Marc Rameaux. L’honneur d’un capitaine et celui d’un candidat

De toutes les déclarations provocantes d’Eric Zemmour, celle de son avis sur l’Affaire Dreyfus est certainement la plus choquante. Pour le chef de file de Reconquête!, le doute subsiste sur la culpabilité ou l’innocence de Dreyfus. « On ne saura jamais » conclut-il. La vérité se serait perdue selon lui dans le bruit et la fureur des 12 ans de l’Affaire, de 1894 à 1906. La passion et la violence des arguments échangés auraient occulté les éléments objectifs de preuve, dans un sens comme dans l’autre.

Cet avis est sans doute celui qui a provoqué le plus de critiques lapidaires. L’innocence de Dreyfus est en France comme celle de l’agneau Pascal : elle touche au sacré. L’Affaire qui a fracturé la France en deux pendant 12 ans et même au-delà ne finit pas de faire retentir son écho. S’attaquer à l’image iconique de Dreyfus comme représentant de l’innocence bafouée puis retrouvée de haute lutte, c’est remettre en question un épisode fondateur de notre conscience en tant que nation, pas seulement contester un point d’histoire. Zemmour sur ce sujet comme sur d’autres, ne craint pas de franchir des lignes à très haut risque.

Je suis membre de Reconquête! depuis quelques mois. Mais je n’aurais jamais pu le devenir si je n’avais auparavant tiré au clair ce qui résidait dans le fond de la pensée de Zemmour. Longtemps je ne voulais pas même entendre parler de lui à cause de ce seul point.

Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, cet article va établir de façon certaine l’innocence de Dreyfus, donc contredire totalement l’avis de Zemmour, mais montrer pourquoi le jugement de celui-ci est la preuve d’une véritable honnêteté intellectuelle et d’un grand souci de la vérité. L’avis de Zemmour est faux, mais l’argument qui permet de le réfuter est non seulement inconnu du grand public mais de la plupart des historiens. Aussi, Zemmour s’est exprimé relativement aux informations dont il dispose, plutôt que d’accepter sans plus d’explications l’avis majoritaire.

L’essentiel de l’argumentaire sera le suivant : le récit chronologique de l’Affaire, même dans ses moindres détails et même construit par la plupart des historiens sérieux, ne permet pas de conclure de façon certaine à l’innocence ou à la culpabilité. L’information mise à disposition du grand public, même éclairé et scrutant le récit historique au niveau d’un historien professionnel, ne permet pas – si l’on est parfaitement honnête intellectuellement – de statuer.

Il existe bel et bien un argument décisif de l’innocence de Dreyfus, qui démolit totalement les éléments qui semblaient les plus solides de l’accusation. Mais cet argument n’est jamais relaté sauf à l’état d’allusion, même dans les récits d’historiens chevronnés. Pourtant cet argument décisif est celui qui a pesé invinciblement dans la décision de 1906. S’il n’apparaît quasiment jamais, c’est parce qu’il relève d’un domaine des connaissances qui n’est plus d’ordre historique. Et si je me permets d’écrire un tel article, c’est parce que je maîtrise cette connaissance. N’y voyez là aucun orgueil, mais un point factuel : ma formation et mon métier me permettent de comprendre et exposer cet argument, non parce que je me considérerais comme supérieur à des historiens de profession.

Je dois faire deux avertissements avant de commencer ce texte :

  1. Je suppose connus du lecteur les principales étapes de l’Affaire et les points clés du récit chronologique. Je ne peux évidemment rappeler tous ses épisodes et rebondissements, ce serait le démarrage d’une thèse ou d’au moins un essai. Les trois temps forts du jugement initial de 1894, de celui de cassation à Rennes en 1899 et du définitif de 1906 qui prononce l’innocence du capitaine, sont considérés comme connus. De même, les pièces à conviction, authentiques ou fabriquées, le fameux bordereau d’accusation, le « petit bleu » repéré par le colonel Piquart et le « faux Henry » sont réputés être présents à l’esprit du lecteur. La culpabilité et la poursuite d’Esterhazy, ainsi que l’aveu de la paternité du bordereau de sa main sont considérées comme sues. Les épisodes les plus spectaculaires, l’obstination magnifique de Picquart, le suicide du lieutenant-colonel Henry et l’explosif « J’accuse » de Zola doivent être présents à l’esprit. Le seul point historique que je détaillerai dans cet article plus qu’il ne l’est dans la plupart des récits, est l’expertise graphologique menée par Bertillon et la thèse de « l’autoforgerie » par Dreyfus, car c’est précisément le noyau de ce dont il va être question. Pour le lecteur ne possédant pas ces détails, la fiche Wikipédia de l’Affaire est déjà très correctement renseignée et renvoie vers des ouvrages historiques qui satisferont celui qui souhaite aller dans le détail. L’excellent film de Polanski permet également de prendre connaissance de tous ces points clés.
  • Je demande au lecteur d’aller au-delà de la réponse commune « l’innocence de Dreyfus a été prouvée et reconnue par la très grande majorité des historiens ». Cette paresse intellectuelle est la version haut de gamme de « Je l’ai vu à la télé ! ». Elle est le fait des « officialistes », cette version en miroir des complotistes, qui croient autant sans question aux versions officielles que le complotiste les accuse de tout : par automatisme pavlovien et par confort a posteriori, des décennies plus tard, d’être du bon côté du manche. L’innocence de Dreyfus mérite une toute autre exigence. Beaucoup trop d’historiens considèrent que les preuves de culpabilité d’Esterhazy, la fabrication du faux Henry ou la conduite inique des instructions de 1894 et 1899 innocentent automatiquement Dreyfus. Or, si elles rendent l’accusation hautement antipathique et répugnante, elles ne constituent pas une preuve, même concernant l’expertise et contre-expertise de la paternité du bordereau par Esterhazy ou Dreyfus. Un sentiment d’antipathie n’a rien à voir avec ce qu’est une preuve, au sens le plus strict du terme. Le récit historique mélange trop souvent des arguments politiques ou passionnels à la stricte analyse des preuves. Il est vrai que l’Affaire s’y prête : ses rebondissements rocambolesques sont matière à roman et aux sauts de l’émotion. Mais pour la dignité de la preuve et celle du capitaine, il faut justement que ces aspects littéraires et romanesques soient totalement évacués.

Je vais donc volontairement dérouler certains arguments de l’accusation, qui ne sont pas les miens, mais afin de plonger le lecteur dans l’expérience mentale d’y être confronté comme s’il se trouvait entre 1894 et 1906. Je connais par avance la réfutation des arguments de l’accusation que je vais moi-même avancer et pourquoi ils sont faux. Mais il est indispensable d’en redérouler la chronologie pour comprendre pourquoi il a été si difficile de les contrer et quelles sont les lacunes qu’il faut combler pour s’affranchir de tout doute.

Je ne répondrai pas à la médiocrité – ou malhonnêteté intellectuelle – de ceux qui n’auront lu que le premier quart du texte en s’écriant « c’est faux », sans avoir lu le reste pour comprendre pourquoi et à quel endroit, ni de ceux qui voudront faire croire qu’il s’agit de mes arguments alors que je les expose pour mieux les mettre à bas par la suite.

Très peu d’historiens savent qu’en 1904, le camp de l’accusation avait lancé une offensive très sérieuse et étayée, en préparation de la commission de révision de 1906. Il est donc historiquement faux, et le présent article en produira les pièces, de prétendre que l’innocence de Dreyfus était acquise dès le jugement de cassation de 1899, y compris avec des connaissances historiques moyennes. C’est cette dernière tentative de l’accusation en 1904 qui leur sera fatale, car elle se retournera contre eux avec des arguments décisifs, ceux qui échappent à la plupart des historiens comme à Eric Zemmour.

Mais préférer garder un doute parce que l’on n’a pas saisi tout le fil des arguments démontre une bien plus grande honnêteté que de croire en l’innocence parce qu’il s’agit d’une simple guerre de camps et d’antipathies. Les historiens les plus sagaces savent que beaucoup n’ont fini par gagner la défense de Dreyfus que lorsqu’ils ont été convaincus qu’elle pourrait servir l’intérêt de luttes politiques telles que celle entre droite et gauche, non par souci de vérité ou de défense de l’innocence d’un homme. Clémenceau fut horrifié de constater que très peu avaient compris l’enjeu véritable de l’Affaire : non une lutte de clans, mais avant tout l’innocence ou la culpabilité d’un homme, c’est-à-dire un attachement inaliénable à la vérité juridique comme fondement de notre monde civilisé.

Les coïncidences accablantes du système Bertillon

19 décembre 1894, le premier procès de Dreyfus est ouvert. Alphonse Bertillon, chef du laboratoire de police d’identification et créateur de l’anthropométrie judiciaire, technique qui a remporté de grands succès dans l’arrestation de criminels, expose les raisons de la culpabilité de Dreyfus. Bertillon est présenté à la cour comme un savant de première importance. Il est auréolé de plusieurs dizaines d’arrestations sur preuves anthropométriques, dans des situations ou l’identification du coupable était très difficile. Les techniques de Bertillon sont les prémices de la police scientifique. Son prestige en tant qu’expert est très important. Sa démonstration de la culpabilité de Dreyfus est complexe mais brillante et fait forte impression auprès du tribunal. Elle pèsera lourd dans le premier jugement de 1894.

Bertillon ne prétend pas que l’écriture du bordereau et celle de Dreyfus sont identiques, elles sont seulement assez ressemblantes, mais pas suffisamment pour permettre une suspicion. En revanche, il relève une série d’extraordinaires coïncidences montrant que Dreyfus était bel et bien l’auteur du bordereau, par un mélange de son écriture avec celle de son frère Mathieu. Le bordereau était rédigé sur du papier pelure, presque transparent, usage très inhabituel qui suggérait qu’il pouvait être employé comme calque. Certains mots répétés sur le texte du bordereau pouvaient être superposés mais selon une étrange loi : en respectant un recul de 1,25 mm ou un multiple de cette valeur.

Cette métrique était bien connue des officiers, car elle correspondait au kutch, une règle servant à convertir les échelles sur les cartes géographiques militaires. Ceci rendait très probante l’idée d’une fabrication de toutes pièces du bordereau employé comme un calque, mais pas à l’encontre de Dreyfus, de nombreux officiers sachant maîtriser le kutch. En revanche, des lettres du frère de Dreyfus furent saisies dans un buvard. Ces lettres étaient sur des sujets anodins et non directement militaires mais possédaient la particularité de répéter plusieurs fois un même mot à la suite, notamment le mot « intérêt », avec non seulement des décalages correspondant à des multiples kutchiques mais se superposant parfaitement avec le même mot ou partie de mot sur le bordereau.

En définitive, Bertillon montra que le bordereau obéissait à des régularités géométriques comme si ses lettres avaient été formées en suivant un quadrillage invisible mais d’une métrique exactement égale à celle du kutch, régularités totalement impossibles dans une écriture naturelle. Le bordereau était donc un document fabriqué artificiellement. Lorsque l’on appliquait un mélange de l’écriture naturelle de Dreyfus et de celle de son frère, en se servant comme gabarit de séries de mots répétés dans le buvard de son frère et selon exactement les multiples kutchiques, l’on retombait exactement sur l’écriture du bordereau !

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La chaîne de trois fois le mot « intérêt » retrouvée dans le buvard du frère de Dreyfus, superposée au mot « intérêt » du bordereau copié trois fois à la suite et leur identité de superposition au décalage près de la mesure du kutch.

Le raisonnement de Bertillon est complexe mais semble implacable. S’il a fallu chercher loin pour retrouver ces étranges régularités géométriques dans le bordereau, celles-ci existent et ne peuvent être le fruit du hasard. Qui plus est, les mots répétés du buvard sans aucune raison autre que de servir de gabarit et leur coïncidence exacte avec le bordereau selon les décalages strictement égaux au kutch montrent que c’est bien l’écriture du frère de Dreyfus ajoutée à l’écriture naturelle de celui-ci qui a permis de produire le document. Bertillon s’appuie même sur le calcul des probabilités pour objectiver son raisonnement : une coïncidence relevée aurait pu être le fruit du hasard, mais quatre de suite non. En évaluant à 0,2 la probabilité d’une coïncidence, les quatre coïncidences relevées sur un seul mot ne peuvent être dues au hasard qu’à une probabilité de 0,0016 ! Et encore ne s’agit-il que de celles relevées sur un mot, mais plusieurs le furent. En 1894, la démonstration de Bertillon fut considérée comme une certitude accablante pour Dreyfus, et personne ne doutait alors de sa trahison.

Je précise encore une fois aux quelques personnes qui connaissent le fin mot de cette affaire, que ce que j’expose n’est pas mon raisonnement mais celui présenté par Bertillon et par de puissantes aides scientifiques dont il disposera par la suite. Il est facile de juger de ces questions a posteriori lorsqu’on les connaît, mais telles qu’elles furent présentées aux trois tribunaux, il était très difficile à l’époque de les réfuter.

Le « système Bertillon » fut étayé et enrichi en permanence dans le procès de 1899 et en 1904, afin d’infléchir la cour qui devait se réunir en 1906. En 1899, Bertillon fit même la démonstration qu’il pouvait reconstituer le bordereau à partir de l’écriture de Dreyfus, de celle de son frère, d’une règle et d’une pièce de monnaie. La construction géométrique semblait d’une rigueur toute mathématique et le fait que l’écriture naturelle de Dreyfus augmentée de gabarits tirés des buvards de son frère selon des régularités correspondant exactement au kutch retombait précisément sur l’écriture du bordereau, semblait accablante pour Dreyfus.

En 1904, la scientificité de la démonstration de Bertillon fut même confirmée par le commandant Charles Corps, le capitaine Valério et un auteur anonyme tous trois polytechniciens ! Ces trois auteurs publièrent un rapport sous le nom de « brochure verte », systématisant les repérages et calculs de coïncidences effectués par Bertillon :

Un extrait de la « brochure verte, rédigée par trois polytechniciens, confirmant le caractère scientifique de la méthode Bertillon accusant Dreyfus.

Il faut tout de suite signaler que d’autres scientifiques non moins renommés avaient mis en doute la méthode de Bertillon dès 1898, notamment le mathématicien Paul Painlevé. Mais à cette période, les discussions faisaient rage, jusqu’en 1904. C’est sans doute ce point qui explique le jugement de Zemmour : qui croire, lorsque des autorités scientifiques se déchirent sur la véracité d’une méthode ?

L’Affaire, une question de police scientifique ou une enquête policière classique ?

Certains répliqueront qu’il n’est pas besoin de rentrer dans de tels débats d’experts. D’autres « preuves » de l’innocence de Dreyfus existaient dès 1899, sans avoir à rentrer dans des questions de police scientifique :

  1. Tout d’abord, la culpabilité d’Esterhazy, la ressemblance considérable entre son écriture et celle du bordereau, enfin bien sûr l’aveu qu’Esterhazy fit de lui-même en reconnaissant qu’il en était l’auteur, depuis son exil en Angleterre.
  • L’autre preuve est la production du « faux Henry » : lorsque l’accusation produit un document de toutes pièces et se trouve démasquée, sa parole se trouve définitivement discréditée.

J’en suis navré pour les défenseurs de Dreyfus (dont je suis), mais ces deux éléments ne constituent nullement une preuve. Concernant la très forte ressemblance entre l’écriture d’Esterhazy et celle du bordereau, ressemblance que Bertillon lui-même admettra, il faut signaler qu’une analyse graphologique de ressemblance reste subjective, qu’elle peut concerner plusieurs individus et non un seul et qu’elle ne repose pas sur des bases parfaitement scientifiques. Et il y a plus accablant en termes de preuve qu’une ressemblance, c’est celle d’une fabrication selon des motifs parfaitement géométriques : dans le premier cas il y a encore un doute, dans le deuxième, la preuve du travail d’un faussaire est beaucoup plus sûre que celle du coupable imprudent qui n’a pas pris la peine de maquiller son forfait.

Lorsque la logique d’une fausse fabrication est démasquée, expliquée et reproduite, son caractère de certitude est bien plus fort que celui d’une analogie, même proche. Quant aux aveux d’Esterhazy, tout juriste débutant sait qu’un aveu n’a jamais constitué une preuve et de nombreux cas ont fait jurisprudence à ce sujet. Esterhazy était comme Dreyfus soumis à d’énormes pressions. En fuite en Angleterre, savoir si son aveu était une marque de sa culpabilité ou de nerfs qui cédaient était encore discutable.

Concernant le faux Henry, la seule chose qu’il prouve est la malhonnêteté du camp de l’accusation qui a cherché à « forcer la décision » en produisant un faux devant un tribunal. C’est évidemment totalement condamnable (et puni de manière pénale), mais cela ne prouvait que devant des débats qui s’envenimaient, mettant en question des facteurs totalement subjectifs, l’accusation perdait ses nerfs et tentait d’infléchir artificiellement la décision. Cela ne tranche malheureusement pas la question de la preuve d’innocence ou de culpabilité : l’emploi de procédés détestables par l’accusation est une chose indépendante de la véracité ou non de cette accusation. Il faut encore une fois pour la dignité de la chose jugée, écarter tout argument passionnel ou subjectif.

L’offensive de police scientifique de 1904 par l’accusation

Comme il a été montré plus haut, l’accusation n’avait rien perdu de sa vigueur en 1904 et semait encore largement le doute. Le système Bertillon était appuyé par trois polytechniciens, y compris dans le calcul des occurrences et des probabilités. Corps et Valério n’étaient ni des fous ni des imbéciles. Leur argumentation était simple : ils reconnaissaient que le faux Henry était une manœuvre stupide et condamnable, qu’Esterhazy était probablement un individu louche, mais la culpabilité d’Esterhazy n’entraînait pas automatiquement l’innocence de Dreyfus : il pouvait y avoir deux traitres au lieu d’un !

Et quels que soient ces arguments, Corps et Valério faisaient remarquer qu’ils n’expliquaient en rien les coïncidences incroyables relevées par Bertillon, ni la démonstration implacable que l’on pouvait refabriquer le bordereau à partir de l’écriture naturelle de Dreyfus et de gabarits du buvard de son frère, comme par hasard avec une régularité géométrique, celle du kutch !

L’accusation se retranchait ainsi dans le système Bertillon comme dans une forteresse. Les dreyfusards n’avaient toujours pas expliqué ce fait qui était scientifique et accablant pour Dreyfus. Que les aspects passionnels de l’Affaire aient envenimé les débats et que l’accusation en porte la responsabilité, Corps et Valério le reconnaissaient volontiers. Mais ils replaçaient l’Affaire sur un terrain objectif, sur lequel ils présentaient leur travail comme totalement neutre sur le plan méthodologique, et toujours très troublant à l’encontre du capitaine Dreyfus.

Nous avons signalé que d’autres mathématiciens contestaient les raisonnements de la « brochure verte ». Mais alors qui croire ? C’est ici qu’un « trou » historique existe entre 1904 et 1906. L’Affaire revenait à une question de police scientifique et c’est ne rien comprendre à elle que de l’ignorer. Entre les débats encore acharnés de 1904 sur la véracité de l’accusation et la conclusion de 1906 qui considère le dossier d’accusation totalement vide, que s’est-il passé ? Si rien de décisif n’existe entre 1904 et 1906, alors il faut conclure que le jugement de 1906 ne serait qu’au bénéfice du doute. Une simple présomption ou la balance aurait plutôt penché contre Esterhazy et pour Dreyfus, mais à des fins d’apaisement d’une société française déchirée jusqu’au sang, c’est-à-dire exactement pour les mêmes mauvaises raisons qui avaient conduit en 1898 à ne pas rouvrir le dossier et à garder Dreyfus coupable.

Dans la plupart des récits historiques, rien n’explique le revirement complet et le caractère de certitude du jugement de 1906. Zemmour est donc parfaitement honnête en disant qu’il n’a pas compris après de tels débats acharnés, comment il y est mis fin de façon certaine. Il ne faut pas se contenter de bienséance sociale, de combats idéologiques et de la paresse qui des décennies plus tard, font passer pour de l’humanisme ce qui est le désir social et opportuniste d’être du bon côté. Il ne faut pas que Dreyfus soit acquitté au bénéfice du doute, mais que son accusation soit réduite en cendres.

La destruction totale du « système Bertillon » eut bien lieu. Le commandant Charles Corps commit une erreur qui allait s’avérer fatale à son camp.

En tant que polytechnicien, Charles Corps avait connu un camarade de promotion qui était devenu un mathématicien professionnel. Pas n’importe quel mathématicien. Pas un polytechnicien parmi d’autres de sa promotion. Celui-ci était considéré comme le meilleur mathématicien français de cette époque et l’un des meilleurs mathématiciens au monde. Il est reconnu de nos jours comme l’un des plus grands mathématiciens de tous les temps.

Corps fit l’erreur de faire courir la rumeur que ce camarade de promotion approuvait son travail, qu’il confirmait le caractère scientifique du système Bertillon accablant Dreyfus. Espérait-il que la solidarité de promotion l’emporterait ? C’était mal connaître son camarade. Corps venait d’armer contre le camp des anti-dreyfusards – contre son propre camp – la plus puissante machine de guerre scientifique de son époque : Henri Poincaré.

Le réveil du Grizzly des mathématiques et le massacre de Bertillon

Henri Poincaré

Corps aurait dû faire preuve de bien plus de prudence en tentant de rallier à lui de manière forcée son prestigieux camarade. Il aurait notamment dû vérifier les avis précédents de Poincaré sur le système Bertillon.

Dès 1899, Poincaré avait écrit une lettre qui relevait une faute de raisonnement élémentaire dès les premières lignes du calcul de Bertillon : « Sur 13 mots redoublés correspondant à 26 coïncidences possibles, l’auteur constate 4 coïncidences réalisées. Évaluant à 0,2 la probabilité d’une coïncidence isolée, il conclut que celle de la réunion de 4 coïncidences est de 0,0016. C’est faux. 0,0016, c’est la probabilité pour qu’il y ait 4 coïncidences sur 4. Celle pour qu’il y en ait 4 sur 26 est 400 fois plus grande, soit 0,7. Cette erreur colossale rend suspect tout ce qui suit. »

Ceci ne mettait pas totalement à bas le raisonnement de Bertillon, car d’autres multiples coïncidences en dehors de ces 4 avaient été relevées. En revanche, non seulement le taux de probabilité d’une falsification devenait bien moins sûr, mais surtout comme l’écrit Poincaré le sérieux scientifique du reste pouvait être fortement mis en doute, si l’auteur commettait une erreur de débutant dès les premières lignes.

Il n’est pas prouvé que c’est Corps qui fit courir la rumeur d’un ralliement de Poincaré aux thèses bertillonesques en 1903. Mais cela est très probable, car il y eut bien échange de lettres au noël 1903 entre les deux anciens camarades de promotion de l’X : C’est bien à Corps que Poincaré répondait pour lui signifier qu’il n’était en rien convaincu du raisonnement de Bertillon.

Dès lors, la dernière manœuvre de l’accusation allait leur revenir en pleine figure. Poincaré avait émis un avis en 1899, mais s’était tenu assez loin des débats de l’Affaire. Il doutait du système Bertillon, mais ne s’était pas penché encore en détail sur sa mécanique. Poincaré était avant tout un scientifique et les débats passionnels qui entouraient l’Affaire n’étaient pas son univers, il se sentait étranger à ces débordements de passions teintées d’engagements personnels et idéologiques. Qui plus est, Poincaré était l’une de ces personnalités courantes chez les très grands mathématiciens, d’un caractère taciturne à la limite de l’asocial : un ours.

Corps fit l’erreur fatale de ramener le débat de l’affaire sur le terrain purement scientifique et mathématique et de vouloir y entrainer de manière forcée son ancien condisciple. Autant Poincaré était asocial dans le monde courant, autant dans cet univers il était un seigneur considérant le domaine mathématique comme une terre sacrée. Poincaré ressentit un très fort agacement d’être entraîné contre son gré en instrumentant sa réputation scientifique.

En avril 1904, Painlevé qui était un bon mathématicien mais engagé dès le début pour Dreyfus et pouvait pour cette raison paraître partial, pria Poincaré de lui apporter son soutien. Poincaré alla très au-delà de cette requête, car il prit la tête d’une commission de trois mathématiciens (Poincaré, Darboux, Appell) chargée officiellement de passer au crible le système Bertillon. Les anti-dreyfusards avaient commis l’erreur de réveiller l’ours et de le mettre en colère. S’engager en controverse avec Poincaré sur un terrain scientifique revenait à tenter de lutter à mains nues contre un grizzly. Et le grizzly les mit en pièces. Dans la commission d’étude de 1904, Poincaré n’allait plus se contenter d’émettre un avis extérieur sur le travail de Bertillon. Il allait mobiliser toute sa puissance intellectuelle pour le sonder dans ses moindres détails.

Des petits quadrillages du bureaucrate au chaos mathématique

Disons-le donc d’emblée : après le passage de Poincaré, il ne reste plus rien du système Bertillon. Celui-ci fait maintenant partie des curiosités pseudo-scientifiques au même titre que les machines à mouvement perpétuel ou les démonstrations de la quadrature du cercle. L’œuvre chimérique d’un autodidacte farfelu, totalement dépassé par les notions qu’il tentait de convoquer pour sa « démonstration ».

Pour être tout à fait juste vis-à-vis de Bertillon, il faut préciser deux choses.

  • En premier lieu, Bertillon n’était pas une nullité complète sur le plan méthodologique. Il a réellement développé les premières techniques d’anthropométrie et de relevés d’empreintes digitales jetant les bases de la police scientifique et élucidé plusieurs dizaines d’affaires à l’aide de ces techniques. Simplement, il maîtrisait ces méthodes tant qu’elles restaient dans le cadre étroit de mesures en nombre restreint, avec des intervalles de comparaison facilement distinguables. Mesurer quelques données anthropométriques avec un pied à coulisse sur une dizaine d’individus déjà triés par des données d’enquête policière restait dans son cadre de compétence. Le monde de Bertillon était celui de données facilement mesurables, de sages quadrillages aux lignes fixes et simples sur lesquelles les différences pouvaient être facilement dénotées. Bertillon pouvait rendre un honorable devoir de technologie du niveau d’un lycéen. Il n’avait aucune idée des questions scientifiques qu’il soulevait par sa fausse démonstration et des véritables conclusions que l’on pouvait en tirer si elle avait été menée rigoureusement. Il fallait pour cela des compétences dépassant largement les siennes, mais même celles d’un polytechnicien standard en 1904.
  • En second lieu, la démolition du système Bertillon n’était pas un travail si simple. Si Poincaré repéra tout de suite les erreurs grossières de calculs de probabilité commises dès le départ, celles-ci n’étaient pas suffisantes pour détruire tout le système, particulièrement après les révisions et améliorations de Corps et Valério, ses condisciples de l’X. Nous allons le voir à présent, comprendre le noyau scientifique au cœur de l’Affaire nécessite l’emploi de notions mathématiques d’assez haut niveau, et quasi inaccessibles en 1904 tout simplement parce qu’elles n’existaient pas encore ou à l’état embryonnaire : topologie, traitement du signal, théorie de l’information et du bruit, calcul de probabilité sur des espaces continus, statistiques bayésiennes. Seul un cerveau du calibre de Poincaré pouvait comprendre quelle boîte de Pandore Bertillon avait ouverte sans même en avoir conscience, parce qu’il possédait déjà les prémices de ces notions mathématiques, étant d’ailleurs considéré comme l’un des pères fondateurs de certaines d’entre elles.

Rassurez-vous, nous ne rentrerons pas dans des explications mathématiques poussées pour faire comprendre la réfutation de Poincaré. Nous allons simplement en dégager les idées maîtresses qui sont suffisantes pour comprendre son raisonnement. Et surtout, certains domaines modernes connus du grand public et totalement absents en 1904 permettent de bien mieux faire comprendre ce qu’a fait Bertillon et en quoi cela n’a aucun caractère de preuve.

En premier lieu, Poincaré attaqua immédiatement le raisonnement de Bertillon sur un faille simple, qui elle ne nécessite pas de fortes notions mathématiques : le caractère régulier et répétitif des coïncidences d’écriture observées.

Je m’appuie à présent sur ([1]), article remarquable du CNRS auquel le lecteur pourra se référer. Je place entre guillemets et italique les passages de cet article :

« Les travaux de Bertillon sur le bordereau avaient été menés à partir de reproductions photographiques. Ne disposant du document original que pour quelques heures, il avait d’abord fait procéder à des agrandissements du bordereau, clichés sur lesquels on voyait apparaître les filigranes du papier sous la forme de traits de quatre à cinq millimètres d’épaisseur. Sur une planche à dessin avait ensuite été tracée une série de droites découpant la surface en carrés de quatre centimètres de côté. Tout le travail de Bertillon et de ses assistants consista alors à tenter de superposer les carrés du filigrane sur les carrés de la planche à dessin, tâche extrêmement difficile. Le document ainsi obtenu lui paraissant peu lisible. Il tenta ensuite – par le biais d’agrandissements, de calquages et même de gouachages – d’obtenir une copie correcte du bordereau qu’il réduisit de 2,5. »

 « Devant un tel travail, les trois experts mathématiciens pouvaient difficilement éluder une question essentielle : à quelles conditions pouvait-on espérer obtenir une copie exacte du bordereau à partir de telles méthodes ? Il aurait fallu que les filigranes du papier soient rectilignes ; Il aurait fallu de plus qu’ils soient rigoureusement parallèles, perpendiculaires et équidistants entre eux ; Il aurait fallu que l’équidistance soit d’exactement quatre millimètres. En d’autres termes, il aurait fallu que le bordereau présente toutes les caractéristiques d’une figure géométrique idéale. Tout se passait comme si Bertillon avait pris comme instrument de mesure, non pas un mètre, mais tout simplement le filigrane du papier. Pouvait-on se fier à un tel instrument ? »

« La commission présidée par Poincaré mobilisa un macro-micromètre de l’observatoire de Paris, utilisé habituellement pour les mesures de plaques photographiques de l’Atlas du ciel et confia aux astronomes un morceau détaché du bordereau ne comportant aucune altération (déchirure ou pli). Les résultats des mesures furent édifiants : sur une même rangée du filigrane, les dimensions des carrés variaient dans des proportions très importantes : »

Mesures effectuées à l’aide du macro-micromètre de l’observatoire de Paris

Bertillon avait commis une erreur élémentaire cette fois non plus de mathématicien mais de physicien. Tous ses raisonnements se fondaient sur des instruments de mesure dont la précision était largement insuffisante vis-à-vis des variations qu’il prétendait observer. L’on sait qu’en métrologie, si l’incertitude de l’instrument de mesure est du même ordre que les variations du phénomène que l’on doit observer, la mesure ne vaut rien. Il faut que le degré de précision de l’instrument de mesure soit négligeable vis-à-vis des variations à observer pour que les mesures représentent quelque chose.

Les mesures menées avec cette fois un bon outil, le macro-micromètre, démolissent le caractère rectiligne des filigranes du bordereau. Bertillon avait complètement omis que le grain du papier n’était nullement un sage quadrillage.

Mesurer une écriture manuscrite par rapport à cette métrique totalement irrégulière n’a dès lors plus de sens, c’est comme prendre les mesures d’une pièce avec un mètre dont les graduations ne cessent de changer à chaque nouvelle mesure !

Une dernière tentative de sauvegarder le système de Bertillon serait d’admettre ce grave coup porté à sa méthodologie, mais de dire que ces défauts finiraient par être statistiquement lissés par le grand nombre de coïncidences observées. Sur un grand nombre d’entre elles, il en resterait un nombre suffisant pour lesquelles les variations du filigrane ne seraient pas trop importantes.

Pour achever définitivement le système Bertillon, il faut comprendre le cœur de l’argumentation de Poincaré. La faille principale porte sur le nombre de possibilités sur lesquelles Bertillon mène des calculs statistiques, ce que l’on nomme en probabilités « l’univers des possibles ». L’on peut effectuer des statistiques sur un jet de dé, parce que l’univers des possibles se limite à l’une des 6 faces. Dès lors que Poincaré fit la preuve que le filigrane du bordereau était totalement irrégulier, l’univers des combinaisons sur lequel Bertillon prétend travailler devient innombrable. Bertillon a effectué des calculs de statistiques en comparant des occurrences discrètes en nombre séparé à ce qui se révèle être un signal analogique continu. Dès lors, il est possible de démontrer absolument n’importe quoi.

L’on peut effectuer des calculs de probabilité entre des occurrences discrètes par rapport à un univers de combinaison possibles lui-même discret et en nombre fini. On peut aussi le faire entre des segments continus par rapport à un ensemble lui-même continu, mais c’est déjà là un exercice de haute volée, non seulement très au-delà des capacités de Bertillon mais faisant appel à des notions mathématiques à peine naissantes en 1904. Mélanger la mesure d’occurrences discrètes en nombre limité par rapport à un espace continu ou quasi continu dans un nombre de combinaisons gigantesques si l’on applique une métrique rigoureuse, n’a aucun sens et permet de trouver des « coïncidences » partout.

Dans sa lettre de 1899, Poincaré note déjà (je cite ici l’article du CNRS) :

« Outre les quatre coïncidences précitées, on en signale un grand nombre de nature différente, mettons dix mille ; mais il faudrait comparer ce nombre à celui des coïncidences possibles, c’est-à-dire de celles que l’auteur aurait compté à son actif s’il les avait constatées. S’il y a 1000 lettres dans le bordereau, cela fait 999000 nombres, en comptant les différences des abscisses et celles des ordonnées. La probabilité pour que sur 999000 nombres il y en ait 10000 qui aient pu paraître “remarquables” à un chercheur aussi attentif que M. Bertillon, c’est presque la certitude. »

Poincaré eut donc l’intuition très tôt que la faille principale du système Bertillon résidait sur une sous-évaluation gigantesque des combinaisons possibles par rapport auxquelles il évaluait ses « coïncidences ». Ce que Bertillon considérait comme une sage métrique était en réalité un chaos analogique, lorsque le degré de précision de l’observation était suffisamment rigoureux pour commencer à raisonner de manière valide. Dans un panier de combinaisons innombrables, il est très facile de puiser des « coïncidences » qui n’en sont en fait pas.

Sans en avoir la moindre idée, Bertillon avait réveillé la complexité de ce qu’est l’analyse d’une écriture manuscrite : vus de loin, des traits peuvent paraître ressemblant et réguliers, tout comme les vagues de la mer semblent toutes se ressembler, ou les sculptures naturelles de la roche dans les volutes minérales de Brice canyon. Avec un agrandissement suffisant, les structures topologiques peuvent être de natures radicalement différentes : les combinaisons de formes deviennent innombrables.

La reconnaissance de l’écriture manuscrite nécessite des classificateurs non linéaires très complexes, que nous ne possédons maintenant que grâce à l’IA et au machine learning par réseaux de neurones. Si l’Affaire a donné lieu à des débats d’experts acharnés pendant aussi longtemps, c’est parce que son nœud gordien scientifique résidait dans ces notions, dont seul un esprit de l’envergure de Poincaré pouvait prendre la mesure en 1904. Poincaré démolit également l’une des premières utilisations de la formule de Bayes faite dans les travaux de Bertillon et reprise dans la « brochure verte », avec des arguments similaires : la formule de Bayes ne s’applique qu’avec une connaissance des probabilités a priori dont Bertillon sous-estime la combinatoire explosive.

Si ces notions paraissent trop complexes et mathématiques au lecteur, il y a un moyen simple et beaucoup plus intuitif de faire comprendre l’erreur de Bertillon. Dans notre monde digital moderne, nous avons tous vu des exemples de morphing, ces transformations continues d’une image dans une autre donnant lieu à des divertissements numériques :

Bertillon, sans qu’il en ait la moindre conscience, a réalisé sur l’écriture de Dreyfus le premier morphing de l’histoire. Sa reconstruction du bordereau à partir de l’écriture de Dreyfus et de l’écriture de son frère comme éléments de gabarit est tout à fait valide. Le problème est qu’il aurait pu réaliser une telle « reconstruction » à partir de l’écriture de millions de quidams et en se servant comme gabarit de l’écriture d’autres millions de quidams pour retomber sur le bordereau !

Aux niveaux de précision totalement insuffisants et à l’œil nu, la « démonstration » à la règle et à la pièce de monnaie de 1899 par Bertillon aurait fonctionné avec n’importe quelle paire de deux écritures si la première n’était pas trop éloignée du bordereau. Avec le « système Bertillon », l’on aurait facilement « démontré » que la moitié de tout le corps des officiers de l’armée française était composée de traîtres ayant fabriqué l’écriture du bordereau en se servant comme gabarit de l’écriture de l’autre moitié des officiers ! Dans la gigantesque combinatoire des images du morphing, la seule chose que l’on peut prouver est que l’on peut transformer n’importe quel portrait en n’importe quel autre portrait à l’aide de milliers de petites modifications successives. De caractère non linéaire, ce que Bertillon était incapable de comprendre.

Je termine l’exposé de la démolition de Bertillon par les derniers contre-arguments qui pourraient venir à l’esprit :

  • Qu’est-ce qui explique toutefois la règle du kutch et des multiples de l’unité kutchique dans l’examen du bordereau ?

Réponse : simplement le fait qu’un écart analogique peut être décomposé en une base d’unités discrètes de plusieurs façons. Au faible niveau de précision auquel Bertillon travaillait, cette décomposition même très imparfaite pouvait apparaître comme une répétition des unités du kutch. De nombreuses autres coïncidences avec d’autres unités de longueurs différentes auraient pu tout autant être observées. Ce n’est pas le bordereau qui a fait apparaître le kutch, c’est le kutch que l’on a fait rentrer au chausse-pied dans le bordereau. Bertillon a été touché par le syndrome de celui qui tient un marteau en mains et qui voit tout ce qui l’entoure en forme de clous.

  • Poincaré était une autorité scientifique incontestable. Mais malgré tout, trois polytechniciens ont édité et défendu la « brochure verte » en 1904. Que Bertillon soit un autodidacte limité cela se comprend. Mais comment trois polytechniciens ont-ils pu avaliser et approfondir de telles erreurs ?

Réponse : Pour comprendre Bertillon, il faut comprendre le calcul des probabilités. En 1904, c’était une science encore embryonnaire, que seuls des mathématiciens de profession et d’un niveau exceptionnel pouvaient comprendre correctement. Un polytechnicien en 1904 devait certainement maîtriser très bien les mathématiques « classiques » : géométrie, arithmétique, calcul différentiel et infinitésimal (l’héritage de Cauchy était déjà présent en 1904), algèbre tel qu’il était formalisé à l’époque. Le calcul des probabilités devait y figurer seulement sous ses formes élémentaires : analyse combinatoire de tirages de cartes ou de dés.

Nous l’avons vu, comprendre la boîte de Pandore probabiliste que Bertillon avait ouvert sans rien y comprendre nécessitait un tout autre niveau que du simple calcul combinatoire. Les bases de la théorie de la mesure venaient à peine d’être formalisées par Borel et Lebesgue. Et de surcroît, la réfutation qui précède nécessitait non seulement d’appréhender la théorie des probabilités au sens moderne, mais également de la croiser avec des notions de topologie et de traitement du signal ou d’image : le travail réalisé par la commission Poincaré à l’aide du macro-micromètre préfigure des questions très modernes de l’industrie du digital sur la pixelisation d’un signal analogique et sur les problèmes d’échantillonnage et de combinatoire de traitements que pose une image haute définition si l’on souhaite qu’elle soit fidèle au signal analogique. Comprendre quels étaient les ressorts scientifiques véritables de l’erreur de Bertillon n’était donné qu’aux meilleurs mathématiciens de l’époque, de surcroît à la pointe de la recherche.

  • Mais la preuve repose-t-elle donc sur la seule réputation de Poincaré ? Si celle-ci est incontestablement immense, il reste un homme. Comment s’assurer qu’il n’a pas fait lui-même une erreur ?

Cette objection est valable : il n’y a jamais d’argument d’autorité en sciences. Même les plus grands scientifiques et mathématiciens ont commis des erreurs. Mais outre le fait que celles-ci ont été rarissimes chez Poincaré, une procédure scientifique digne de ce nom évacue toute subjectivité – même des plus grands des leurs – par la répétabilité. Soumettez le raisonnement de Bertillon à n’importe quel mathématicien de nos jours, ainsi que la réfutation de Poincaré : 100% répondront que c’est Poincaré qui a raison et Bertillon tort, aussi souvent que vous répétiez l’expérience.

καλὸς κἀγαθός

L’ours avait accompli sa tâche. Il pouvait retourner dans sa caverne, au milieu des formes mathématiques. Poincaré laissera une œuvre immense derrière lui : fondateur de la topologie algébrique, de la théorie du chaos, de la théorie des systèmes dynamiques, précurseur majeur de la relativité restreinte, son intervention dans l’Affaire est une anecdote sur le plan scientifique mais la percée décisive qui permettra d’innocenter Dreyfus.

Le rapport de Poincaré pesa invinciblement sur le jugement de 1906. La cour avait en main non pas des arguments mais une certitude mathématique. Sans le système Bertillon qui était l’ultime retranchement des antidreyfusards, l’accusation n’avait absolument plus rien à produire.

L’identification du coupable ne se fait jamais dans l’absolu, mais au sein du petit nombre des suspects possibles. Tant que des charges semblaient encore accabler Dreyfus, Esterhazy avec son extrême ressemblance d’écriture au bordereau, son aveu et sa fuite pouvait encore pêcher en eaux troubles. Au milieu de quelques suspects possibles dont tous étaient innocentés, les charges contre Esterhazy auxquelles venaient se rajouter des comportements extrêmement suspects lorsqu’il était en cours d’activité ne laissaient plus de doute. L’arrêt de la cour de 1906 n’a d’ailleurs jamais été contesté par les anti-dreyfusards : même les plus acharnés savaient qu’ils avaient perdu la partie.

La conclusion de l’Affaire est finalement très belle. L’innocence d’Alfred Dreyfus résidait dans le cerveau d’Henri Poincaré. Une sorte de réalisation du Kalos kagathos grec, le bien éthique de l’innocence et la beauté de la recherche du vrai portés au plus haut point qu’il est possible, réunis en une seule histoire humaine. La rencontre du capitaine victime de la plus grande malversation judiciaire de l’histoire et du plus grand mathématicien de son époque.

Si l’Affaire provoqua un tel acharnement passionnel dont on pensait ne jamais sortir, si les mêmes arguments signés au sang semblaient sans cesse rebattus de part et d’autre sans espoir de résolution, c’est parce que sa clé résidait dans un trésor caché dans un recoin des plus hautes cimes, la caverne de l’ours, l’or en fusion des forges de l’esprit d’Henri Poincaré.

L’honneur d’un capitaine et l’honneur de la France

J’ai beaucoup plus d’estime pour celui qui soutient une opinion contraire à la mienne et qui me dérange, parce qu’il étaye ses arguments et me montre sincèrement pourquoi il lui manque des éléments, que pour celui qui tient le même avis que moi par simple conformisme, arrivisme social, volonté de donner de soi une bonne image.

C’est précisément la bienséance sociale ayant pris le pas sur la recherche de la vérité qui a fait endurer des souffrances physiques et mentales inhumaines au capitaine Dreyfus. Ceux qui prennent son parti sans comprendre pourquoi, uniquement parce qu’il s’agit d’être du bon camp, sont ceux qui feront les meilleurs collabos dans les années futures, parce qu’ils trouveront toujours des justifications derrière la seule véritable qui les motive : être du bon côté du manche.

Ainsi des collabos de Vichy, beaucoup plus souvent issus des rangs de la gauche pacifiste, pleine des faux bons sentiments humanistes, en réalité de la boursouflure de l’amour de soi.

Et ainsi d’un certain pseudo-philosophe dont il a été récemment question dans ces colonnes, opérant un virage à 180° sur ses convictions concernant le voile, par aplaventrisme macronien. Ces personnes sont les futurs Doriot et Déat du nazislamisme qui vient.

Que toute cette petite clique tombe sur Zemmour concernant l’Affaire est maintenant de l’ordre du ridicule après ce qui vient d’être exposé. Celui qui fait preuve d’honnêteté intellectuelle pourra un jour ouvrir les yeux. Celui qui n’est conduit que par l’arrivisme social trahira sans états d’âme les meilleures causes dans le futur.

Zemmour s’est mis en grave péril par l’une de ses sincères maladresses qui me le font aimer. Au péril de tout le qu’en-dira-t-on, il a préféré avouer sincèrement qu’il lui manquait encore un chaînon pour être totalement convaincu de l’innocence de Dreyfus. D’autres passent leur temps à dissimuler leur opinion véritable sur des sujets bien moins graves : ils atteignent souvent les cercles du pouvoir. Une telle honnêteté et une telle absence de calcul politique dans l’aveu de son opinion intime ne peut que toucher et donner confiance, le paysage politique français étant devenu un monceau sur lequel prospèrent les plus faux culs.

Il ne faut jamais oublier que le colonel Picquart fut de ceux qui accusèrent Dreyfus avant de comprendre, et fit preuve d’un courage jamais rencontré en préférant coûte que coûte le respect du vrai au confort social. En tenant son opinion, Eric Zemmour montre seulement qu’il est de ce bois-là. Il faut maintenant lui dire que le chaînon manquant entre 1904 et 1906 existe et qu’il est d’un acier indestructible, du nom d’Henri Poincaré.

Une dernière anecdote est peu connue concernant l’affaire Dreyfus. Bien après l’Affaire, un grand-père d’une famille de juifs lituaniens dit un jour à son petit-fils, en parlant de la France : « Un pays qui se déchire, qui se divise pour sauver l’honneur d’un petit officier juif, c’est un pays où il faut rapidement aller. ». Le petit garçon s’appelait Emmanuel Levinas. Il est un philosophe maintenant connu et les paroles de son grand-père sont restées dans sa mémoire, pour le décider plus tard lorsqu’il fut adulte, à s’établir en France.

Beaucoup d’autre pays n’auraient en effet jamais pris cette peine. Beaucoup auraient enterré l’affaire ad vitam aeternam. La France fut très critiquée lors de l’affaire Dreyfus. Mais combien de pays auraient su mobiliser une telle énergie, se séparer en deux jusqu’au sang, pour l’innocence d’un seul homme, pour le goût inaliénable de la vérité ?

La véritable motivation d’Eric Zemmour sur ses propos les plus controversés est de mettre fin au french bashing. Il en est ainsi de ses propos sur l’Affaire comme de ceux sur Vichy : ils ne sont nullement une absolution ni même un pardon des salauds, mais une prière d’aller au-delà des apparences, de se rendre compte que derrière les salauds que personne ne conteste, le vieux fond français, éperdu de vérité, libre de demander justice même sous la menace, était toujours présent.

L’anecdote du grand-père de Levinas montre combien la France a été au rendez-vous lors de l’affaire Dreyfus, et le présent article combien elle avait fait ce qu’il faut, en mobilisant son plus puissant esprit pour exiger le vrai et le juste. Bien peu de pays auraient fait ainsi. C’est cette France éprise de vérité qui s’est levée pour défendre l’honneur d’un capitaine. C’est la France du colonel Picquart, même et justement parce qu’il s’était trompé au départ. Et c’est cette France que défend et défendra toujours Eric Zemmour.


[1] http://images.math.cnrs.fr/Des-mathematiciens-dans-l-affaire-Dreyfus.html

© Marc Rameaux


Marc Rameaux est économiste et professionnel des hautes technologies. Il a publié Le Tao de l’économie. Du bon usage de l’économie de marché (L’Harmattan, Février 2020)

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Marc Rameaux

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16 Comments

  1. Que de naïveté ! Qui ne comprend pas que les propos de Zemmour sur Pétain ou Dreyfus n’ont qu’un but : celui de séduire une certaine frange de la France rance et de “laver plus blanc que blanc” du fait de son histoire et de son patronyme ?
    Inutile d’appeler Poincaré à la rescousse pour cela, malgré le brio de la démonstration.

      • … eh bien madame, commencez par donner l’exemple ! J’engage ici ma réputation de chercheur : donnez seulement un argument recevable en faveur de cette puérile tentative de brouiller les cartes et en ce cas vous pouvez être assurée que je vous répondrai -sauf, à vouloir inconsidérément vous laisser le dernier mot

    • Et voilà le retour des mots clé : “France rance”, “laver plus blanc que blanc”,…
      On devine aisément de quel bord politique vous êtes, de celui qui caresse les musulmans dans le sens du poil, et qui le lui rendent bien.
      Bah, au placard les attardés intellectuels.

    • Toutes ces démonstrations scientifiques ne me convainquent que d’une seule chose = Zemmour n’est pas casher à 100% . . . On ne peut dénoncer la haine anti juive de mahomet tout en fermant les yeux sur l’antisémitisme bien français.

  2. J’ignorais que Poincaré avait joué un rôle dans l’établissement de l’innocence de Dreyfus ,et je trouve qu’il est bien que vous l’ayez évoqué . Pour le reste ,je crois que vous sous-estimez le fait que Bertillon était antisémite et qu’il faisait preuve de ce que l’on pourrait appeler un délire logique , c’est à dire tout expliquer à partir d’une technique peu au point . Je crois aussi que vous négligez le ” dossier secret” du procès de 1894 ( deux historiens y o ont consacré un ouvrage ) le dossier d’accusation de 1894 était tellement faible qu’il a fallu inclure des pièces secrètes non communiquées à la défense pour faire condamner Alfred Dreyfus . Enfin , comparer Zemmour à Picquart , c’est insulter Picquart . Picquart a su lutter contre lui même et ses préjugés ,Zemmour reste enfermé dans ses préjugés .

  3. Merci M. Rameaux pour cette brillante démonstration, qui explique comment la connaissance incomplète du dossier Dreyfus a conduit E. Zemmour à tenir ces propos, qui restaient pour moi jusqu’à ce jour, incompris..
    Comme vous le dites, et cela a été bien plus simple à comprendre pour moi, son analyse des Juifs et Vichy est du même acabit ; une recherche historique approfondie confirme parfaitement la position de Zemmour (d’ailleurs appuyée par plusieurs intellectuels dont Finkelkraut), à savoir que le régime de Vichy, notamment sous l’impulsion de l’homme politique de gauche LAVAL, a marchandé les Juifs français contre des Juifs non français résidant en France ; les chiffres parlent d’eux-mêmes, et cela a d’ailleurs poussé les nazis (Gestapo) à venir prendre les choses en main à partir de 1942. Ce faisant, Zemmour participe à la mise à mal de la doxa paxtonienne, cheval de bataille de la gauche depuis les années 80, ce qui lui a permis de diaboliser les camp national en l’assimilant au fascisme (ce qui a encore fonctionné lors des présidentielles de ce mois d’avril 2022).
    Ceci dit, comme l’a si bien dit Onfray, pour être en mesure de comprendre et suivre Zemmour dans ses analyses, il faut être capable de lire autre chose que seulement les titres des articles de presse !

  4. On peut affirmer que les anti-dreyfusards étaient des antisémites. Ils n’avaient pas besoin de preuves. La seule preuve de la culpabilité de DREYFUS était qu’il était juif! En continuant à suspecter DREYFUS, ZEMMOUR prouve seulement que lui aussi est un antisémite. CQFD!
    En voulant disculper PETAIN, ordure entre toutes les ordures, ZEMMOUR prouve encore une fois son antisémitisme. D’autant qu’il sait très bien qu’il est totalement faux que PETAIN ait voulu protéger les Juifs français. Tous mes copains juifs étaient français et ont pourtant été gazés. Là encore ZEMMOUR est un antisémite. CQFD!

    • On peut affirmer que les anti-dreyfusards étaient des antisémites. Ils n’avaient pas besoin de preuves. La seule preuve de la culpabilité de DREYFUS était qu’il était juif! En continuant à suspecter DREYFUS, ZEMMOUR prouve seulement que lui aussi est un antisémite. CQFD!
      En voulant disculper PETAIN, ordure entre toutes les ordures, ZEMMOUR prouve encore une fois son antisémitisme. D’autant qu’il sait très bien qu’il est totalement faux que PETAIN ait voulu protéger les Juifs français. Tous mes copains juifs étaient français et ont pourtant été gazés. Là encore ZEMMOUR est un antisémite. CQFD!J

  5. J’ai 91 ans et je suis un rescapé de la Shoah. Une grande partie de ma famille a été détruite par PETAIN et les nazis allemands. Je refuse donc d’être modéré. Mon texte est à prendre ou à laisser, mais ne sera pas modifié. Il peut seulement être censuré par vous.

    • CHER STUL
      COMMENT LES RESCAPES DE LA SHOAH ONT ILS PU CHANGER EN N APPRENANT PAS A LEURS ENFANTS OU PETITS ENFANTS CE QU ILS ONT SOUFFERT ET COMMENT DES DESCENDANTS DE RESCAPES DE LA SHOAH ONT ILS PU DEVENIR DES GAUCHISTES EN ISRAEL AVEC LES SHALOM ACHAV ..BETHSELEM ..YESH DIN YESH VUL ..IR AMIM BREAKING THE SILENCE ETC ET LA MAJORITE DE CES ENCULES DE GAUCHISTES SONT DES ENFANTS OU PETITS ENFANTS DE RESCAPES DE LA SHOAH DEVENUS PRO PALESTINIENS ET CE GENRE DE PERSONNE ME FONT VOMI ET HONTE COMME AUX USA OU LES IFNOTNOW DE BECCA LUBOW ..OU DE JEWS VOICE OF PEACE DE MARTINE CHANDLER OU DE FRIENDS OF SHALOM ACHAV DE HADAR SUSSKIND OU DE JSTREET DE BEN AMI ETC …ET POURQUOI CES ENFANTS DE JUIFS RESCAPES DE LA SHOAH DEFENDENT LA CAUSE PALESITNIENNE AU LIEU D ETRE POUR LE GRAND ISRAEL BIBLIQUE ET ENCORE SI TU ME DIS QU ILS SOTN DEVENUS DE MILITANTS DE LA DROITE RELIGIEUSE DURE DE BE GVIR ET SMOTRIC ALORS LA JE SERAI CONTENT MASI HELAS CE N EST PAS LE CAS PARCE QU EN ISRAEL CES GAUCHISTES PRO FATAH ATTAQUENT SOUVENT LES JUIFS DE JUDEE SAMARIE QUE JE CONSIDERE COMME DES HEROS SIONISTES ET JE NE COMPRENDS PAS POURQUOI LE LIKOUD NE VEUT PAS S ATTAQUER A CES GAUCHISTES QUI ONT DE LA HAINE CONTRE LES JUIFS DE JUDEE SAMARIE ET POUR CELA MOI JE NE FAIS PLUS CONFIANCE AU LIKOUD NI A BENNETT QUI A VENDU SON AME AUX ISLAMISTES DE RAAM ET AUX GAUCHISTES PRO FATAH ..MAIS PLUTOT A BEN GVIR ET A SMOTRIC QUI DEVRAIT DIRIGER ISRAEL §§

      POURQUOI DES RESCAPES DE LA SHOAH EN FRANCE COMME AUX USA ONT MAL ENSEIGNE A LEURS REJETONS L AMOUR D ISRAEL ET PLUTOT SE SONT DETACHER DU JUDAISME POUR DEVENIR COMME ANTHONY BLINKEN FILS DE JUIVE HONGROISE PETIT FILS DE JUIF RUSSE ET BEAU FILS DE RESCAPE DE LA SHOAH SAMUEL PISAR ..A MAL APPRIS A SON BEAU FILS L AMOUR D ISRAEL ET FIERTE D ETRE JUIF PARCE QUE MR BLINKEN S EST MARIE A L EGLISE AVEC UNE CATHO …EN FIN DE C/O IL A FAIT COMME MADELEINE ALLBRIGHT QUI EST NEE JUIVE ET EN ATTERRISSANT AUX USA AVEC SES PARENTS SONT CONVERTIS AU CHRISTIANISME ET LA PREUVE A ETE BENIE A LA CATHEBRALE DE WASHINGTON DC A SON DECES ET CELA A ATTEINT BCP DE JUIFS RESCAPES DE LA SHOAH QUI SE SONT VENDUS EN BANISSANT LEUR FOI JUDIQUE ..HONTE A EUX ..§§

      REGARDE LA SALOPE DE BUZSIN FILLE DE RESCAPES DE LA SHOAH ET LE FAIT D ETRE DOCTEUR CELA LUI A TOURNER LA TETE ET JAMAIS A DEFENDU ISRAEL COMME ELLE AURAIT DU FAIRE …

      VOILA CE QUE JE PENSE DES RESCAPES DE LA SHOAH QUI JAAMAIS AURAIT DU RESTER EN FRANCE POUR AVOIR ETE BANNI ET RECHERCHER POUR ETRE ENVOYER EN POLOGNE ..MOI A VOTRE PLACE JE SERAI PARTI POUR LA PALESTINE DEVENUE ISRAEL ..POUR COMBATTRE POUR ISRAEL CONTRE CES RACAILLES D ARABES QUI VEULENT NOUS VOLER NOTRE TERRE HISTORIQUE DE PALESTINE DEVENUE ISRAEL

      AM ISRAEL CHAI ET MOI JE SUIS POUR QUE L EUROPE IMPLOSE PARCE QU ELLE SOUTIENT TROP LA CAUSE PALESTINIENNE ET NE VEUT PAS RECONNAITRE JERUSALEM CAPITALE REUNIFIEE D ISRAEL COMME LA FAIT DONALD TRUMP …CA C EST UN MENSCH …

    • Hélas oui : non content d’ouvrir grand ses colonnes à la propagande révisionniste il… censure, le sous-homme André Mamou, rédacteur de ce qui par antiphrase porte le nom de ‘Tribune Juive’. Et c’est ainsi qu’il a censuré ci-dessus une réponse au pas-mieux-identifié Gebe auquel était rappelé ce qui devait l’être à propos de Laval (qui dès 1926 avait rompu définitivement avec la gauche et dès les années trente était devenu le champion de la droite).
      Ah oui pour sûr : il ne sent pas bon le sous-homme André Mamou

      – (copies de ce commentaire)

    • Je parlerais plus volontiers de ta souffrance! Vouloir jouer à l’intello quand on a si peu de bons sens , de culture et de tact , c’est mission impossible !
      Mon nom c’est pas Mamou mais Andre Mamou ou alors Monsieur Mamou!

  6. indécence, l’affaire dreyffus est close, TOUS les historiens sérieux ont conclu à l’innocence de Dreyfus. il a été réhabilité, et pas tout de suite et c’est l’honneur de Zola d’y avoir participé. Qu’aurait dit Zemmour à l’époque? Je n’ose le penser; Y revenir c’est comme nier les chambres à gaz, uniquement parce qu’un homme le dit, Faurisson, avec preuves à l’appui. Zemmour cherche à réhabiliter Pétain, faut-il le réhabiliter et dire qu’il a sauvé la france et les juifs? c’est nauséabond et va donner du grain à moudre aux antisémites.

    • “L’affaire Dreyfus est close” : oui, c’est précisément ce que je dis dans cet article. Et l’objectif est de la clôre définitivement avec des arguments indubitables.

      ” Y revenir, c’est comme nier les chambres à gaz” : Censure grave : il serait donc interdit d’écrire quoi que ce soit dessus ? C’est justement laisser le champ libre aux révisionnistes. Il faut y revenir pour contrer aussi souvent que nécessaire les Faurisson de toutes sortes.

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