
Méron.
Deuil et indécence.
C’est certain les victimes de la station Charonne en 62 étaient coupables. Ou les victimes du stade de Furiani en 92…
Enfin je suppose.
Parceque je vois une tapée de gens qui s’emparent de la tragédie de Méron pour se faire les dents sur les juifs orthodoxes, sur les israéliens, sur Israël, sur le gouvernement en place, sur Netanyahou, les « colonies », le « sionisme » et tout et tout…
Un peu facile.
Un peu indécent.
Un peu odieux.
Un peu infâme.
Je vais vous dire: je n’ai rien d’un « orthodoxe », rien.
Mais je suis juif, simplement.
Et humain, simplement.
Alors quand un drame éclate quelque part j’ai un réflexe bête: je m’écrie: « Ah, les pauvres gens… »
Quand il y a eu une catastrophe lors d’un pèlerinage à la Mecque je me suis simplement exclamé: « Ah, les pauvres gens… »
Ensuite, plus tard, bien plus tard, oui, il faut examiner les causes, le déroulement de la catastrophe, déterminer les éventuelles responsabilités – et surtout prendre des dispositions afin que tel drame ne se reproduise plus jamais.
Je ne suis pas un orthodoxe, je l’ai déjà dit – et même je sais pertinemment que bien des « orthodoxes » sont susceptibles d’avoir envers moi, mon mode d’existence, mes choix, ma famille, ma façon de vivre et de m’approprier le judaïsme etc …, un regard critique voir de rejet. Et je n’en ai rien à cirer. Rien. Surtout aujourd’hui.
Humain je suis et des humains ont péri dans un drame insupportable.
Juif je suis et des juifs, un jour de fête, ont péri dans un drame insupportable.
Basta. Point barre.
Je pourrais aussi ajouter: je suis ce que je suis mais parmi mes ancêtres pas mal ont porté une barbe, des payès, des tsitsits, un chapeau, un schtreimel, ma mère bien souvent avec son châle à fleurs sur la tête avait l’air d’une babouchka, mes ancêtres ont connu les ghettos italiens, venaissins, alémaniques, russes, galiciens, hongrois, turcs, espagnols, portugais, certains furent riches, certains furent pauvres, certains étaient peu instruits et d’autres de très grands rabbins dont on étudie les écrits dans les yeshivot, certains furent banquiers et d’autres misérables, certains furent prix Nobel d’autres presque illettrés – tous étaient juifs.
C’est tout ce que je voulais dire.
© Jacques Neuburger