
« Ayons la lucidité de voir notre époque. Nous n’en avons pas fini avec l’antisémitisme et nous devons en faire état » , a dit le chef de l’Etat cet après-midi lors de l’inauguration d’un nouveau lieu de mémoire de la Shoah dans l’ancienne gare de Pithiviers d’où sont partis huit convois pour le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. C’était le 80e anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv.
Evoquant « les heures noires qui souillent l’histoire de la Franc »e et soulignant « la responsabilité de la France dans cet événement », le Président a rappelé aux mémoires défaillantes ces milliers de familles qui, les 16 et 17 juillet 1942, basculèrent en plein cauchemar, simplement parce qu’elles étaient juives: « Dans cette antichambre des camps, (…) des familles françaises se chuchotèrent des mots en yiddish pour se rassurer en se disant que la France ne ferait jamais cela (…). Pourtant, la France le fit », a déclaré le chef de l’Etat qui a souhaité répéter les mots du président Chirac : « Ce jour-là, le France accomplissait l’irréparable. »
« La France de Vichy trahissait ses enfants »
« Pas un seul soldat de l’Allemagne nazie n’a pris part à la rafle des 16 et 17 juillet 1942. Tout cela procédait d’une volonté et d’une politique gangrenée par l’antisémitisme, initiée dès juillet 1940, moment où le gouvernement français se déplace à Vichy », a encore affirmé Emmanuel Macron, rappelant qu’après la rafle du Vél d’Hiv, l’Etat français allait persister avec la livraison à l’Allemagne nazie (…) plus de 10 000 juifs étrangers de la zone libre.
Si ce sont les nazis qui ordonnèrent le port de l’étoile jaune, c’est l’Etat français lui-même qui imposa la mention “juif” sur les papiers d’identité. Et c’est lui qui étendit cette politique de discrimination, d’exclusion, de persécution qui fut, à dire vrai, initié dès le 6 avril 1940.
Il y a quatre-vingts ans, la France de Vichy trahissait ses enfants en livrant des milliers d’entre eux à leurs bourreaux. »
Emmanuel Macron a ensuite appelé les forces républicaines à redoubler de vigilance face à un antisémitisme encore plus brûlant et rampant qu’il ne l’était en 1995 dans notre pays: « Ni Pétain, ni Laval, ni Bousquet, ni Darquier de Pellepoix, aucun de ceux-là n’a voulu sauver des juifs. C’est une falsification de l’histoire que de le dire », a également martelé le président.
Elisabeth Borne à Drancy
Elisabeth Borne a elle aussi participé aux commémorations de la rafle du Vél d’Hiv. Depuis l’emplacement de l’ancien vélodrome, dans le 15e arrondissement de Paris, ce dimanche 17 juillet. elle rappela que C’était il y a 80 ans et que pourtant, ici, l’écho de l’horreur résonnait encore.
« Ce sont plus de 13 000 personnes que la France a livrées au supplice, à la haine, à la mort, insista-t-elle devant des victimes de la rafle et des membres des instances représentatives de la communauté juive de France: Ce sont bien nos lois (…), c’est bien notre police qui a organisé et mis en œuvre la remise d’hommes, de femmes et d’enfants juifs à l’occupant allemand », insista-t-elle, évoquant, par cette rafle, « le passage d’une France qui protège à une France qui se trahit » et demandant que notre pays regarde son histoire en face: « Ce n’est pas être patriote que de déchirer les pages de l’histoire qui nous dérange, de les occulter ou de les amoindrir », finit la fille de Joseph Borne, juif et résistant, arrêté par la Gestapo puis déporté à Buchenwald. « Le travail de mémoire, c’est de ne jamais laisser passer le moindre geste, le moindre mot », conclut-elle.