Tribune Juive

Les tweets anti juifs – Le Président du CRIF répond à Sylvie Bensaïd

Au lendemain des tweets antisémites et de la vague de haine qui a déferlé sur internet nous avons rencontré Francis Kalifat, le Président du Crif (Conseil Représentatif des Juifs de France).


Tribune Juive : qu’elle a été la réaction du Crif après l’annonce samedi soir lors de l’élection de Miss France d’une déferlante de tweets antisémites ?

Francis Kalifat : Comme tout le monde nous avons été saisis par un sentiment de dégoût face à cette vague de haine. Une déferlante de messages plus odieux les uns que les autres. La ligne rouge a été franchie, car n’oublions pas qu’entre l’antisémitisme et l’antisionisme, il n’y a aucune différence. Quand on attaque l’Etat d’Israël dans sa négation et son désir de destruction, on attaque aussi les juifs. Il faut néanmoins saluer l’unanimité des réactions pour dénoncer ces tweets antisémites tant dans la société civile que dans la sphère politique .

Tribune Juive : une enquête vient d’être ouverte par le parquet de Paris. Le Crif a déposé plainte. Doutez vous de la coopération de tweeter qui risque de décharger sa responsabilité dans cette affaire ?

Francis Kalifat : Les réseaux sociaux ont été dépassés par leur succès. Nous demandons depuis des mois à connaître le nombre, la formation des modérateurs francophones, dont le rôle est de sanctionner ces déversoirs de haine, mais nous n’avons jamais obtenu de réponse. Il faut que tweeter accepte de coopérer et de communiquer les adresses IP des titulaires des comptes visés. Il faut lever l’anonymat qui donne un sentiment d’impunité. Je ne crois pas que ni tweeter ni les réseaux sociaux ne soient intouchables. Il n’y a que les sanctions financières qui feront plier les machines à cash que sont devenues les réseaux sociaux, il faut les frapper au portefeuille.

Tribune Juive : Pensez vous que la justice pourra appliquer les peines à la hauteur des actes commis ?

Francis Kalifat :J’ai confiance en la justice. Cependant, pour ces actes sur internet, les sanctions ne passent que par des condamnations symboliques. À chaque fois que nous sommes devant les tribunaux, les peines requises sont minimes, ce sont presque des encouragements à la récidive avec rappel à la loi, travaux d’intérêt général qui devraient être réservés aux seuls premiers délits mais il faut frapper fort pour les récidivistes.

Les magistrats de notre pays n’ont pas pris suffisamment conscience de leurs responsabilités pour combattre ces délits, car l’antisémitisme est un délit. La loi Avia qui était sur le bureau de l’Assemblée Nationale, n’était certes pas parfaite, mais c’était une première étape dans la riposte judiciaire. Elle a été cassée par le Conseil Constitutionnel. Depuis, plus rien n’arrive, nous attendons toujours sa réécriture. La volonté politique de remettre cette loi sur le tapis est réelle mais nous avons le sentiment que le gouvernement ne prend pas ce problème à bras le corps.

Tribune Juive : Face au contexte, Pensez vous que la loi sur la liberté de la presse devrait évoluer ?

Francis Kalifat : La loi sur la presse du 29 juillet 1881 sur la liberté d’expression n’est pas absolue, elle doit être reformée à l’heure d’Internet et trouver un meilleur équilibre afin de prévenir les abus de la liberté d’expression. Aujourd’hui cette loi profite et protège les délinquants, il faut en sortir pour que ces délits tombent dans le droit commun et soient traités comme tels

Tribune Juive : Comment expliquez vous que les actes antisémites aient augmenté si fortement ?

Francis Kalifat : l’antisémitisme a explosé. La grande part vient de l’islam radical. Aujourd’hui les français juifs ne sont pas en sécurité dans certains quartiers. Des familles juives quittent les endroits où ils vivaient depuis des années pour des lieux plus sûrs. Nous vivons un exil intérieur avec un déplacement de population. Cela est inadmissible. L’antisémitisme ne fait pas la une des médias. Il faut une prise de conscience collective de tous les citoyens pour dire stop à ce fléau avec une tolérance zéro, tous les actes doivent etre sanctionnés.

Nous avons pourtant à notre disposition un Arsenal juridique pour éradiquer cet antisémitisme.

On a mis en place des plans, des budgets, la Dilcrah, l’erreur fondamentale a été de traiter toutes les haines de la même manière, chacune d’elle répond à des ressorts différents, quand tout est mélangé on ne peut avoir de résultats. Jean-MICHEL Blanquer, le ministre de l’Education nationale a donne l’élan nécessaire aux chefs d’établissements pour la mise en place des dispositifs de lutte contre l’antisémitisme, ces décisions vont dans le bon sens, elles auront des effets dans une génération. On a besoin d’une réponse immédiate, seule la justice peut nous l’apporter.

Tribune Juive : votre premier souhait pour 2021 ?

Francis Kalifat : j’attends la décision de la cour de Cassation qui doit être rendue concernant l’assassinat de Sarah Halimi pour qu’enfin l’assassin puisse être jugé.

Sylvie Bensaid

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