Tribune Juive

Zemmour : une véritable éloquence… au-delà de la fébrilité incontrôlée

Une montée sur l’Olympe à la force du poignet…

La presse française et étrangère relève, depuis son annonce, hier soir, la blessure au poignet, lui valant 9 jours d’ITT, dont a écopé le brillant rhéteur (cela nous changera de « polémiste d’extrême-drouatte » selon la terminologie en usage à fin de stigmatisation), qui a fait son entrée politique grand public, hier en fin d’après-midi, devant entre 13 et 15.000 participants réunis à Villepinte (93).

Dès le début, alors qu’il frayait vers la tribune au milieu de ses soutiens, un agresseur a voulu le saisir par le cou, selon toute vraisemblance, pour le traîner à terre dans sa chute. Il a rapidement été décroché de sa proie par un service d’ordre imposant autour d’Eric Zemmour, puis envoyé en garde-à-vue. La haine qu’il inspire à certains sera une composante (ou effet secondaire) de l’ensemble de sa campagne et génère des obstacles presque physiques au recueil des 227 signatures qui lui manqueraient encore officiellement pour devenir éligible. Gageons que ses partisans batailleront ferme, cette fois, en ne cognant qu’aux portes des élus pour y parvenir.

Un service d’ordre qui n’écrême pas

En effet, malgré une excellente prestation entraînante, pour ceux qui étaient prêts à l’écouter, les télévisions du monde entier ont très vite relevé « l’incident » au fond de la salle des expositions, opposant une poignée de militants de « SOS-Racisme », venu faire de la provocation « symbolique » (ou non-violente) et des spectateurs surchauffés à blanc, laissant remonter des instincts de skin-heads pour rosser copieusement à coups de poing une militante qui visiblement, n’avait pas mesuré le degré d’intolérance massacrante que susciterait son geste collectif. Action Française, Identitaires, vendeurs à la criée de Synthèse Nationale et autres grouspuscules étaient présents. Même l’antisémite Ryssen invitait à Villepinte sur Telegram. Sans doute pas pour lui souhaiter du bien, dirait l’homme averti.

Le tout-venant ne devrait pas toujours être le bienvenu

Même s’il y a plus à dire sur la teneur du discours rythmé et enthousiasmant du candidat blessé, on le sent dépassé par l’amateurisme de sa sécurité et, d’autre part, devant laisser libre cours, malgré lui, à « l’enthousiasme débordant » de partisans -qui visiblement l’utilisent comme défouloir sacrificiel- incapables de discernement et de doser la valeur des messages qu’il émet « en même temps » :

alors qu’à ce moment-même, à la tribune, il se déclare « non-mysogyne, nonfasciste et non-raciste« , une poignée de crétins profonds, certains en treillis militaires, d’autres saisissant tout ce qui ressemble à une « femelle » par les cheveux, façon Cromagnon-est-de-retour, s’adonnaient à une exécution en règle, avant qu’un service d’ordre assez quelconque et lent à la détente ne commence à en exfiltrer les plus échaudés….

Certes à la Tribune, Zemmour a pu fasciner et « conquérir » son public avec beaucoup d’aisance par ses propositions, égrénées en bloc pour la première fois, cohérentes, quoique classiques à Droite, dans une sorte de synthèse qui repose entièrement sur les promesses non-tenues depuis Chirac en 1976. Mais, on assiste à un décalage visuel et au rassemblement des exclus d’un peu partout à la « droite de la droite », dont on pourrait croire que « même le Rassemblement National » ne veut plus!

Ni le RN ni la Droite n’ont su tenir leurs promesses sur l’immigration

Zemmour connaît une chance et une opportunité historiques de rassembler les mécontents de tous les courants inaboutis depuis une trentaine d’années. Le prix à payer est la violence, qui n’est pas toujours « révolutionnaire ».

Les petits mots d’insatisfaction d’Eric Ciotti, le même jour, à l’encontre de Ma Dalton Pécresse sont pour lui, du pain béni, même si la Droite « classique » va avoir tendance à resserrer les rangs dans un premier temps, pour mener le jeu du : « on a tout essayé, mais… » (-ça coince depuis les années 80 et la tentation centriste-). Seuls de grands calculateurs peuvent prétendre à la magistrature suprême et donc il n’y a rien à attendre de ce côté, à moins que la candidature de Valérie Pécresse ne reste longtemps collée au sol des à peine dix pour cent (aujourd’hui).

La grande épopée à caractère « révolutionnaire » du discours Zemmour ne se tient pas dans ses propositions concernant la suppression du « droit du Sol », l »‘immigration Zéro », la fin du « regroupement familial » et la reconduite immédiate à la frontière » : soit il l’a déjà dit, soit il est déjà concurrencé par les autres candidats à droite, dont Ciotti et Pécresse, dont on peut croire avec lui, qu’elle au moins « imitera Chirac » et n’en tiendra aucune ou si peu.

Non, précisément, la grande nouveauté, s’il s’y tenait, est de camper cette dérive de la Droite qui, justement, a pu donner naissance au Front National de Jean-Marie, sous l’impulsion du diviseur Mitterrand, à la « naissance de SOS-Racisme », dans les années 80, par indigence et « trahison des clercs ». Jacques Chirac est devenu le n°2 alternant derrière l’homme de Solutré, souple à la cohabtation et exécutant des basses oeuvres de la Mitterrandie, donc sous la coupe réglée de cet « autre maître des Horloges »… Prêt à tout pour ne pas s’éloigner du pouvoir. Zemmour fustige le « pédagogisme », cet ensemble de « méthodes » issues de l’éducation libertaire, qui éloigne les enfants de la soif de savoir et de réussir. La cible de l’isalmogauchisme est presque devenue « trop facile », et semble aller de soi après le tournant de 2015… Une autre génération s’est-elle relevée de ces cendres du Bataclan?

76, année du début de la fin?

La symbolique évocatrice de 1976 est puissante, puisque c’est à cette date que la droite moderne, giscardienne, édicte le droit à l’avortement et le regroupement familial, comme les deux facettes d’un renoncement à la natalité « de souche » et d’une incitation aux vagues migratoires coûteuses en termes de cohérence nationale. Période, comme il le rappelle, où ces ténors de la droite « libérale » se renient en masse et où le chômage, justement, commence à pointer, comme le dernier avatar des « Trente Glorieuses » finissantes. On déboucha alor très vite sur la « crise des banlieues »

Lorsque Zemmour évoque une nécessaire « ré-industrialisation », on peut avoir le sentiment qu’il tente de nous y ramener et de nous en faire rêver à nouveau, alors que cela est, aujourd’hui, un leurre, que des décennies se sont écoulées et qu’il ne suffit pas de le dire. On en garde néanmoins l’impression que le tertiaire reste le créneau le plus porteur, après la Pandémie et la percée du télétravail… Il lui aurait manqué d’inventer « autre chose ». Pas un mot pour résonner « Start-Up-Nation » (une « importation israélienne » trop « enjuivée », à gommer?).

Marine chatouille ses critiques là où ça peut lui faire mal…

Le Rassemblement National devenu plus « compatible » avec la social-démocratie, semble revenir sur ses fondamentaux, nous dirions : « pour la bonne cause ». Mais c’est une chance renouvelée pour Zemmour, de « récupérer » les rebelles de la tendance à la « respectabilisation ». Ainsi, presque au même moment, Marine, issue de la dynastie du « Menhir », joignait le geste au silence emprunt de respect, en allant se recueillir sur le monument dédié aux combattants du Ghetto de Varsovie, loin des brouhaha de Villepinte :

Au Mémorial des victimes du ghetto de Varsovie, nous nous sommes recueillis en présence de la Garnison militaire de Varsovie pour rendre hommage à la résistance juive polonaise, qui le 19 avril 1943 se soulevait contre les nazis.4:58 PM · 3 déc. 2021·Twitter for iPhone

Ce retour sur images, en-deçà de ces trente à cinquante années écoulées, au temps de la croissance insouciante française est-il « salutaire », nécessaire retour aux sources de l’identité perdue, ou simplement « nostalgique » d’un temps suranné qui n’est plus? Cette insignifiance de la Macronie qu’il a sérieusement brocardée, traduit-elle cette absence de leadership qu’il saurait « remplacer » par un peuple incarné et vraiment souverain? Ou n’est-elle que la réalité crue de la dérive gestionnaire qui caractérise la plupart des pouvoirs en Europe, si on met de côté ceux des anciens du bloc de l’Est?

S’est-il suffisamment distingué du lot par son éloquence, pour lancer cette campagne? Va t-il surfer bien au-delà des performances de ses deux concurrentes directes sur lesquelles il faut emporter « la droite », pour ensuite, la recentrer contre Emmanuel Macron : Valérie Pécresse et Marine Le Pen? Celle-ci a su contrer le savoir-dire de son adversaire par un émouvant « savoir se taire »…?

Comme d’autres avant lui, cela ne pourrait marcher qu’à condition de faire le ménage sur ses marges hystérisées, qu’il n’a pas forcément cherché, mais qui le rattrapent pour l’utiliser à leurs propres fins

©️ Marc Brzustowski

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