
Politiques, Ne trompez pa l’électorat!
La France s’apprête pour le second tour de l’élection de son Président de la République (PR).
L’élection du PR se déroule au scrutin uninominal (une personne à élire) majoritaire (plus de 50%) à deux tours.
Des dirigeants politiques diffusent à l’envie des assertions erronées sur des sujets importants et susceptibles de tromper l’électorat.
1- Le député Mélenchon affirme deux erreurs
Mélenchon est le chef du parti politique La-France-insoumise (LFI). Candidat à l’élection, il a bénéficié des voix de ses adhérents, partisans, sympathisants et des voix provenant d’autres mouvements de Gauche qui souhaitaient lui permettre d’accéder au second tour.
Arrivé troisième sur le podium du premier tour de l’élection, il est écarté du second tour.
Première erreur de Mélenchon
Depuis, Mélenchon appelle à la mobilisation électorale en vue d’un « troisième tour » qui lui permettrait d’accéder au poste de premier ministre.
Mélenchon appartient à la génération ancienne de la Vème république. Il y a exercé les fonctions de député, sénateur, ministre, etc. Il en connaît tous les recoins. Il sait qu’il n’existe pas en France de troisième tour à l’élection présidentielle. Il transforme l’élection parlementaire des députés qui suit l’élection présidentielle en dernier « round » de l’élection présidentielle.
N’en déplaise à Mélenchon, l’élection du Président de la République s’effectue au scrutin majoritaire uninominal à deux tours… et non à trois tours. Il ne saurait être toléré quelque interprétation fallacieuse même sous forme d’ « exercice de style ». L’élection présidentielle n’est pas un exercice de style. Il ne faut pas leurrer l’électorat, et précisément sa partie qui n’est pas ou peu informée.
Or, et afin de garantie de la démocratie, la Constitution française sépare les pouvoirs exécutif et parlementaire. La procédure électorale sépare idem les élections présidentielles et parlementaires.
Seconde erreur de Mélenchon
L’hypothèse d’une victoire électorale ou d’une majorité constituée autour de LFI à l’Assemblée nationale conduirait probablement mais pas obligatoirement le PR à appeler Mélenchon au poste de Premier ministre. (« Le président de la république nomme le Premier ministre (…) » article 8)
Même en cas de victoire parlementaire de LFI, rien n’oblige le chef de l’Etat à nommer son leader au poste de Premier ministre (PM). Le PR peut dissoudre l’assemblée et convoquer de nouvelles élections parlementaires.
En toutes hypothèses, le PM relève exclusivement et indirectement de l’élection parlementaire. En aucun cas, l’élection parlementaire et la nomination du PM ne sauraient constituer un quelconque troisième tour de l’élection présidentielle.
La meilleure démonstration réside en la liberté de nomination du PM par le PR.
2- La députée Marine Le Pen invoque une révision constitutionnelle…inconstitutionnelle !
Se détourner de l’article 89
Candidate à la présidence de la république, Le Pen a accédé au second tour de l’élection présidentielle.
Elle diffuse qu’elle souhaite diriger le pays en insistant sur l’usage référendaire, y compris sur les sujets qui nécessitent des modifications constitutionnelles.
Elle préconise la modification de la constitution par voie référendaire sans utiliser l’article 89 de la constitution.
L’article 89 prévoit trois strophes.
La première est la présentation au parlement du texte de révision constitutionnelle.
La seconde est le vote du texte » (…) par les deux assemblées en termes identiques » (…)
La troisième est l’approbation définitive de la révision par referendum.
Le Pen affirme et annonce se passer de la procédure constitutionnelle, utiliser un autre article relatif au referendum, que ce ne serait pas la première fois, etc…
Il est stupéfiant qu’une candidate à l’élection présidentielle fasse fi de la Constitution, organe sacré de l’institution nationale sous sa forme républicaine et ose le publier !
Conséquences
Dans cette hypothèse, les Présidents des deux Chambres saisiraient le conseil constitutionnel en invalidité. Interrogée sur cette éventualité, Le Pen disqualifie par avance le Conseil Constitutionnel !
En cas de persistance, Le Pen se verrait reprocher de violer l’article 5 de la constitution qui l’assigne justement « au respect de la Constitution ».
Au-delà des conséquences institutionnelles, les violations de la Constitution par Le Pen engageraient un chaos politique et institutionnel avec les dépendances financières, commerciales et économiques connues. Ce serait une crise de régime.
3- La France n’est pas gérée en régime présidentiel
La France dispose par sa constitution du 4 octobre 1958 et son exercice d’un régime parlementaire rationalisé par les pouvoirs du PR, appelé également semi-présidentiel.
L’étendue considérable des prérogatives présidentielles ne font pas de la France un régime présidentiel pour au moins deux raisons.
La première est l’existence d’un PM qui « dirige l’action du gouvernement » (article 21)
La seconde est la possibilité de disjonction politique entre le PR et le PM. En ce cas, le régime insiste sur les pouvoirs du PM au détriment de ceux du PR. La nature du régime est alors parlementaire stricto-sensu.
En cas de conjonction politique entre les deux chefs de l’Exécutif, les pouvoirs du PM se confondent dans ceux du PR. Le PM est alors primus inter pares / premier parmi les pairs, selon la formule de De gaule, c’est à dire le premier des ministres, ni plus ni moins.
Ces erreurs de lecture de la constitution ne sont pas anodines
Il convient de rejeter les déformations et désinformations, les mensonges et les interprétations dont le but demeure le leurre de l’électorat national.
Ces manigances relèvent du mépris en lequel l’électorat est tenu à distance par des confusions qui sèment le doute et le désintérêt.
Les exemples issus de déclarations et développements des députés Mélenchon et Le Pen sont un exemple parmi d’autres.
© Pierre Saba
21 avril 2022