Tribune Juive

Michel Dray. Mesdames et Messieurs, vous n’êtes pas pitoyables. Vous êtes pathétiques

Le 27 mars prochain, à peine quatre Israéliens sur quatorze participants prendront la parole au Parlement Européen pour « sauver la démocratie israélienne ». Quatre sur quatorze ! A croire que les Israéliens qui, et je suis le premier à les comprendre, craignent une dérive des institutions, n’ont pas besoin de l’UE pour savoir ce qu’ils ont à faire et à dire. Ils n’ont oublié ni les posters de femmes européennes en hijab, ni les condamnations répétées contre Israël y compris sous le régime de Lapid : comme quoi un Israélien de gauche ou de droite reste pour l’Union Européenne un sioniste de trop.  

Soit vous n’avez rien appris et tout oublié, soit vous avez la mémoire courte

Pour ce qui des onze autres non israéliens, pour beaucoup ce sont d’illustres inconnus ou bien des retraités lovés depuis des années dans l’oubli des médias. Ces gens-là donc, je le dis nettement et sans ambages, perdront leur âme en prenant la parole dans une telle enceinte. Avez-vous conscience de prendre la parole dans un lieu qui ne s’est pas ému le moins du monde de l’odieux dessin publié par la « Libre Belgique » et assimilant le conflit palestinien avec la Shoah.(1) Il est vrai que chez les Juifs, quand un dessinateur insulte froidement, personne n’ira l’assassiner. De deux choses l’une, soit vous avez la mémoire courte, soit vous n’avez rien appris et tout oublié. J’opte quant à moi pour une combinaison des deux.   

La démocratie israélienne connaît des soubresauts, certes, et il suffit de relire mes articles pour connaître mon point de vue(2), mais jusqu’à preuve du contraire, les militaires ne sont pas sortis de leur caserne pour protéger les institutions ; au contraire ils se font tuer par le Hamas pour protéger la population, y compris celle qui manifeste dans les rues.  

Seul Israël fait vendre du papier

De vrais régimes autoritaires, vous savez mieux que moi qu’il y en a plus qu’à foison sur cette misérable planète. Mais ce ne sont pas des sujets vendables. Soyez rassurés, le 27 mars prochain, « Le Monde » et « Libération », enivrés d’antisionisme, vous accorderont des articles dithyrambiques (articles déjà prêts peut-être) et ainsi ressortirez-vous de l’armoire des oublis comme on retrouve  de vieux vêtements tout amidonnés qu’on voudrait remettre à la mode. A quoi bon chercher à sauver les Algériens de la dictature militaro-islamiste qui pèse sur eux ? A quoi bon sauver ces malheureux Cubains qui crèvent de faim ? A quoi bon en finir avec l’enfer Nord-Coréen qui place tout un peuple sous une chape de plomb ? Tout cela c’est bien joli mais ça ne fera jamais la Une du « Monde » ou de « Libération ». 

Quitte à me répéter, le seul pays où le sionisme, mouvement de libération nationale, n’a pas débouché sur une dictature sanguinaire, c’est Israël. Et cela donne des boutons à bien des hommes de gauche.

 

Maître  Badinter, de grâce annulez votre présence à Bruxelles !

Mais c’est surtout à un homme en particulier que je voudrais ici m’adresser, à un homme que je respecte et que j’admire, un esprit qui a illuminé mes trente ans. Oui Maître Badinter, c’est à vous que je veux m’adresser maintenant. En 1981 le discours que vous avez prononcé en vue de l’abolition de la peine de mort est de l’hugolien , et croyez-moi, je pèse mes mots. Or, voici que du haut de vos 94 ans on fait appel à vous sans doute dans le seul but de cautionner cette ridicule journée par votre présence qui vaudrait pour eux caution morale. Comme je vous plains, Maître. Je vous plains parce que vous auriez été plus utile, plus grand, plus illustre encore si autour de vous s’étaient agrégés des hommes et des femmes de toutes confessions, de tous horizons politiques et de toutes nationalités pour sauver le peuple iranien, défendre ces jeunes femmes et ces jeunes hommes en attente d’être assassinés par le régime des mollahs.

Sauver la démocratie ? Qu’attendez-vous pour mettre votre éloquence au service d’un Iran martyrisé ? Vous qui avez horreur de la peine de mort, vous qui savez combien elle est une régression  civilisationnelle, qu’attendez-vous pour imposer au sein de ce Parlement européenne (vous en avez politiquement les moyens) un débat d’urgence pour qu’on ne pende plus, pour que les grues ne servent plus à détruire des vies,(3), pour que les femmes puissent vivre libres et surtout pour instituer un vrai tribunal international contre les mollahs pour crimes contre l’humanité.

N’allez pas vous perdre dans cette galère, Maître Badinter. Annulez votre déplacement et sauvez d’urgence les Iraniens des griffes des mollahs. Voilà à mes yeux la tâche la plus urgente qu’il vous reste à faire, du haut de vos 94 ans,  pour entrer définitivement dans l’Histoire. 

 © Michel Dray 


Historien, Analyste en géopolitique méditerranéenneMichel Dray travaille depuis de longues années avec des universités, des écrivains, des acteurs de la société civile et des chercheurs dans le cadre d’un Think Thank hors des Réseaux sociaux sur les analyses géopolitiques en Méditerranée. Il fut en 2021 Président du Jury du “Festival International de Cinéma et Mémoire commune” au Maroc.   


Quitter la version mobile