violences individuelles et collectives.
