Tribune Juive

Eber Haddad. Ces démocraties assumées qui sont devenues des dictatures médiatiques

J’ai vécu jusqu’à l’âge de 18 ans en Tunisie, un pays où l’information n’existait pratiquement pas et où la liberté de la presse était sévèrement restreinte. C’était compréhensible pour un pays neuf sans tradition démocratique et qui devait se consolider. Comme il n’y avait pas d’informations fiables et que tout était basé sur des rumeurs et des « on dit », une expression avait été inventée et quand on demandait les sources d’une information, c’était immanquablement « Radio trottoir »…  

On avait parfois accès à Radio Monte-Carlo ou Europe1, en Grandes Ondes donc de mauvaise qualité, à certaines heures de la journée et surtout de la nuit et on pouvait ainsi se faire une idée de la véracité de telle ou telle info.

Je m’étais juré que cela ne m’arriverait plus jamais et que je ne vivrais que dans des pays où l’information serait libre et la liberté d’expression totale. C’est d’ailleurs pour cela que je n’accepte de quiconque les tentatives de me faire taire ou celle de me faire comprendre que je ne pense ni ne m’exprime « comme il faut » selon les bien-pensants et ceux qui considèrent que le politiquement correct et la « voix de son maître » sont les seules moyens d’expression acceptables.

Lorsque j’ai vécu en France, il y avait, à l’époque, une relative liberté d’expression, croyait-on, qui nous permettait d’être informés correctement et avec une certaine diversité d’opinions. On ne savait pas que le Ministère de l’Information, et celui de l’Intérieur parfois, veillaient au grain et que certaines informations étaient filtrées et expurgées avant d’être diffusées: cela nous suffisait.

Quand je suis arrivé aux États-Unis, c’était le nirvâna… J’étais fasciné par la totale liberté d’expression, l’honnêteté des journalistes qui n’hésitaient à critiquer ni leur parti, ni leur pays, et la complète insouciance face à la censure.

Ça a duré jusqu’à la fin du 20ème siècle puis ça a commencé à se dégrader progressivement et c’est allé jusqu’à la médiocrité vers la fin des années Bush fils, et s’est ancré dès le début du premier mandat d’Obama. Il était devenu une rockstar, tout ce qu’il disait était vérité absolue, des paroles d’évangile, intouchable il « marchait sur l’eau ». Le critiquer était systématiquement considéré comme du racisme, ni plus, ni moins.

Là, ce n’était plus la pluralité de l’information mais la propagande et le matraquage qui pointaient leur nez et qui n’allaient pas tarder à devenir la norme.

Aujourd’hui l’information aux États-Unis est au niveau zéro à tous les points de vue, censure, nouvelles orientées, matraquage et propagande et certains jours et dans certaines situations, on se croirait dans l’URSS d’Andropov, même pas celle de Gorbatchev avec sa « glasnost », qui était un réel progrès.

Je n’ose même pas évoquer les médias français qui brillent encore plus par leur médiocrité, leur partialité et leur manipulation de l’information.

La boucle est bouclée, je me retrouve, sur la dernière partie de ma vie, dans un système d’informations pire encore que celui de ma jeunesse mais cette fois sans l’excuse de la pauvreté, de l’époque et de la naissance difficile d’un pays.

Ce sont des démocraties assumées qui sont devenues des dictatures médiatiques en attendant de devenir sous peu de  véritables dictatures politiques.

© Eber Haddad

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