Tribune Juive

Nidra Poller. Donald Trump, un faux messie

Le 14 décembre 2020, les membres du collège électoral, siégeant dans leurs Etats respectifs, ont voté en respectant la volonté des citoyens : 306 voix pour Joe Biden, 232 pour Donald Trump. Pas de coup de théâtre et pas, jusqu’à présent, de soulèvement massif du camp Trump. Les Etats-Unis d’Amérique sont un Etat de droit. Sans surprise, l’Attorney General Barr a remis sa démission, dans la foulée. Fidèle parmi les derniers fidèles de l’administration Trump, il avait signé son bon de sortie en refusant de découvrir la fameuse fraude massive.

C’est qui le tricheur ?

C’est particulièrement douloureux pour moi d’écrire ce texte qui creusera le fossé me séparant  des proches et des pas éloignés, persuadés qu’on a privé Donald Trump d’une victoire plus que méritée.  Faute de confirmation dans les urnes d’une victoire écrasante de leur Trump exceptionnel contre le sénile Biden, ils se rangent derrière leur président à vie et le suivent jusqu’aux derniers remparts d’un complotisme multiforme qui les éloigne de plus en plus de la réalité. Et de moi.

Trumpistes américains, ils me traitent d’européenne élitiste sous l’influence des courants intellectuels dépassés, incapable de reconnaître, sous la surface brute, la pierre précieuse dans un monde de gravats.

Ce n’est pas simplement un bon président, malgré les apparences, c’est le meilleur président … de tous les temps. Un homme au-dessus de la compétence et au-delà de l’expérience qui fait des miracles là où les diplômés miteux ont échoué.

Les affaires étrangères ? Qui a besoin de spécialistes de régions, de diplomates expérimentés et de conseillers de haut niveau ? Trump, fonctionnant au doigt mouillé, peut tout seul faire mieux que quiconque … jamais … depuis toujours.

L’économie ? Inutile de poser la question. C’est un homme d’affaires richissime, qui n’avait pas besoin d’être président pour remplir ses coffres. Il a créé, en moins cinq, la meilleure économie de toute l’histoire des Etats-Unis, voire du monde.

Comment est-il possible qu’une Juive américaine préfère les Démocrates antisémites/antisionistes au Trump, le meilleur ami d’Israël de toute l’histoire ?

Des amis et collègues français ou israéliens reprennent les informations diffusées par des Trumpistes américains et me demandent pourquoi je persiste à les contredire. Agacés par mon entêtement, ils sont surpris de me voir faire fausse route, alors qu’on partage par ailleurs des valeurs, une vision et une tendresse amicale. Comment est-il possible qu’une Juive américaine préfère les Démocrates antisémites/antisionistes au Trump, le meilleur ami d’Israël de toute l’histoire ? J’ai perdu toute une promotion de complices qui, depuis le début du 21e siècle, regardaient et analysaient à mes côtés l’actualité internationale. On était des sources, les uns pour les autres et tous fiables. Aujourd’hui, tant de camarades ont disparu … une génération décimée par la guerre.

Ils se sont rangés derrière leur champion, The Great & Mighty Donald Trump

Ça s’est passé en un éclair, lors des primaires Républicaines de 2016. Comme des soldats commotionnés par une attaque surprise qui passent avec armes et bagages dans le camp des agresseurs, ils se sont rangés derrière leur champion, The Great & Mighty Donald Trump.

Depuis lors, Trump pompe l’air et eux, ils lui gonflent les pneus. On ne va pas raconter les quatre années de son mandat, les couleuvres goulument avalés par des conservateurs recyclés en serviteurs.  

Mais on ne peut pas éviter de tirer le bilan de ces cinq dernières semaines de tricherie honteuse, d’actions en justice bâclées, de sollicitations cyniques de la Cour Suprême, d’allégations infondées et d’accusations scandaleuses lancées contre des responsables honnêtes.

Au fur et à mesure des échecs judiciaires, on multiplie la donne : il y avait véritablement de la fraude massive, d’une ampleur macroscopique, tellement énorme que personne n’a pu l’exposer dans toute sa dimension et aucune instance n’a eu le courage de la démanteler et faire élire le vrai président.

De la pandémie imaginaire aux élections volées

Je me demande si le déni de la pandémie aurait enflammé tant de commentateurs conservateurs si Donald Trump n’avait pas  donné le La. S’appropriant comme toujours le beau rôle, il a avoué au vieux renard de journaliste Bob Woodward qu’il avait gardé pour lui la terrible vérité sur le nouveau coronavirus afin de ne pas semer la panique dans la population. D’aucuns pensent qu’il comptait limoger le virus comme il avait viré tant de collaborateurs insoumis. Croyait-il conserver le miracle économique devant assurer sa réélection, en laissant mourir les faibles et travailler les forts ? Toujours est-il que des plumes autrefois engagées à exposer l’islamisation furtive se sont dévouées, depuis bientôt un an, à dénoncer les alarmistes et les profiteurs d’une crise sanitaire fabriquée de toutes pièces pour nuire à Donald Trump. Ces auteurs sont contre le confinement et pour l’hydroxychloroquine, contre le port du masque et pour le modèle suédois, contre la fermeture des commerces, bars, restaurants et salles de sport et méfiants envers des blouses blanches qu’ils accusent de gonfler les chiffres de mortalité par covid-19. Ils disent que la grande majorité des victimes sont des personnes âgées qui auraient trépassé, du Covid ou d’autre chose, avant la fin de l’année, alors, quelle importance ?

Et maintenant ils veulent défaire les élections du 3  novembre, contaminées par des bulletins de vote avariés.

Les protocoles des sages démocrates

Plus d’un mois d’allégations de fraude massive sur une échelle impossible à organiser concrètement, mais tellement réelle pour les croyants. La pandémie poursuit son bonhomme de chemin, sur une pente très abrupte aux USA où les morts se comptent par deux à trois milliers par jour. Ceux qui nous ont assuré, au printemps dernier, que le Covid-19 était moins craignos que la grippe saisonnière ne rechignent pas aujourd’hui à semer la panique … à propos des élections ayant porté Joe Biden au seuil de la Maison Blanche.  

Justement, non. Ils disent Non, jamais de la vie, C’est Trump notre président, c’est Trump le vainqueur, le réélu, le couronné.

Laissant de côté les prêches contre la pandémie-panique, mes anciens alliés n’hésitent pas à sonner l’alarme sur la fraude massive qui a terni le scrutin. C’est une avalanche de papiers, un torrent d’allégations les plus extravagantes : les bulletins de vote trafiqués, déplacés, détruits ou fabriqués se comptent par millions. Ce qui n’a pas été faussé sur papier l’était électroniquement par des machines d’origine vénézuélienne munies d’algorithmes transformant des voix Trump en votes Biden, le tout compté en Allemagne. Les chiffres donnent le vertige. C’est à devenir fou ! 

Comment faire la part des choses ? Il y a une réalité. Il est possible de la connaître

Après chaque barrage, je dois me calmer et retrouver mon équilibre intellectuel. L’opération diabolique dirigée par le candidat Biden lui-même et menée par des dizaines de milliers de complices sans laisser des traces de concertation n’est pas possible. Rien de moins ne pourrait satisfaire les prétentions grandioses du président. Si tu plonges au cœur du récit, tu peux t’y perdre. Comment faire la part des choses ? Il y a une réalité. Il est possible de la connaître. En consultant, bien entendu, des sources fiables et il y en a.

Le complotisme finit toujours par patauger dans l’antisémitisme

Le complotisme finit toujours par patauger dans l’antisémitisme. Ainsi, le super complotiste, maître Lin Wood, qui déniche des pédophiles dans tous les corps constitués, en trouve, comme par hasard, au sein du Mossad aussi. Un bon 10% à son avis. Wood c’est le confrère de maître Sidney Powell, l’avocate choyée, puis rétroactivement rejetée tout en restant complice de l’équipe légale de choc du président Trump. Powell et Wood avaient déposé un recours « de proportions bibliques » dans l’Etat de Georgia. En fait, c’était en carton-pâte. Comme tout le reste.

La question juive

Voilà le paradoxe : dans sa tentative désespérée de renverser le verdict des urnes, le président meilleur-ami-d’Israël n’hésite pas à s’appuyer sur des avocats tendance QAnon que mes proches, à leur tour, embrassent. Que pèsent quelques relations sulfureuses à côté du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem ? La défense de l’Etat juif face aux pitbulls onusiens ? Les 4 vérités aux Palestiniens, le retrait du financement de l’UNWRA, la normalisation des relations avec les Emirates, Bahrein, Sudan, Bhutan, Maroc … ? La déclaration de souveraineté israélienne sur le Golan et la Judée-Samarie et tant d’autres baumes pour notre cœur. Dites-moi que Donald Trump n’est pas bon pour les Juifs ! 

C’est à pleurer. Pourquoi ça doit être lui, qui parle un peu vrai et rend un peu de justice là où nous sommes ployés sous les insultes et malmenés de tous les côtés ? Ces ingrats de Juifs américains restent collés à leur droitdel’hommisme ? Peu importe. Ce n’est pas pour leurs voix qu’il nous a bénis de générosités. On connaît le poids électoral des Evangelicals.

Mais je ne lui fais pas de procès d’intention. Je déplore le fait que de nobles aspirations sionistes soient associées à l’homme malhonnête qui méprise les valeurs que je défends. Je redoute le retour de manivelle de l’aile dure de sa clique, forcée un jour de reconnaitre sa défaite. Sommes-nous si misérables qu’on doit tout pardonner à cet homme qui nous fait un peu de bien ? On peut divorcer du père ou de la mère de ses enfants, mais impossible de se séparer d’un président qui fonce tête baissée dans l’ignominie ? La politique n’est pas une histoire d’amour pardi. Gardons ce qui est acquis et reprenons nos billes.

Le culte de la personnalité et pire

Le collège électoral s’est prononcé. Les jeux sont faits ? Pas pour les loyalistes du président sortant. Selon leur logique implacable, tout argument, tout responsable, tout commentateur refusant d’accepter l’allégation de fraude massive devient automatiquement complice du coup d’Etat perpétré par les Démocrates. Impossible de tenir compte de nouveaux éléments susceptibles de nuire à la version dictée au lendemain du scrutin.  La réalité n’est pas à chercher, elle est imposée par le seigneur et soutenue par les disciples. 

D’où vient cette verticalité du style islamique et comment comprendre qu’elle frappe aujourd’hui ceux qui depuis vingt ans sonnent l’alarme contre l’islamisation des esprits ? J’avais analysé alors l’assaut contre la pensée rationnelle qui est la fondation de notre civilisation  [Lethal narratives ].

Aujourd’hui je me trouve devant un de ces récits en arme de guerre : le scrutin est entaché de fraude massive, c’est Donald Trump le vainqueur. Au lendemain des conventions du collège électoral qui confirment la victoire de Joe Biden et Kamala Harris, le flot d’allégations ne tarit point. Si vous n’êtes pas dans les mêmes circuits que moi, si tu ne reçois pas tous les jours des compilations de textes publiés par American Thinker [sic], American Greatness, Federalist Pages, Breitbart, Frontpage Magazine, Epoch Times, townhall.com et compagnie, je te le dis,  c’est à devenir fou.

La fuite en avant

Une soixantaine d’actions en justice futiles, le résultat des urnes archi-confirmé et le combat contre les moulins à vent se poursuit comme si de rien n’était. Dans un monde imaginaire. Hors temps et hors sol. Devant de vrais tribunaux, les avocats de choc présentaient des dossiers mal bricolés et bien en-dessous du niveau sensationnel entretenu dans la presse complice où, libres de contraintes, ils remettent sans cesse sur le plateau les mêmes accusations réchauffées, fantasmées, essoufflées, infondées, martelées.

Et c’est tellement énorme que ça nourrit son homme. Accusez, accusez, il en restera toujours quelque chose. Six semaines  après le scrutin, on me les transmet avec l’enthousiasme du premier jour. Et voilà, ma chère, je te l’avais bien dit, les machines Dominion …  En trois clics je trouve le décryptage, je fais suivre en demandant à l’expéditeur pourquoi ce truc n’est jamais prouvé devant un juge. Pour toute réponse on m’en envoie encore un et sans cesse d’autres. Regarde-moi ça, ma grande, et dis-moi que ce n’est pas accablant.

Stop ! Les accusations, on les étaie de preuves ou on laisse tomber ! Ce n’est pas l’Inquisition que je sache.

Conflit du Moyen-Orient ? C’est fastoche

Au cours des primaires Républicaines de 2016, où Donald Trump s’est comporté en goujat, il a esquissé son projet de résolution du « conflit ». Aujourd’hui il se félicite du fait accompli. Et j’ajouterai que, heureusement, le leadership palestinien n’étant pas séduit, l’Etat palestinien préconisé  par le deal du siècle ne s’est pas matérialisé. Par contre, la normalisation des rapports avec divers pays musulmans avance rapidement et chaleureusement, cassant le pouvoir de véto desdits Palestiniens. Dayenu. Que la normalisation se soit effectuée selon les mœurs d’un spéculateur en immobilier douteux est moins reluisant. Le Soudan blanchi du génocide au Darfour, le Sahara occidental offert en cadeau au Maroc et tout ce beau monde en lice pour l’achat d’armements dernier cri sans qu’on puisse garantir la stabilité des régimes dans cette région où rien n’est fastoche.

Ce que je voudrais, moi, c’est qu’on en finisse avec la politique comme guerre tribale. Je veux la normalisation du rapport avec des amis précieux qui n’entendent rien de la même oreille que moi mais dont le cœur bat au rythme complice. Je ne veux pas, haver, que quand on dit le matsav, on parle de toi et moi.

© Nidra Poller

Nidra Poller

Ecrivaine et journaliste américaine, Nidra Poller  vit à Paris. Elle est traductrice notamment de Levinas, et correspondante de plusieurs publications et de sites Web d’information en langue anglaise comme National Review, FrontPage Magazine

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