
Bon
Mercredi
Ces soirées ont pour la plupart d’entre nous été douces, gaies, chaleureuses, gourmandes, tendres, bruyantes parfois…
Mais elles ont souvent signé l’union sacrée des séfarades et des ashkénazes , mâtinée parfois d’apports non juifs, dans une chaîne communautaire qui porte haut les couleurs d’un judaïsme nouveau…
Après le grand malheur et l’indigence démographique de la communauté juive, l’Histoire a chassé de leurs terres des Juifs qui, après avoir traversé la Méditerranée, ont découvert les brumes et le froid de la métropole …
Et aussi des individus installés là depuis un peu plus longtemps, porteurs de noms imprononçables, écorchant parfois le français, la vérité, mon frère, et parlant une langue gutturale étrange que personne ne connaissait…
Les jeunes parlaient bien français, bien sûr, mais n’empêche…
Leurs parents… ouille !!
Et on expliqua à ces exilés du soleil, que si, si, ces gens étaient bien juifs, comme eux…
Juifs comme eux!!
Ha ha!! Laissez-moi rire!!
Ils mangeaient des trucs bizarres, assez infects pour la plupart, priaient avec un accent incompréhensible qui n’avait de juif que le nom, appartenaient à des micros familles dont la plupart des membres avaient été gazés par les nazis , ce qui leur donnait souvent l’air abattu… Ça se comprend…
Ils connaissaient bien sûr les Livres sacrés, mais ils entretenaient avec le Très Haut des relations sibyllines parfois indéchiffrables, quand ce n’était pas une absence totale de communication…
Ils étaient souvent cultivés, mais d’une réserve qui alourdissait parfois l’ambiance rieuse et chaleureuse des retrouvailles d’une tribu souvent bruyante…
Mais bon.
Juifs ils étaient.
Il fallut s’y faire.
Et les flèches de l’amour se plantent à l’aveuglette, sans rime ni raison, ciblant ses victimes dans une incohérence inintelligible, et voilà t -y -pas que la Méditerranée joyeuse s’alliât aux descendants des steppes glacées , dans un brassage sentimental et sensuel qui devait aboutir à ce terrible constat:
Ashkénazes et séfarades unis au pieu pour le meilleur et pour le pire, créaient ensemble ces nouveaux Juifs, qui ma foi, devaient autant à la pkaïla qu’au gefillte fish…
Ce fut rude pour les deux communautés…
Quoi?
Ces êtres hybrides étaient nos enfants ?
Les anciens plongeaient le nez dans leur assiette avec désarroi, les séfarades regardant avec accablement leurs filles porteuses de noms étranges, les ashkénazes plissant le nez devant les permanentes références au Très Haut, Baroukh Hachem, Baroukh Hachem…
Et puis on apprit à se connaître…
Voire à s’aimer…
Et en 5782, dans bien des familles , à partager coutumes et habitudes, à chérir ces brus et ces gendres qui ont façonné ces merveilles , nos petits – enfants, à goûter aux délices venus du fond des âges, à partager tendresse, rires, amitié, amour, dans cet écrin qu’est le judaïsme sans frontières, enrichi des rituels et des spécificités de chacun stratifiés par l’Histoire, gonflés des combats collectifs, veloutés du bonheur de cet amour commun du judaïsme…
Et bientôt les termes d’ashkénazes et de séfarades appartiendront à l’Histoire, ne restera que cette force unie et heureuse d’un judaïsme constitué d’une mosaïque arc- en- ciel…
Voilà pourquoi ces soirées de 5782 sont devenues des partages pleins de grâce qui réjouissent le cœur et l’âme…
Et nous aimer ainsi ne nous empêche pas d’aimer nos amis non juifs…
Bien au contraire…
Alors:
Le’Haïm!!!
Je vous embrasse
© Michèle Chabelski
