
Témoignage. Versé au dossier, mais au su de tous « insuffisamment exploité », à l’image de tant d’autres manquements qui qualifient une procédure inédite, manquements sur lesquels nous reviendrons, TJ vous livre un témoignage, glaçant. Il se passe de commentaires. Il décrit l’indicible…
Il est destiné à ceux qui ignoreraient encore comment fut sauvagement lynchée Sarah Halimi, comment elle fut fracassée bestialement, avant que son meurtrier ne la soulevât pour la jeter, encore vivante, par la fenêtre.
J’ai été réveillée par des bruits, comme venus d’un chien ou encore d’un bébé.
Je me suis rendormie puis ai été réveillée à nouveau par quelque chose ressemblant à un couinement obsédant. Je me suis rendormi et je ne sais pas combien de temps après, je me suis réveillé́e à nouveau. Cette fois ce n’était plus un animal, mais un bébé́ qui pleurait. Je me suis levé́e. Il faisait nuit. Il était 03h45 sur mon réveil mais comme je n’avais pas changé l’heure, il était donc 04 heures 45. J’ai ouvert le rideau.
Mon appartement m’a permis d’assister à cette scène. Une exécution.
Malgré le double vitrage, ces gémissements étaient assez forts. J’arrive à̀ identifier rapidement, grâce à la lumière de l’appartement de l’immeuble, d’où proviennent les « bruits ».
Je vois une silhouette en train de cogner une personne qui est au sol et j’entends « Tu vas la fermer ta gueule ».
Je comprends qu’il s’agit des cris d’une femme en train de souffrir le martyr. Cela dure deux à trois minutes pendant lesquelles cette femme est rouée de coups de poing. Je ne suis pas capable de vous dire combien. J’entends les gémissements de la femme, j’entends ses cris, je vois une silhouette d’homme qui répète Tu vas la fermer ta gueule, grosse pute, salope, tu vas payer.
Il s’agit d’un homme. Mes yeux s’habituent à l’obscurité́. Je pense qu’il s’agit d’un jeune homme noir. Aux cheveux courts.
Finalement des lumières s’allument et d’autres voisins de l’immeuble où se passent les faits sortent. Un d’entre eux évoque l’appel aux secours.
Dans l’appartement d’où viennent les gémissements, L’homme se met alors à̀ crier en arabe « Allah Akbar » et, alternant français et arabe, je l’entends dire : Que Dieu me soit témoin.
Il repart dans son délire, cogne à nouveau la victime, toujours à̀ coups de poing. On n’entend plus de gémissement. Tout ce que j’entends, c’est le bruit de la viande qui se fait cogner.
Il continue à̀ cogner et à cogner. Je suis incapable de dire la quantité́ de coups de poing qu’il a donnés, ponctués des mêmes Allah akbar Tu vas payer C’est pour venger mon frère.
Il y a un silence. II regarde la femme et lui dit : Tu continues à bouger ? Il l’insulte. La cogne de plus belle. Avec un acharnement bestial.
A ce moment là, cela se calme un peu. Il fait à nouveau des incantations à Dieu.
Ensuite, je pense que la Bac est là : je vois en effet des lampes assez fortes. Je les vois arriver dans la cour. Ils essayent de comprendre. Ils sont masqués par des arbres. Puis ils disparaissent.
Là, le type a compris lui aussi que la police était là, je pense.
Il a alors la présence d’esprit de dire : Appelez la police, Y a une femme, elle va se suicider. Y a du sang partout. Je viens de marcher dedans. Dites-leur que j’ai marché dedans avec mon pied gauche.
Puis, il prend la femme par les poignets, la soulève, la pose sur la rambarde du balcon, et finit par la faire basculer par-dessus la balustrade. Je ne sais pas bien comment il a fait, mais il parvient à̀ la soulever et la faire basculer. Elle tombe dans la cour, juste à̀ côté́ d’une terrasse.
J’entends une voix de femme dire : Elle est tombée.
Lui reste sur le balcon. Implore Dieu à nouveau. Au bout d’un instant, il dit : Je vais rentrer chez moi.
Il escalade la rambarde et rejoint le balcon voisin qui se trouve sur sa droite. Je le vois pousser les deux fenêtres, les rideaux. Il y a une sorte de pénombre dans l’appartement. Il entre.
Ensuite, les rideaux m’empêchent de voir ce qui se passe dans l’appartement.
Je précise que lorsque la femme est tombée, j’ai fait avec mon téléphone portable un enregistrement audio de ce qui s’est passé. Le voilà.
Je ne suis pas capable de reconnaître l’homme qui a fait ça. Mais si j’entends sa voix, si je l’entends dire Allah akbar ou salope, je suis sûr de pouvoir reconnaître sa voix.
Je ne suis pas sûr, mais je crois que la personne chez qui cela s’est passé est de confession judaïque. Parce qu’il me semble qu’il y a de temps en temps chez elle des fêtes religieuses qui me semblent entre des fêtes juives. Je me souviens avoir vu de nombreuses personnes à l’occasion de ces fêtes. Cela avait l’air très festif avec diverses tranches d’âges représentées.
La femme qui vivait dans cet appartement est une personne d’un certain âge et qui semble vivre seule.
Je n’ai pas bien distingué un homme que des policiers emmenaient dans le fourgon. J’étais assis sur le trottoir encore sous le choc. Je me suis relevé́ pour voir cet homme, mais on lui baissait la tête pour qu’il entre dans le véhicule de police et je ne l’ai donc pas vu. Je me suis assis à̀ nouveau et j’ai fumé une cigarette.
J’ai vu le corps tomber. Le seul moment où j’ai vu la victime, c’est lorsqu’il l’a faite basculer par-dessus la rambarde du balcon. Je la vois quand il la soulève et qu’il la prend par les poignets. Je vois sa tête, ses cheveux qui retombent sur le muret, puis de l’autre côté́. Elle a les cheveux mi-longs, foncés, il me semble. Elle porte un vêtement blanc ou beige, une chemise de nuit peut-être. Je suis en contre-jour : la lumière provient de derrière eux dans l’appartement.
Mais au son de ses gémissements, je savais que c’était une femme. Lorsqu’il l’a jetée, elle ne bougeait plus. Elle ne gémissait plus. Quand il la soulève, c’est un corps inerte.
Lui ? Je me souviens très nettement de ses coups de poings. Je pense qu’il en a donné́ des deux poings. Et pour moi, le bruit des coups est celui des poings sur la chair, Et cela ne s’arrête pas.
La seule chose que je peux dire à son sujet c’est qu’il était pieds nus. Parce qu’il a dit qu’il avait marché dans le sang et qu’il avait le pied plein de sang. Il criait : J’en ai sur les deux pieds maintenant. Ça colle partout.
J’insiste sur le fait que la première chose qui m’a réveillé́, ce sont les gémissements d’un être vivant en souffrance. C’était de la torture. Je comprends que c’est une femme qui gémit sous les coups qu’elle reçoit. A chaque coup, j’entends un gémissement. Elle n’a même plus la force pour pousser un cri. Ce sont des gémissements.
Lui, très vite, il lui dit de fermer sa gueule. Il l’insulte. Il se met à répéter : C’est pour venger mon frère, Dieu en soit témoin, Allah Akbar. C’est pour mon frère. Tu vas payer. Et il lui portait à nouveau des coups.
Cela s’arrête et puis il repart de plus belle parce qu’elle bouge. C’est ce que je déduis parce qu’il lui dit : Arrête de bouger. Et au bout d’un moment, il dit : C’est bon, tu bouges plus ?
Il n’a jamais essayé́ de s’enfuir.
EIle pleure.
Elle conclut :
C’était de l’acharnement. Vu la violence des coups, même s’il s’était arrêté au bout des premières cinq minutes, je ne suis pas certain que la victime aurait survécu. Il aurait pu s’arrêter là. Mais non, il a continué́, s’est arrêté et a encore repris ses coups. Et finalement il l’a balancée. C’est ça qui est traumatisant.