
À peine 14 heures, tout a fermé au village.
La place de l’Eglise est vide, en dehors de quelques cyclistes qui ont mis pieds à terre, pour se masser les mollets et repartir aussitôt.
La boulangère s’empresse de remonter le loquet lorsqu’elle me voit arriver.
Elle a vendu tout son pain.
La Bourgogne ressemble soudain à un tableau d’Edward Hopper.
Lumineuse et vide.
Esthétiquement j’apprécie.
Mais j’ai faim. Et il y a des situations où ma préférence va plutôt à une tartine de rillettes de canard qu’à une œuvre d’art.
Justement c’est ce que propose « Le Caveau ».
Dégustation de vins, avec planches de fromages et de charcuteries.
C’est ouvert.
Le patron, le teint rubicond ( rouge Côte de Beaune ), se tient sur le perron.
Méfiant, il m’interroge :
« _ Vous n’êtes pas d’ici ?
_ Non. Parisien… On peut déjeuner ?
_ Je propose une dégustation de blancs de Bourgogne. Une à 20 euros, l’autre à 30 euros… A 30, on en met un peu plus dans le verre…
_ Le fromage et les rillettes, ça va avec ?
_ A partir du troisième verre…
_ Vous servez quoi comme vins de Bourgogne ?
_ Puligny-Montrachet, Chassagne-Montrachet et Meursault. »
Je tente le clin d’œil.
« Ah ! Ah ! Meursault, Albert Camus ! »
Mes références littéraires ont l’air de le laisser de marbre.
« _ Installez vous là, Monsieur, vous serez à l’ombre. Alors vous prenez quoi ?
_ Vous pourriez commencer par le troisième verre, le Meursault, avec le fromage et les rillettes.
_ On voit bien que vous n’êtes pas d’ici, Monsieur.
_ Ah bon. Pourquoi ?
_ On ne boit pas un Meursault avant un Puligny-Montrachet ! »
L’étranger.
© Daniel Sarfati