Sur les faits
Dans son émission du 17 septembre 2020, sur France Inter, consultable en podcast et rediffusion sur le site de la radio, le chroniqueur Antony Bellanger s’est cru autorisé à s’en prendre au détour d’une phrase aux » juifs fanatiques » qui se rendent en pèlerinage annuel à Ouman (Ukraine).

L’emploi de l’épithète » fanatique » ne correspond à aucune réalité démontrable en fait, en Droit, ni en situation. Il s’agit en revanche de la reprise publique d’un poncif antisémite reprenant les fantasmes anciens à l’endroit des juifs visibles ou non.
Sur le fanatisme
La définition lexicographique du fanatisme indique deux acceptions vérifiables dans les dictionnaires de la langue française :
- un dévouement absolu et exclusif à une cause qui pousse à l’intolérance religieuse ou politique et conduit à des actes de violence.
- un attachement passionné, enthousiaste, excessif pour quelqu’un ou quelque chose.
Sur le prétendu fanatisme des juifs qui pèlerinent à Ouman. Soit Belanger vise la première acception (intolérance religieuse et actes de violences) et il lui faudra démontrer et attester de l’intolérance religieuse et des violences de ces personnes qui patientent pacifiquement et civiquement à la frontière.
Il convient de préciser que nulle violence n’est constatée chez les pélerins injuriés par Bélanger de « juifs fanatiques ». Bélanger aurait été mieux inspiré de procéder aux vérifications avant d’employer des termes non conformes, préjugeants et généralistes.
Il ne l’a pas fait, ou il l’a fait et a négligé la réalité au profit de préjugés.
Soit Belanger vise la seconde acception (passion, excès), et il lui faudra préciser ses barèmes personnels de la passion et de l’excès des publics qu’il incrimine.
Il lui faudra également adapter ces publics à la situation ciblée, et la nature de l’exclusivité qu’il dénonce sans le moins commencement de preuve ni de démonstration. Il n’y parviendra pas dans le cadre de la démonstration juridique et factuelle.
Sur le fond
Bélanger officie en France. Il est informé des actes de fanatismes, de violences et de tous ordres qui sévissent en France. Ces actes de fanatismes sont en France quasi-quotidiens. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, ils atteignent principalement ses compatriotes juifs. Injurier des juifs religieux, dont certains sont français, sur une radio de service public, sous prétexte d’analyse, constitue un délit d’antisémitisme avéré, une contribution à la violence antisémite qui modifie depuis des années les français juifs visibles ou non, et une faute déontologique professionnelle qu’il lui faudra bien assumer dans l’hypothèse souhaitable, nécessaire et impérieuse d’une assignation à son endroit.
L’agrégation morale et injurieuse par Bélanger de personnes vivant une même situation mais avec des personnalités et des réactions différentes est une absurdité topologique et un élément supplémentaire du caractère antisémite des allégations de Bélanger : le seul point commun à ces personnes est leur but de pèlerinage … en qualité de juifs.
L’adoption par Belanger d’une terminologie antisémite est patente et injurieuse. Elle se fonde de surcroît sur des faits non-avérés. La vérification des faits aurait conduit à l’analyse contraire de celle de Bélanger : les publics en attente ne présentent aucun fanatisme. La présence de ces pèlerins à la frontière polono-ukrainienne et ukraino-biélorusse atteste au contraire d’ un respect intégral des réglementations. Béranger ne peut attester d’aucun passage ou tentative de passage illégal des frontières, par exemple.
Sur un plan historique
Ni l’Histoire de la destruction des Juifs entre 1933 et 1945, ni l’actualité de l’antisémitisme ne constituent une source de vengeance pour les victimes juives et leurs entourages directs ou indirects. C’est la vengeance qui forge le fanatisme. L’antisémitisme, le racisme, le ségrégationnisme sont des fanatismes qui perturbent en France la paix civile de la nation. En qualifiant de « fanatiques » des personnes déplacées et réunies en pèlerinage, Béranger a insulté par antisémitisme des êtres, la liberté de déplacement et la liberté de conscience. Il serait intéressant de vérifier si Béranger a qualifié identiquement dans le cadre de son intervention quotidienne à France Inter les délinquants qui ont commis des déprédations et des destructions de monuments (arc de triomphe, etc) et de statues publics (de personnages liés à la colonisation et à l’esclavage) au titre de la haine affirmée de la république, de l’escalvagisme, du racisme et de la république esclavagiste et raciste.
Béranger a donc diffusé des préjugés punis par la Loi et prohibée par la déontologie des journalistes.
La diffusion tels propos sur un radio nationale, publique, financée sur le denier national est une impertinence à condamner avec la plus extrême vigueur.
Responsabilité du parquet et des organisations alertées
Les organisations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, de défense des droits humains et de représentation des français juifs sont alertées.
La saisine judiciaire par ces organisations à l’encontre de Bélanger est une nécessité prophylactique, éthique & juridique.
Le journaliste Belanger ne saurait être exonéré de ses obligations professionnelles, du respect des personnes et groupes de personnes.
L’utilisation des instruments juridiques mis à la disposition des publics injuriés et stigmatisés en raison de leurs particularismes est une nécessité civique, démocratique, humaine absolue.
Il y va de l’honneur des personnes préjugées, de la profession de journalisme & de la dignité de tous.
Pierre Saba