
Cette prière que notre tradition prête au Roi David « Mon Dieu, garde-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge ! » m’est venue spontanément à l’esprit en apprenant qu’un attelage improbable de « Juifs », aussi bien français qu’Israéliens, se rendra le 27 mars prochain au Parlement européen réuni à Bruxelles « pour sauver la démocratie israélienne« .
Je ne m’attacherai en aucune manière au curriculum vitae de ces personnalités : chacun peut aisément se renseigner – un simple clic, et Google vous informe – sur leurs parcours respectifs, leurs propos égrainés au fil des ans, leurs engagements ou revirements. L’attaque ad hominem est hors de mon propos et de mes intentions.
C’est leur démarche-même ainsi que le temps et le lieu choisis par eux qui motivent ces quelques réflexions.
Ils iront au Parlement européen, comme s’il s’agissait d’un temple de la démocratie. Aucun de ces honorables personnages n’ignore que la construction européenne s’est faite contre les nations, que l’Union Européenne n’est qu’un vaste marché, et que, lorsqu’un peuple – le peuple français, en l’occurrence – rejette par référendum le projet de « Constitution européenne« , sa volonté est jetée aux orties et, réuni en Congrès, un Parlement docile vote un traité qui contourne l’expression de la volonté populaire. Belle preuve de la « démocratie » qui règne au sein de l’Union Européenne, dignement gouvernée par des technocrates non élus.
Aucun d’eux n’ignore non plus que l’Union Européenne finance grassement – avec les impôts des citoyens qui n’ont pas leur mot à dire – « l‘Autorité Palestinienne » dont le fonctionnement démocratique et la transparence sont en passe de devenir légendaires.
Grâce à une partie de ces fonds – car une proportion non négligeable serait engloutie dans des comptes occultes profitant aux familles des dirigeants – cette « Autorité » salarie les terroristes assassins de Juifs et non-Juifs en Israël, ou leurs familles quand ils sont morts en « martyrs« , c’est-à-dire ont été éliminés : pareille rémunération constitue même un « devoir sacré » selon Abu Mazen alias Mahmoud Abbas, auteur d’une thèse de doctorat négationniste soutenue à Moscou, président élu il y a fort longtemps et qui considère comme perte de temps de se soumettre à nouveau au verdict des urnes.
Les fonds européens servent aussi à l’éducation scolaire des enfants « palestiniens » qui sont ainsi pourvus en livres leur enseignant, dès le plus jeune âge, la haine du « Yhoud« , mot arabe qui désigne indistinctement le Juif et l’Israélien, et le « devoir sacré » de les tuer et de libérer la « Palestine du fleuve à la mer » — autrement dit de rayer Israël de la carte.
Aucun d’entre eux n’ignore encore que l’Union Européenne finance les constructions illégales par les « Palestiniens » dans la zone C des Accords d’Oslo, zone relevant exclusivement de l’administration israélienne selon lesdits Accords – dont certains États européens sont garants. Et elle proteste énergiquement lorsque les Israéliens, conformément à ces Accords, procèdent à la destruction de ces constructions illégales.
Pareillement, aucun de ces futurs pèlerins de la démocratie n’ignore que le Parlement européen a fait une « standing ovation » à Abu Mazen venu expliquer que les Israéliens empoisonnaient l’eau des puits « palestiniens » : reprise d’une antienne antisémite pluriséculaire gobée par des parlementaires européens émus et empathiques.
Tel est le lieu emblématique où ont choisi de s’exprimer ceux qui se présentent comme les sauveteurs de la démocratie israélienne.
Certes, Israël est menacé.
L’Iran n’est pas éloigné de la fabrication de la bombe atomique avec laquelle elle rêve d’effacer le « cancer sioniste« , quitte, au passage, à anéantir les populations arabo-musulmanes et à détruire la mosquée El-Aqsa – qui ne doit donc pas être si sacrée qu’il est prétendu.
Les différentes factions terroristes Hamas, Jihad islamique, Hezbollah, Fosse aux lions, et autres, sont en conciliabules pour perpétrer de concert des attaques et des massacres pendant le mois de Ramadan qui commence ce jeudi 23 mars.
Et, quotidiennement, des attentats meurtriers ont lieu tandis que d’autres sont déjoués par des services israéliens intrépides et bien informés. Mais si quelqu’un en parle dans la presse occidentale, c’est pour dénoncer le « meurtre de civils palestiniens » dans les « territoires occupés » : que les terroristes soient travestis en « civils« , et que les pourchasser là où ils se trouvent soit un acte de légitime défense, ce n’est pas une version admissible lorsqu’il s’agit d’Israël. Fermez le ban !
Ces dignes personnages viennent-ils demander au Parlement européen son aide contre l’Iran et contre les factions terroristes ?
Que nenni ! Ils veulent l’exhorter à « sauver la démocratie israélienne« , pas moins.
Le peuple israélien s’est à nouveau rendu aux urnes il y a quelques mois à peine, il a élu ses députés à la proportionnelle quasi intégrale, un nouveau gouvernement a été formé, il est au travail … mais la politique pour laquelle il a été élu déplaît à certains qui multiplient manifestations et appels à l’étranger – gouvernements et ONG – pour que le pouvoir de la rue l’emporte sur celui des urnes.
Lorsque ce sont les partisans de l’ancien Président américain Trump qui agissent ainsi, ce sont des factieux à réprimer sans faiblesse. Mais lorsque ce sont les partisans de l’ancien Premier Ministre Yaïr Lapid, ce sont des défenseurs de la démocratie à soutenir sans réserve – y compris grâce à l’appui de l’étranger.
Les Pèlerins de Bruxelles
Étrange conception de la démocratie que celle qui est ainsi prônée par les « pèlerins de Bruxelles » : la rue plutôt que le suffrage universel ; la cooptation des Juges de la Cour suprême plutôt que – comme aux U.S.A., notamment – un choix associant les trois pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) ; la possibilité pour la Cour suprême de continuer sa politique, mise en œuvre grâce à un « coup d’Etat » judiciaire, d’interférence dans le fonctionnement des pouvoirs législatif (en annulant des lois) et exécutif (en interdisant certains actes à des ministres ou en s’opposant à la nomination de certains ministres) au nom de ce que ces Juges estiment « raisonnable » sans aucun fondement juridique, plutôt que le retour à la séparation des pouvoirs qui préside nécessairement à l’existence d’une démocratie. Car, contrairement à ce que prétend l’ancien Premier Ministre Lapid, ce n’est pas l’existence d’une Constitution qui garantit la démocratie – le Royaume-Uni n’en a pas, la France en a connu une longue succession, et la défunte URSS était dotée de la Constitution garantissant toutes les libertés fondamentales… avec le succès que l’on sait), mais le respect de la séparation des pouvoirs. Ainsi que celui de la volonté des électeurs : la majorité n’a pas voulu reconduire l’ancienne coalition, et les vaincus doivent l’admettre plutôt que d’en appeler à la sédition et à l’aide des pays étrangers et de soutiens discutables.
Et il me revient ainsi en mémoire un épisode tragique de notre histoire.
Ces personnalités se rendront à Bruxelles une dizaine de jours avant le premier soir de Pâques, ce séder lors duquel nous rappelons notre sortie d’Egypte où nous étions esclaves, et où nous ferons à nouveau le vœu solennel « L’an prochain à Jérusalem ! »
Il est plus difficile de sortir de l’esclavage que d’y retourner. Et des siècles plus tard, nous ferons le chemin inverse.
En – 63, pour régler le conflit successoral postérieur au décès de leur père Alexandre Janée (descendant des Hashmonéens qui avaient chassé les Séleucides et restauré le Temple dans sa sacralité) puis de leur mère Alexandra Salomé, leurs fils Hyrcan et Aristobule, tous deux prétendants au trône de Judée, firent appel à un arbitrage étranger, celui de Rome en la personne de Pompée qui se trouvait alors à Damas. Celui-ci fit le siège de Jérusalem dans laquelle il entra, selon Flavius Josèphe, le jour du Yom Kippour. Il profana le Saint des Saints et démantela le royaume de Judée. Bien avant le siège de Jérusalem par Titus et la destruction du Second Temple, puis l’écrasement de la révolte de Bar-Kochba par Hadrien, l’expulsion des Juifs et la dénomination de la Judée en « Palestine », les Juifs avaient perdu leur indépendance.
Et, dans les temps qui précédèrent la résurrection d’un Etat juif sur sa terre, celui qui en devint ensuite le premier Président, Haïm Weizman, répondit à la question d’un journaliste sur la possibilité d’un tel Etat par des mots qui furent présentés comme une boutade, mais prennent aujourd’hui une connotation particulière, voire angoissante : « Si c’est un État, il ne sera pas juif. Et s’il est juif, ce ne sera pas un État. Les Juifs sont ingouvernables ». Plaise à Dieu que ces mots demeurent une simple boutade, et que la visite annoncée à Bruxelles de quelques personnalités ne soit pas une répétition de celle de Hyrcan et Aristobule à Damas.
© Danielle Khayat, Magistrat en retraite