
Quelle idée d’avoir choisi Paris comme capitale culturelle arabe
Vous pouvez chercher des heures, et vous ne trouverez pas le moindre Institut du Monde Chrétien en terre d’Islam. Il faut dire qu’être chrétien dans ces régions du monde n’est pas facile à vivre. En Arabie saoudite, tout culte autre que l’islam est interdit. En Irak, en Syrie, les Chrétiens sont en grand danger. Au Liban, ils ont perdu leur influence, et le fin du fin, en Iran on impose aux femmes non musulmanes l’obligation du foulard. Je pourrais vous citer mille autres exemples bien sûr. Tout cela pour dire que le monde arabe a une sacrée suite dans les idées ; autrement dit: on n’est pas près de voir en terre d’Islam un Institut du Monde Chrétien. Et pourtant ! De Damas à Samarcande, les grandes œuvres culturelles sont légions (1). La route de la Soie a égrené ville après ville les plus belles traces d’une culture islamique indéniable. Alors quoi ? Quelle idée d’avoir choisi Paris comme capitale culturelle arabe ? Qu’avait-on besoin d’un Institut alors qu’il suffit d’ouvrir au public les magnifiques joyaux orientalistes conservés à la Bibliothèque Nationale de France, d’admirer les splendides Delacroix sur les lumières d’Orient ou de faire un saut à la bibliothèque des Langues Orientales pour nous prouver que nous, Français, n’avions pas besoin d’un Institut spécialisé pour comprendre et diffuser l’immense culture islamique.
L’institut du Monde Arabe : une formidable machine de guerre.
Si l’on en croit le discours officiel de l’Institut du Monde Arabe, l’établissement a pour but de « favoriser les publics éloignés de sa programmation culturelle »(sic). Aussi a-t-il intégré la mission du « vivre-ensemble » du ministère de la culture en 2010.(2) En réalité l’Institut est une formidable machine politique entièrement au service des pétromonarchies comme le Qatar ou des pétrodictatures comme l’Algérie. Où est le « Vivre ensemble » quand le 6 juin 2012, le Conseil des Ambassadeurs arabes et contre l’avis du jury, retire à l’écrivain algérien Boualem Sansal son prix du roman arabe pour protester contre le voyage qu’il a effectué en Israël du 13 au 17 mai, dans le cadre de la troisième édition du Festival International des Écrivains à Jérusalem et dont il était l’invité d’honneur (3). De même si l’on en croit une sorte de profession de foi de l’Institut, l’établissement « est devenu au fil des années bien plus qu’un lieu : un état d’esprit ». (voir note 2) Étrange état d’esprit que de cartographier le Moyen-Orient en occultant Israël ! A-t-on alors entendu les journalistes du « Monde », de « Libé » pour dénoncer le fait ? A-t-on vu le monde associatif si attaché paraît-il au « Vivre ensemble » se révolter contre cette propagande antisioniste ? On pourrait aussi évoquer la très controversée « Exposition des Juifs d’Orient » qui présente le départ des Juifs comme un événement volontaire alors que ce fut loin d’être le cas dans la majorité des pays arabes.
Pour paraphraser Shakespeare, il y a quelque chose de pourri Rue du Fossé St Bernard (4). Faire croire aux gens que l’Institut du Monde Arabe est un lieu culturel et convivial c’est comme se persuader qu’il y a de la vie sur Mars.
Un budget annuel de 18 millions d’euros
2023: fin de mandat du président de l’Institut du Monde Arabe.
Mais au fait qui finance l’IMA. Le site officiel (voir note 2) sur ce point est d’une transparence étonnante. Sans le moindre état d’âme on peut lire : « Financé très majoritairement par l’Etat Français, l’IMA bénéficie du soutien ponctuel des pays arabes (Arabie saoudite, Koweït ou encore Qatar) ». Décryptons ce bijou d’hypocrisie. Primo, derrière l’expression « financé très largement par l’Etat Français », lisons tout simplement que le contribuable crache « très largement » au bassinet pour servir l’outil le plus fabuleux de communication du monde arabe. Secondo, les pays arabes financent « ponctuellement », autrement dit quand ça leur chante. CQFD.
L’IMA un ministère des affaires arabes ?
A 9000 euros mensuel de salaire comme président de l’Institut du Monde Arabe, on peut comprendre qu’on n’a pas très envie de quitter le bureau du huitième étage avec vue imprenable sur les quais de Seine. Deux hommes sont en lice pour ce poste : Jack Lang 83 ans au compteur, et qui brigue un quatrième mandat! Ah notre Jack national, toujours la pêche ! Allure de clubber sur le retour, chevelure en broussaille façon soixante-huitarde, cache-col haute-couture jeté négligemment autour du cou genre étudiant des Beaux-arts et regard style force tranquille. Face à l’IMA-movible ministre es World-Culture, un tout jeune, Jean-Yves Le Drian (75 ans seulement) ministre de la Défense avant d’être patron du quai d’Orsay grâce à quoi, il a réussi à se faire un méga réseau dans le monde arabe. On le dit très pote avec les généraux algériens et l’émir du Qatar. Pourtant, entre le vosgien fan du street-art et le breton mordu du bagad de Lann-Bihoué peu de suspense en vérité. Le Celte étant quasiment sûr de l’emporter.
La goutte d’eau qui fait déborder le vase
Que la première ministre dévoile officiellement un dispositif visant à lutter contre le racisme et l’antisémitisme, on ne peut que s’en féliciter. Mais pourquoi un énième plan alors que notre pays possède un arsenal juridique parmi les plus conséquents en Europe pour lutter contre ce fléau ? Il suffit semble-t-il d’appliquer les lois, Madame la première Ministre !
Vous me demanderez pourquoi j’évoque cet événement qui n’a rien à voir avec l’IMA. Eh bien je vous répondrai que si, l’événement a un rapport avec mon sujet: car Elisabeth Borne n’a pas trouvé mieux pour évoquer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme que de le faire au sein d’un Institut qui nie l’existence de l’Etat d’Israël.
Pour paraphraser Talleyrand: Ce n’est pas une erreur, c’est une faute.
Et en politique les fautes se paient un jour ou l’autre. A bon entendeur, salut.
© Michel Dray
Historien, Analyste en géopolitique méditerranéenne, Michel Dray travaille depuis de longues années avec des universités, des écrivains, des acteurs de la société civile et des chercheurs dans le cadre d’un Think Thank hors des Réseaux sociaux sur les analyses géopolitiques en Méditerranée.
NOTES
- On lira avec profit le très beau livre d’Amin Maalouf, « Samarcande ». Editions JC Lattès. 1988
- Site imarabe.com
- A relire l’excellent article de Boualem Sansal dans TJ: « Mon impardonnable voyage en Israël » paru en juillet 2021 et republié le 6 août 2022.
- Adresse de l’IMA en plein quartier Germanopratin.