
Quel bonheur de ne pas figurer dans cette rentrée littéraire, dont les meilleurs romans sont pour l’heure invisibles, en raison du plan média de Virginie Despentes, dont je n’oublierai jamais les saloperies bavées sur les corps encore chauds de mes amis de Charlie.
Au demeurant, j’ai plus que jamais le sentiment d’écrire à contre-courant des tendances de l’époque, qui tient l’intime pour le seul objet de la littérature.
Or, je travaille en m’efforçant d’éloigner l’intime, de l’enfouir, de le travestir, sachant, pour paraphraser Flaubert, que l’intimité du sieur Konop n’intéresse personne.
Je cherche seulement à capter la vertigineuse transformation du monde dont j’ai été le témoin, quand les villes et nombre de paysages sont proprement méconnaissables, quand les manières de vivre et de penser ne cessent d’être bouleversées.
J’ai connu des pays aujourd’hui disparus, mais c’est encore la ville où je suis né, que je n’ai jamais quittée pour plus de trois mois en bientôt soixante quatorze années d’existence, qui semble une cité perdue dont je retrouve parfois un vestige au détour d’une rue.
Paris me colle à la peau, j’ai grandi, mûri, vécu, vieilli à mesure de ses transformations. Je m’en éloigne, pour écrire dans mon refuge normand, et, quand je reviens, je découvre toujours un détail, un signe de ses bouleversements.
Je ne sais pas si je terminerai un jour ce roman d’un Parigot de la seconde moitié du siècle passé. Je vais essayer de publier quand mon âge coïncidera avec le numéro de Paris, ou plus exactement, de la Seine, dans l’ordre alphabétique des départements…
Guy Konopnicki
