Tribune Juive

Alain Finkielkraut. « Le prix Nobel de littérature est devenu le prix Nobel de l’idéologie »


Au micro d’Europe 1 , le philosophe et académicien a, entre autres, réagi au discours d’Annie Ernaux, prix Nobel de littérature.

Coupe du monde de football, prix Nobel de littérature, laïcité à l’école, wokisme à l’université… L’essayiste Alain Finkielkraut a répondu aux questions d’actualité de Sonia Mabrouk sur Europe 1, ce dimanche 11 décembre.
Dès le début de l’entretien, le philosophe n’a pas mâché ses mots sur le prix décerné à Annie Ernaux. Selon lui, « le prix Nobel de littérature est devenu le prix Nobel de l’idéologie ». La veille, la lauréate du prix a prononcé son discours de remerciements à Stockholm. À l’écoute de cette allocution, Alain Finkielkraut a été interpellé par une phrase : « J’écrirai pour venger ma race ». Une phrase tirée par Ernaux de son propre journal intime, écrite à l’âge de 22 ans, et qui fait référence à son milieu d’origine modeste ainsi qu’à son sexe.

Un « leitmotiv » que le philosophe a qualifié « d’indécent » et « d’ignoble » puisque « rien n’est arrivé à sa race ». Il a clairement contesté la légitimité de la récompense décernée à Annie Ernaux en dénonçant une trop grande place accordée dans ses écrits à une idéologie qui « divise le monde entre les dominants et les dominés ».

Francophobie

Interrogé sur la qualification des Bleus en demi-finale de la Coupe du monde, Alain Finkielkraut a avoué ne pas avoir tenu ses « résolutions » en regardant le match France-Angleterre. « Je sais quels traitements ont subi les ouvriers » qui ont construit les stades, a-t-il rappelé.

Mais ce sont les débordements entre les supporters marocains et la police – après la victoire du Maroc face au Portugal – qui ont retenu l’attention de l’écrivain. « Ils se doivent de détruire et saccager tout ce qui bouge et de s’acharner sur la police », s’est-il insurgé. Puis il a déploré que « la francophobie [soit] un sentiment de plus en plus répandu en France » et s’est avoué « inquiet » de la tournure que pourrait prendre le match France-Maroc, ce soir.

Alain Finkielkraut a aussi donné son opinion sur le pull aux couleurs LGBT que portait Amélie Oudéa-Castera. Un choix politique jugé « complètement stupide ». « Le sport n’est pas une tribune », a-t-il déclaré.

L’école pour « réduire l’ignorance »

Sur l’école, Alain Finkielkraut a qualifié de « catastrophique » la volonté de Pap Ndiaye de « réduire les inégalités sociales à l’école ». Pour le philosophe, « le premier but de l’école n’est pas de réduire les inégalités, mais de réduire l’ignorance ». Il a notamment pointé du doigt les écrans qui « pulvérisent » l’attention des élèves.

Rien n’a changé depuis l’assassinat de Samuel Paty

Interrogé sur la baisse du nombre d’atteintes à la laïcité signalées dans les établissements scolaires – les chiffres sont passés de 720 signalements en octobre à 353 en novembre – Alain Finkielkraut a tout de même estimé que « rien n’a changé depuis l’assassinat de Samuel Paty », et que les enseignants se retrouvent obligés de « s’autocensurer ».

« Tentation totalitaire du wokisme »

L’écrivain a témoigné avoir déjà vécu cette situation délicate dans laquelle se trouvent aujourd’hui des enseignants. Notamment à l’université. Lors d’une conférence qu’il devait animer à Sciences Po, Alain Finkielkraut a dû passer «par une porte dérobée» pour pénétrer dans l’établissement. Dans la salle, le public était « restreint car pour beaucoup, je suis persona non grata pour mon soutien à Roman Polanski ». Selon lui, la « tentation totalitaire du wokisme » empêche le dialogue et «nous fait regretter le gauchisme».

L’essayiste a conclu que la jeunesse était un « naufrage » et que celle-ci ne comprenait « rien ». Il a donc engagé les jeunes « à vieillir » au sens « de prendre sur soi l’héritage de la beauté du monde ».

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