
SOUS LE SOLEIL DE KABYLIE
Il y a deux ans, j’ai encore parcouru le beau village d’Ait Atelli. Je suis descendu du taxi à R’mila, sous l’étonnement du chauffeur. On marche très peu à pied de nos jours, les gens sont prisonniers de leurs voitures et en font des fétiches, des fanions identitaires. Il n’ y a pas de plus grande aliénation que de perdre volontairement l’usage de ses jambes.
Je suis passé devant le quartier des Ath Vouyezrour et des Ath Hammou. Deux ruelles s’offrent à moi, je prends la droite qui longe Lhara des Ath Vouhmedh. Les deux ruelles démarrant de R’mila convergent vers Aafir où l’askif, patio public traditionnel, était joliment restauré. Tout a été rebâti dans une véritable mutation urbanistique, mais le souvenir des vieilles pierres scellées d’argile dort sous les belles maisons d’aujourd’hui.
Puis le café du village. J’y suis entré, j’ai discuté avec des gens, salué des personnes, et pris un bon café servi par un homme souriant. Puis la mosquée au pied de Sidhi Hend Ouvraham, et le sentier qui descend à pieds de chèvre à la fontaine. À partir de là, le relief est si abrupt que les maisons en haut semblent perchées presque à la verticale. Je continuais jusqu’ à l’école d’Agouni khelil, qui a accueilli nombre de nos ainés jusqu’au certificat d’études, dont mon père.
La route principale du village et les ruelles affluentes étaient d’une propreté exemplaire. Le chemin vers Merakou a été élargi, bitumé, et bordé de villas splendides. On arrive a L’houari Ath Hend Oukaci. C’est la fin du village.
Je montais vers le château d’eau désaffecté, sur le promontoire d’Ighil Bouchene ou le panorama s’ouvre largement au regard. Bosquets de lentisques, genets et oliviers règnent en maitres. Çà et là, une petite parcelle soustraite par des mains patientes pour des carrés de fèves, de petits pois ou de pommes de terre. Il y fait très chaud, pas âme qui vive. Au pied de la colline commence Ait Frah, c’est déjà un autre monde.
Toute cette promenade sous un soleil étincelant.
Quand un kabyle doute ou se perd chez soi ou ailleurs, il se rappelle le soleil et les effluves de sa terre. Et la joie reprend sa source. Et sa taille se redresse.
Et il repart en existence.
© Mustapha Amarouche