
Je n’ai pas – ou ne crois pas – avoir beaucoup commenté le conflit ukrainien. Il ne ne manque pas sur la toile de géopolitologues murés dans leurs certitudes, de guerriers en peau de lapin aux artères tapissées de graisse, qui seraient bien incapables de courir 100 mètres sans cracher un poumon et ou de contempler sans défaillir un corps sans vie, baignant dans son sang, démembré peut-être.
Mais ils veulent faire la guerre, à l’image du squatteur du l’Élysée ; enfin que d’autres la fassent, à leur place, pour soulager leurs consciences meurtries. Meurtries de n’être pas des héros, de ne ne pas disposer d’une autorité incontestable et quasi divine qui leur dise : « Voici le Bien, voici le Mal, choisis ton camp ! ».
Ils s’efforcent bien de discerner l’un de l’autre, mais par la seule force de leur puissance intellectuelle, forgée par la lecture de journaux diffusant des idées convenues ou de comparaisons historiques oiseuses.
Finalement, il est tellement plus important de s’empoigner sur le dernier Despentes que de s’intéresser sérieusement à ceux qui meurent (qu’ils soient russes ou ukrainiens) et de révérer comme une nouvelle divinité le De Gaulle du moment en T-shirt kaki ou de s’incliner (ou de vouer aux gémonies) devant le Napoléon des steppes.
Qui ne combat pas réellement, dans un camp ou dans l’autre, n’a que le droit de se taire, car celui-là ne va pas au bout de ses idées (s’il en a) ou de son engagement.
C’est pourquoi je me tais, dans toutes les langues.
En revanche, lorsque je lis les propos « chiés » par ceux qui se réjouissent, avec une répugnante indécence, de l’assassinat de Douguina comme si Hitler lui-même avait succombé au complot de von Stauffenberg (paix à la belle âme de cet officier), je suis pris de spasmes vomitifs.
Je ne vois, moi, qu’une cohorte de vampires dansant autour du corps disloqué d’une jeune femme de trente ans à laquelle on ne peut personnellement imputer aucun crime, si ce n’est le délit d’opinion – et encore, le délit, très nouveau, d’avoir partagé l’opinion de son père -)
Bref, je ne m’exprime pas sur le conflit (mon opinion est d’ailleurs sans importance, puisque je ne combats pas et que je ne suis pas russe, moins encore ukrainien) mais je refuse de danser autour de la tombe de cette belle jeune femme.
Le père parle aussi en moi. “No doubt the Russians love their children too” (Sting détourné).
Eric Cuza
Pour rappel:
La fille d’Alexandre Douguine, un intellectuel et écrivain ultra-nationaliste, a été tuée dans l’explosion de sa voiture, ce samedi 20 août. Alors qu’une enquête a été ouverte, Moscou s’interroge sur l’implication de Kiev dans cette explosion. L’Ukraine, elle, dément toute implication de sa part. Daria Douguine, comme son père, était visée par des sanctions internationales pour ses prises de position en faveur de la guerre en Ukraine.