Tribune Juive

Anne Dunan. Procès de l’attentat de Nice. Oui Stéphane, Vous avez le droit de haïr

REUTERS/Eric Gaillard

Procès de Nice, attentat du 14 juillet.

Stéphane est sur la prom’ avec sa femme et sa fille.

Le terroriste fonce sur eux avec son camion.

Stéphane est gravement blessé. Sa femme meurt.

Il décrit leurs enfants, hagards, éperdus, qui font la navette entre leur père et le cadavre de leur mère.

Il raconte comment son enfant lui dit qu’ils ont « mis un drap blanc sur maman ». Le pompier qui lui demande d’être fort. L’ambulance et les enfants comme des « zombies ».

Il raconte comment plus tard il défait les valises pour choisir la robe que sa femme portera dans l’éternité, la couleur champagne du capitonnage du cercueil.

Stéphane relate la vie d’après, regrette même de m’avoir pas été tué à la place de sa femme parce qu’il croit que son épouse aurait mieux su s’occuper des enfants, il raconte la place vide dans le lit, les disputes avec ces enfants orphelins qui ont vu mourir leur mère.

Mais voilà. Stéphane commet une « erreur ». A la fin de sa déposition, il ne peut s’empêcher de dire qu’il a la haine. Qu’il n’a pas pu aller au bout du livre de Leiris (celui dont les terroristes n’ont pas la haine). Il s’en excuse même.

Grave erreur. Un avocat de la defense le tance, déclare que la haine n’a pas sa place ici. Puis le Président de la Cour fait de même… La haine c’est mal, c’est sale, ce n’est pas « digne » … Même si ta femme a été écrasée par un camion, tu n’as aucune excuse.

Alors moi, là, en lisant ça, j’ai la gerbe. Mais alors une gerbe de tous les diables. J’ai honte de mon confrère. Il y connaît quoi en dignité lui ? Il doit être content de lui, d’avoir fait son effet, son job. Mais moi il me donne envie de brûler la mienne. Il me donne envie de balancer tout. Quant au Président, qui a la « police » de l’audience… Pas mieux… Brandir la « dignité »! Pouah ! Infecte lâcheté !

Alors j’ai envie de dire à Stéphane que je le comprends, moi. Tout avocat que je suis. J’ai envie de lui dire que la haine c’est pas sa faute à lui s’il l’a au cœur. Que ce n’est pas « mal ». Que ce qui l’est, c’est le terroriste, le terrorisme islamique. Que oui, ceux là méritent notre haine et que aimer sa femme c’est haïr celui qui la tue. Que Leiris est nul et que j’aurais détesté être aimé par un gars comme lui.

Oui Stéphane vous avez plus que quiconque le droit de haïr. Et moi, ce droit je ne vous le dénie pas un seul instant. J’aimerais vous dire, Stéphane, que ceux qui ont essayé de vous enlever ce droit aujourd’hui sont dans l’erreur. Tout avocat ou président qu’ils sont.

Et si j’ai du dégoût ce n’est ni de vous, de votre souffrance ou de votre haine, c’est de cette enceinte judiciaire où la robe fait dire des sottises. Je m’associe à votre haine, je compatis à votre peine. Quoi qu’il en coûte.

Quitter la version mobile