Tribune Juive

Benoît Rayski. Mais quelle mouche a piqué le pape pour qu’il s’en prenne à la Torah ?

Le retour de Pro perfidis Judaies ?

Mais quelle mouche a piqué le pape pour qu’il s’en prenne à la Torah ?

Le Souverain Pontife ferait mieux de laisser les Juifs tranquilles !

C’était lors d’une audience générale au Vatican le 11 août. Le pape François a jugé utile de commenter l’épître de Paul aux Galates. Ça a plutôt bien commencé. « Dieu a donné la Torah à son peuple pour lui montrer le chemin de la vie et de la justice ».

Après ça se gâte…


Le pape a poursuivi : « mais aujourd’hui, la Torah ne peut plus donner la vie car elle est incapable d’accomplir la promesse qu’elle contenait ».

Des millions de Juifs sont persuadés du contraire : pour eux – les premiers concernés – la Torah est consubstantielle de la vie ! Des rabbins indignés ont écrit au pape pour protester. Ils voient dans ses phrases le retour de
« l’enseignement du mépris ». On peut les comprendre.

Il n’est pas dans nos intentions de donner des conseils à Sa Sainteté. Mais on aurait trouvé bien que le locataire du Vatican félicite le peuple juif d’être resté fidèle à la Torah pendant des millénaires. Et cela en dépit des massacres, des persécutions et des conversions forcées au catholicisme.
Le pape pourrait également rappeler que Jésus était né de mère juive et que tous les apôtres étaient juifs comme lui. Et comment ne pas voir que les Evangiles sont les enfants, illégitimes certes (et bâtards aux yeux des Juifs pratiquants), de la Torah ?
L’humanité doit tout à la Torah. Que serions-nous sans les Dix commandements ? Que serions- nous si nous ne connaissions pas le sort funeste de Sodome et Gomorrhe, les plaies d’Egypte et la traversée de la Mer Rouge ? Quelle idée aurions-nous de la justice sans le jugement du roi Salomon ? Et que serait notre compréhension de l’amour sans le merveilleux Cantique des cantiques ?
Le pape François voit les choses autrement. Raison de plus pour parler de deux de ses prédécesseurs. Jean XXIII qui lors de Vatican II fit supprimer la terrible prière sur les Juifs perfides ( pro perfidis Judaeis ). Benoît XVI qui eut l’audace de dire quelques vérités sur l’islam.

On remarquera que le pape François n’a pas trouvé le temps de s’intéresser à un autre livre saint, le Coran. C’est sans doute qu’il était trop occupé à lire la Torah.

©  Benoît Rayski

Benoît Rayski, historien, écrivain et journaliste, vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

https://www.atlantico.fr/article/decryptage/mais-quelle-mouche-a-pique-le-pape-pour-qu-il-s-en-prenne-a-la-torah-religion-vatican-bible-benoit-rayski


Pour rappel: L’expression latine Oremus et pro perfidis Judaeis était l’exorde d’une oraison prononcée dans la liturgie catholique lors de la prière du Vendredi saint. Introduite au viie siècle, elle signifiait originellement « Prions aussi pour les Juifs incroyants » ou « Prions aussi pour les Juifs infidèles » , au sens où ces derniers n’adhéraient pas à la foi chrétienne. Cependant, avec l’évolution de la liturgie et les traductions dans les langues communes, notamment le français (« Prions aussi pour les Juifs perfides afin que Dieu Notre Seigneur enlève le voile qui couvre leurs cœurs et qu’eux aussi reconnaissent Jésus, le Christ, Notre-Seigneur »), l’expression a rapidement changé de sens. Elle est devenue très vite, dans un contexte d’antijudaïsme, synonyme de « déloyauté » , « fourberie », puis perçue par certains comme étant gravement offensante, voire antisémite.

Devant les controverses suscitées aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’Église catholique par cette terminologie, des discussions officielles au sein de la hiérarchie catholique pour l’abolir ou la réformer commencèrent dans les années 1920. En 1959, le pape Jean XXIII fit supprimer les termes contestés (perfidis ainsi que perfidiam, qui figurait dans l’oraison).

L’historien  jules Isaac dénonce dans L’Enseignement du mépris, publié chez Fasquelle en 1962, ce qu’il appelle « l’enseignement du mépris », à travers des siècles de catéchèse qui ont persuadé les chrétiens de la perfidie juive et de son caractère satanique, soulignant le lien entre les pratiques de l’antisémitisme chrétien et le système hitlérien. Il évoque notamment ( page 11) les « préjugés antijuifs, les sentiments de méfiance, de mépris, d’hostilité et de haine à l’égard des Juifs, qu’ils soient de religion israélite ou simplement de famille juive ».

On notera qu’après le concile Vatican II, ces termes ne réapparaissent pas, et que les allusions à la conversion des Juifs sont supprimées, la formulation étant devenue, depuis le missel de Paul VI, promulgué en 1970, « Prions pour les Juifs à qui Dieu a parlé en premier : qu’ils progressent dans l’amour de son Nom et la fidélité de son Alliance », et soulignant l’élection d’Israël en tant que peuple de Dieu auquel il n’est plus demandé de reconnaître le Christ.

A noter encore: le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI,  paru en 2007, facilite l’utilisation du missel de 1962 pour satisfaire les traditionalistes. L’oraison a été modifiée dans l’édition de 2008 : les propos sur l' »aveuglement »  des Juifs sont supprimés mais la phrase introductive demande l’illumination des Juifs à la connaissance du Christ, « Sauveur de tous les hommes », initiative qui souleva des inquiétudes chez les Juifs ainsi que dans le milieu du dialogue judéo-chrétie, l’intention demeurant, selon l’ancienne tradition, la conversion des Juifs au christianisme.


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