
L’affaire de la fresque d’Avignon illustre à nouveau à quel point une partie de l’opinion ne voit pas l’antisémitisme quand il est pourtant flagrant.
Fresque d’Avignon : pourquoi certains ne voient pas l’antisémitisme
Pour une part, on peut attribuer cette cécité à une réelle ignorance des références antisémites. C’est par exemple l’argument qu’avaient opposé les organisateurs du festival BIFFF en Belgique quand il avait été relevé que l’affiche de l’édition 2021 réunissait tous les poncifs de la caricature antisémite.
Si l’on peut comprendre que tout le monde n’ait pas une culture historique ou graphique, on pourrait l’attendre de la part d’éditeurs ou d’organisateurs d’événements culturels.
On trouve aussi quelques Messieurs Jourdain qui font de l’antisémitisme sans le savoir. Ils n’éprouvent aucune haine des Juifs, mais considèrent que les clichés sur la richesse, le pouvoir… sont fondés.
D’autres encore s’autorisent à utiliser des clichés antisémites pour dénoncer autre chose, comme si l’utilisation de ces références pouvait se détacher de leur thème premier. On se souviendra de la caricature publiée par LR sur le banquier Macron, que le candidat F. Fillon lui-même avait fait retirer.
Plus pernicieuse est l’ignorance feinte. Celui qui la pratique a les références, connaît les thèmes du marionettiste ou du maître du monde… mais feint de ne pas percevoir ce message dans l’illustration.
En général, leur argument est qu’il n’y a pas de message explicite tel que le mot « Juif » écrit en toutes lettres ou d’étoile de David. Comme pour l’antisémitisme de JL. Mélenchon (voir le lien de notre articleen bas de page), il s’agit là du « syndrome de Jacques-a-dit » : tant qu’on n’a pas dit « Je suis antisémite », alors on ne l’est pas.
La mairie d’Avignon n’avait-elle pas refusé de recouvrir la fresque en renvoyant sa teneur antisémite à une question d’interprétation ? C’est d’ailleurs sur cette mécanique que repose l’absolution de l’antisionisme : quand des Gilets Jaunes agressent A. Finkielkraut dans la rue avec des « Espèce de sioniste », « Rentre chez toi en Israël », « Sale race »… il en est encore pour ne pas voir d’antisémitisme mais de l’antisionisme.
Cet aveuglement volontaire est bien pratique quand on a pour agenda de flirter avec des mouvements antisémites. Cela permet sans gêne de réclamer la libération de Georges Ibrahim Abdallah, ou de recevoir J. Corbyn comme soutien.
Cela permet aussi de nier que les Juifs sont particulièrement visés (20 morts parce que juifs depuis 2003, plus de 40% des agressions racistes pour moins de 1% de la population…), et donc de ne pas considérer leur cause.
Il semble donc urgent de redonner des références à des citoyens qui en manquent, d’autant que les auteurs de ces caricatures les maîtrisent, eux, parfaitement.
On les compte systématiquement parmi les sympathisants extrémistes (droite et gauche), ou parmi les sphères Gilets Jaunes et complotistes, comme Letko, l’auteur de la fresque d’Avignon.
Des images didactiques sur le décodage de l’antisémitisme dans la caricature sont consultables sur la page Facebook de La Cheuille de Fou.
© Mariane Riss et Fabrice Nordmann
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La Cheuille de Fou: Sur cette page, nous essayons de mieux comprendre l’actualité en rappelant les faits et en les mettant en perspective.